Après l’annonce de sa grossesse en 2016, Pascale Jeuland revient au plus haut niveau en 2018 en montant directement sur la 2ème marche du podium des Championnats de France de poursuite individuelle. Le 19 juillet 2019 à Pau, elle prendra le départ de La Course by Le Tour une course cycliste 100% féminine intégrée au Tour de France.
Comment ce sport s’est invité dans votre vie ?
Je viens d’une famille de cyclistes. Dès mon plus jeune âge j’allais sur le bord des routes encourager mon père qui courait en amateur. Mon frère et ma sœur ont également pratiqué ce sport. Nous allions nous entrainer en famille, ma mère nous accompagnait.
Votre souvenir le plus intense ?
Mon titre de championne du monde du scratch sur piste en 2010. J’étais dans une période difficile, je devais concilier vie professionnelle et sportive pour gagner ma vie. J’ai ressenti ce titre comme un aboutissement dans ma carrière. D’ailleurs, par la suite, j’ai connu une période difficile tellement j’étais épuisée de m'être tant investie.
Votre souvenir le plus douloureux, et comment vous avez rebondi ?
Ma non-participation aux JO de 2012 à Londres malgré la qualification.
Pendant 2 ans, j’ai participé à toutes les manches de Coupe du Monde pour qualifier une place dans ma discipline pour la France. Et à un mois des Jeux Olympiques, ma mère m’a téléphoné pour me dire que je n’étais pas inscrite sur le site de la FFC en tant que qualifiée. Je ne la croyais pas. Je pensais que c’était une erreur. Personne ne m’avait prévenue… J’ai rebondi car je venais enfin de signer un contrat avec l’armée de terre, ce qui me permettait d’être salariée en tant que sportive de haut niveau. Je me suis dit qu’après tout ce temps à me battre pour vivre de mon sport, je n’allais pas arrêter maintenant. J’ai énormément travaillé sur moi pour réussir à encaisser cette injustice, mon mari a été très présent pour me soutenir dans cette période.
Quelle place occupe le féminin dans votre carrière sportive ?
Le féminin est resté essentiel tout au long de ma carrière sportive.
Je suis souvent en tenue de sport lors de mes compétitions mais je ne pars jamais sans maquillage et lisseur. Lors de mes temps de repos je prends du temps pour faire des gommages et réajuster mon vernis. J’ai su me réaliser à travers mon sport et m’épanouir de cette réussite ce qui permet de me sentir libre et de vivre pleinement ma féminité. On peut pratiquer un sport de haut niveau « considéré masculin » tout en gardant sa féminité.
Le principal frein à votre pratique en tant que femme ?
Le salaire et la maternité. Au début de ma carrière, les femmes cyclistes arrêtaient leur carrière sportive pour gagner leur vie. Aujourd’hui celles qui parviennent à gagner un salaire retardent l’âge de leur maternité car c’est un frein pour leur carrière.
Les choses vont évoluer dès l’an prochain dans les meilleures équipes. Il y aura de vrais contrats de travail, avec les mêmes droits que les autres salariés, comme l’accès à un congé maternité. C’est une évolution pour le cyclisme féminin !
Les femmes pourront choisir d’avoir un enfant quand elles le désirent et reprendre leur carrière ensuite. Comme je fais partie du dispositif de l’Armée des Champions, j’ai pu bénéficier de mon congé maternité et reprendre ma carrière par la suite. Je suis fière d’avoir osé reprendre ma carrière et de revenir à mon niveau de performance.
Quel est votre mot-clé, celui qui vous définit en tant que sportive ?
Obstinée.
Quand vous êtes à bout de force, à quelle(s) ressource(s) faites-vous appel ?
Je m’isole et entre en période de mutisme pour mieux réfléchir. Cela m’aide à faire le bilan de ma vie et à analyser ce qui ne va pas. Puis, je prends rendez-vous chez mon psy pour m’aider à aller plus loin dans ma réflexion. Je fais également du shiatsu afin de rééquilibrer mon corps et me recentrer. Dans le sport, il faut être à 100%. Il est essentiel de mobiliser toutes ses ressources pour retrouver son énergie. C’est un travail constant qui demande beaucoup d’implication, à commencer par une bonne hygiène de vie et une alimentation de qualité.
Sport et environnement : qu’aimeriez-vous rendre plus "éthique" dans la pratique de votre discipline ?
Le cyclisme reste un sport favorable à l’environnement. Lors des compétitions, nous devons jeter nos papiers et bidons dans une zone délimitée sur le circuit afin de ne pas laisser nos déchets sur la route. Ce qui est moins écolo, ce sont les voitures et moto de courses qui nous suivent...
Le conseil alimentation de championne que vous avez envie de partager avec nos lectrices
J’adore manger des œufs le matin et m’autorise une pause plaisir avec du sucré vers 16h. Je pense qu’il faut prendre conscience de la qualité des produits que l’on mange au quotidien pour éviter trop d’erreurs nutritives, et aussi savoir se faire plaisir de temps en temps.
Quel leçon de vie tirez-vous de la pratique de votre sport ?
Ce sport m’a enseigné l’assiduité et m’a appris que dans la vie rien n’est acquis. Il faut constamment travailler et savoir se remettre en question pour obtenir ce que l’on désire. J’ai également appris à avoir confiance en mes capacités et connaître mes limites. Je peux gérer mes émotions et faire preuve de beaucoup de sang-froid dans la vie de tous les jours.
Quel conseil donneriez-vous à une femme qui souhaite démarrer votre discipline ?
Le premier conseil à donner est de croire en soi, c’est la clé de la réussite. Si la motivation est là, on trouve toujours des ressources pour aller au plus loin de ses possibilités. Il est ensuite important de savoir s’entourer afin de faire évoluer ses performances.