D’où vient votre passion pour Dieu ?
Je suis né athée dans une famille athée. Dieu a été absent de la première partie de ma vie. Un soir, j’étais perdu dans le Sahara, et il s’est manifesté. C’était une nuit mystique, celle de la rencontre.
Pourquoi écrire ?
Dieu est là, dans notre monde, de manière souvent insupportable. Des fous massacrent et terrorisent en son nom. Est-ce le même Dieu ? Celui que j’ai rencontré m’encourage à aimer, pas à haïr ou à détruire. C’est ce paradoxe qui m’a poussé à l’écriture.
Comment trouver Dieu ?
Je rencontre des gens qui cherchent Dieu, ils font d’énormes efforts pour se rapprocher de lui. Je leur dis : “Arrêtez de vous battre... Laissez-vous aller.” On rencontre Dieu lorsqu’on cesse de vouloir tout maîtriser et tout dominer, lorsqu’on admet nos failles, nos peurs et nos fragilités. Si on n’avait pas de fêlures, par où la lumière passerait-elle ?
Sommes-nous tous égaux par rapport à la foi ?
Je ne sais pas, on est différents en tout cas. Dans une salle de mille personnes, il y a mille façons de croire, d’être athée ou d’être insensible à la question de Dieu. Chacun de nous a un ADN spirituel unique, propre à son histoire, à ses attentes, à ses rencontres, à ses frustrations et à ses plénitudes.
Votre pensée se rapproche du bouddhisme qui reconnaît et intègre diverses spiritualités…
Je suis passionné par plein d’aspects du bouddhisme mais je ne crois pas à l’idéal du sage qui se retire dans sa grotte pour se détacher du monde et de ses sentiments. Je pense qu’il faut vivre les émotions avec intensité. Je suis un romantique chrétien.
Croyez-vous qu’il y ait des âmes réincarnées ?
Je crois surtout qu’il y a des âmes empathiques, comme la mienne. Je vois des choses chez les personnes que je rencontre, je reçois des informations qu’elles ne veulent pas me donner. Mon savoir des autres n’est pas rationnel. On dirait que je perçois un autre temps, mais c’est simplement de l’empathie.
Que pensez-vous des religions ?
Depuis mon extase mystique, j’ai des frères et sœurs dans toutes les spiritualités. Le Dieu que j’ai rencontré dans le désert n’est pas celui d’un dogme, il appartient à tous. Les religions ne sont que diverses manières de parler du cœur de feu qui les fonde toutes. Elles commencent divines, dans la chaleur de l’expérience mystique, et finissent humaines, lorsqu’elles oublient leurs origines et se muent en froides institutions. Les saints et les grandes figures spirituelles nous ramènent à la chaleur de la source.
Pourquoi êtes-vous chrétien ?
À cause de la lecture des Évangiles. Ils ont bouleversé ma nuit en y introduisant l’amour. L’amour avant tout, c’est une idée merveilleuse, qui m’inspire continuellement.
Que signifie Noël pour vous ?
Noël, c’est la lumière de la source dans les ténèbres du monde. C’est un moment de purification, je me lave de ce que la vie sociale a déposé d'égoïsme et de matérialisme sur mon âme. La vie nous empoussière, elle nous brutalise, elle nous oblige à donner de l’énergie à l’inessentiel. J’ai besoin de ces moments de recentrement, de fraternité. On s’arrête. On s’ouvre à l’intime, à la tendresse, à la générosité.
Votre dernier roman est noir et lumineux. À l’image des hommes ?
L’humanité a ses heures sombres. Je cherche à transcender par la philosophie et par l’humour. C’est presque un triple roman. Il y a un côté réaliste – une enquête sur un attentat – mais aussi une dimension fantastique : le personnage d’Augustin a un lien avec l’invisible, il voit les morts. Ces deux histoires s’articulent autour d’un questionnement philosophique sur l’origine de la violence. Vient-elle des hommes, de Dieu ou des religions ? Comment doit-on lire des textes sacrés remplis d’injonction à la violence ? C’est une sorte de fable, une histoire qui invite à réfléchir.
Les attentats de novembre 2015 vous ont beaucoup marqué…
Ils m’ont sidéré. À tel point que j’en ai perdu mes mots et mes émotions. J’étais froid devant mon téléviseur. Ce roman, je l’ai écrit pour donner un sens philosophique à cette incompréhensible absurdité. Ma réflexion sur Dieu, les religions et la violence, les personnages de mon histoire, tout cela était en moi depuis longtemps. Ce drame a fait déborder le vase.
Sommes-nous proches de l’apocalypse, au sens propre du terme ; en d’autres termes, le voile se lève-t-il ?
Dans mon roman j’évoque l’apocalypse. Les hommes ne contrôlent pas leur violence, la Terre est surexploitée, l’instabilité est partout. À Paris ou à New York on ressent dans notre chair le conflit qui secoue le Moyen-Orient. Je parle aussi du remède : donner un sens au monde. C’est ce que fait la spiritualité. Ce sens peut être religieux ou athée, peu importe, la spiritualité n’appartient pas aux seuls croyants.
Quelle est votre espérance pour le monde ?
Il y a de plus en plus de diversités dans nos sociétés. Le risque c’est qu’elles se scindent en petits groupes de gens qui pensent la même chose. Mais la solution n’est pas le communautarisme. Nous devons vivre ensemble en sachant identifier nos différences mais aussi nos points communs : nos questions et notre ignorance. Nous sommes des consciences qui s’interrogent. Notre lien est là. Lorsqu’on accepte cette ignorance on comprend que les réponses proposées sont hypothétiques et subjectives, et qu’aucune ne peut être prise pour la vérité.
Pour vous, il n’y a pas de maladie religieuse mais une maladie de la pensée qui génère la violence et le fanatisme…
La violence génère la peur. Celle de l’ignorance et du doute. La violence est une maladie de la pensée. Le violent est celui qui veut arrêter de penser par peur de douter. On ne peut pas arrêter de penser, il faut apprendre à vivre avec le questionnement et l’incertitude.
Sinon…
Si la société n’accepte pas cette ignorance fondamentale et se réfugie dans le dogmatisme, elle se ferme à la diversité de ses membres et crée la violence qui va la détruire. L’exemple du racisme est parlant. Les frustrations qu’il engendre créent automatiquement la violence envers la société qui exclut.
Comment devenir plus tolérant ?
En apprenant à connaître l’autre, par le dialogue, l’amitié, l’amour ou la lecture. Quand on lit, on change de sexe, d’âge, d’époque, de lieu. Je suis japonais si je lis un roman japonais, une femme si l’héroïne est une femme. Cette curiosité est la première forme de tolérance.
Selon vous “il y a urgence à vivre”, mais comment bien vivre ?
J’ai commencé à mieux vivre quand mon but a été de faire, plutôt que d’avoir fait. Jeune, je me projetais dans l’avenir, je voulais pour le futur. Aujourd’hui, je suis dans le présent comme un sucre qui fond dans l’eau. Le passé ne m’intéresse pas. Je suis encore plus frais qu’à mes débuts. La vie m’a appris le goût de la nouveauté. Mon mot d’ordre : vivre chaque jour comme si c’était le premier.
Vous avez eu un déclic ?
Le malheur. Quand j’ai perdu des personnes que j’aimais, j’ai réalisé qu’être en vie et pouvoir faire ce que l’on désire, c’est un privilège incroyable. Ce qui aurait pu me détruire m’a construit. D’intenses tristesses ont fait naître la joie. Quand on est triste, on se positionne par rapport à un vide. Il nous manque du temps, de l’argent, des opportunités. Dans la joie c’est le plein qui nous attire, ce qu’on a.
Comment être dans la joie ?
C’est l’aube toute la journée, vous n’avez pas remarqué ? En tout cas c’est comme ça que je le vis. Je suis en découverte. Platon disait que la première vertu du philosophe c’est l’étonnement ; moi je rajouterais l’émerveillement. Il vient avec la pratique. Il faut s’entraîner à s’émerveiller, du jour qui tombe, d’une belle musique, d’un spectacle…
C’est ça, le bonheur ?
Un jour j’ai demandé à mon amie, l’actrice Danielle Darrieux, de me définir le bonheur. “C’est ouvrir les volets le matin et les refermer le soir”, m’a-t-elle dit. Accueillir le jour comme la nuit, consentir à tout ce que la vie propose, c’est ça la vraie sagesse.