Retrouvez cet article dans le magazine FemininBio #23 juin-juillet 2019
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Enfin, évasion réussie ! Après doutes, hésitations, faux-départs, promesses de changements, désillusions, enfin le coup de grâce qui vous propulse hors de l’emprise dans laquelle vous étiez plongée, hors de portée de celui qui vous a abusée.
Félicitations, car traverser tout ceci n’est pas une mince affaire et vous laisse certainement un sentiment d’avoir été violentée et abusée psychologiquement, émotionnellement et, malheureusement, parfois même sexuellement et physiquement.
Pas facile de s’extirper d’une relation avec un manipulateur (ou manipulatrice, car elles existent bien sûr – mais les hommes étant majoritaires, j’utiliserai dans cet article le masculin et les initiales PN pour "pervers narcissique") et cela démontre déjà 3 qualités dont vous faites preuve : le courage, la force et la résilience.
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Nettoyez les débris
Cette période est cruciale. Notre psyché et notre corps doivent se remettre doucement de tous ces traumas. Attention à ne pas vous précipiter dans une nouvelle relation sans avoir pansé vos blessures ! Découvrons les étapes essentielles à la reconstruction de votre confiance en vous, en l’autre et dans le monde afin de pouvoir renouer des liens d’amour et mener une vie libre, épanouie et créative.
La stratégie de base du manipulateur est d'isoler sa victime et d'utiliser 3 leviers essentiels que sont la peur, la culpabilité et l’obligation. Son besoin de vous contrôler, de vous objectifier, pour satisfaire son besoin de pouvoir, peut être parfois confondu avec la passion ou l’amour. Il va vous déstabiliser extérieurement et intérieurement par des injonctions contradictoires: alterner marques d’affection, rejets brutaux, compliments et dénigrements, tendresse et violence, tout et son contraire.
Désorientée, vous perdez vos repères intérieurs et extérieurs et vous vous paralysez. Le pervers jouit de votre vulnérabilité et de la déstabilisation.
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Trouvez un lieu sûr et des alliés
La rupture est difficile tant le PN est toxique et emprisonnant. Il ne va pas vous lâcher si facilement. Il a passé tellement de temps à insidieusement vous dévaloriser, à vous déstabiliser, à vilipender famille et amis pour mieux vous en éloigner, peut-être ces personnes qui vous entourent aujourd’hui. Pas facile pour vous d’effectuer cette volte-face et de reconnaître votre méprise sans activer ces voix intérieures qui vous critiquent.
Lors de cette étape posez-vous en toute humilité et laissez-vous porter par l’affection, la générosité de ceux qui vous recueillent. Vous le méritez, même si vous n’en êtes plus trop sûre. L’ampleur de tous ces phénomènes d’emprise et abus commence seulement aujourd’hui à émerger au grand jour dans les médias ; pas évident de délimiter clairement la part de vous qui a été victime et celle qui est responsable de sa vie.
C’est dans cet espace de compassion, d’acceptation radicale de toutes les parts de vous-même que va renaître le sens de votre propre valeur que cette relation vous a dérobé.
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Analysez vos mécanismes
Deux cerveaux nous aident à survivre au trauma. Le premier, le cerveau primitif reptilien, permet de nous dissocier, de nous figer en cas de danger physique ou émotionnel. Le deuxième, le cerveau limbique émotionnel, va opter pour la fuite, l’attaque ou le figement. Une relation toxique est traumatique, même s’il n’y a pas d’abus physique.
Au contact de personnes qui nous terrorisent, ces deux cerveaux vont être suractivés. Alors nous fuyons brutalement, devenons agressives ou nous restons là, figées et paralysées. Souvent sans mots pour oser exprimer à nos proches cet étau affectif, c’est au travers d’un burn-out, de maladies chroniques, de dépression ou de confusion mentale, d’un passage à l’acte, d'un accident, que cette tension interne va un jour s’exprimer.
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Apaisez votre cerveau
Il est essentiel de vous faire accompagner par un thérapeute ayant une bonne connaissance des traumas mais aussi des liens d’attachement. Les approches corporelles, de psychologie énergétique, l’EMDR, sont des moyens privilégiés d’accéder à ce cerveau émotionnel. Elles seront la voie royale vers votre réparation, en effaçant et en neutralisant vos souvenirs traumatiques pour recréer des scénarios où vous retrouverez pouvoir, liberté d’agir et de faire des choix.
Il faudra aussi vous reconnecter à votre corps pour restaurer l’accès à vos ressentis, vos émotions, et pouvoir poser des demandes et des limites claires, conditions d’un futur lien sain.
Retrouvez l’usage de toutes vos émotions
Toutes les émotions sont bonnes si elles ne durent pas plus de 90 secondes et qu'elles débouchent sur une action adaptatrice : la honte sert à se plier à la règle sociale, la culpabilité à admettre ses erreurs et à les réparer, la tristesse sert à se faire consoler par quelqu’un, la peur à se protéger, la colère à poser des limites, le dégoût à rejeter hors de notre organisme une substance nocive.
Le PN a pour stratégie de perturber tous les mécanismes de communication essentiels chez l’humain : il va vous refléter, mais en déformant votre image, interpréter et distordre vos messages, vous prêter des intentions, créer des sous-entendus. Il est maître dans l'art de tromper vos repères naturels, créer cette confusion mentale, émotionnelle et physique, ce brouillard dans lequel vous vous retrouvez plongée même lorsqu’il n’est plus là.
C’est là son pouvoir et sa stratégie : profondément déstabiliser sa victime et jouir de la souffrance dans laquelle il a le pouvoir de la plonger.
Alors prenez le temps de réparer vos capacités relationnelles en :
- Vous réappropriant votre colère, si mal comprise et souvent confondue avec la violence, celle qui monte en soi lorsque nos limites ne sont pas respectées et qui permet de dire d’un simple geste ou parole : "stop !" ;
- Traversant cette période de deuil d’avoir gâché une portion de votre vie. Accueillez tristesse et consolation ;
- Admettant une saine culpabilité, de ne pas avoir voulu écouter les signes avant-coureurs d’emprise tant vous teniez à une promesse d’amour ;
- Permettant à votre organisme d’évacuer toute la peur emmagasinée en vous, cachée à vos proches mais surtout à vous-même, par déni ou figement ;
- Vous comprenant et en vous pardonnant ;
- Accueillant la honte et le dégoût, qui émergent souvent lors de rapports sexuels, dans trop ou pas assez de limites, en rejouant les blessures de rejets et d’humiliation. Il faudra une vraie intimité, du temps et que vous vous sentiez en sécurité pour pouvoir partager ces strates vulnérables de votre être, que ce soit en thérapie ou dans des liens d’amour.
Soyez optimiste!
Notre cerveau est fait pour être en lien et l’être humain a une réelle plasticité et une réelle résilience. Ayez foi en vous, ayez confiance dans la beauté et la majesté de votre vie et dans votre pouvoir de la créer et la recréer encore et encore.
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Marion Blique est psychologue clinicienne, thérapeute et auteure du best-seller "J’arrête les relations toxiques", paru chez Eyrolles. Son site.
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