Un jour d’été 2006, à bientôt dix-neuf ans, Marion Larat s’effondre : elle vient de subir un accident vasculaire cérébral massif, imputé par le corps médical à la pilule contraceptive. Marion sortira du coma aphasique et hémiplégique, et devra subir plusieurs opérations et de longs mois de rééducation pour espérer récupérer un peu.Quelques mois plus tard, elle devient aussi sujette aux crises d’épilepsie, conséquence directe des cicatrices résultant de ses opérations cérébrales.
Auparavant étudiante en prépa khâgne, Marion se voit obligée de stopper ses études supérieures et de faire une croix sur l’avenir tel qu’elle se l’imaginait. Depuis, toujours marquée et handicapée à 80%, cette jeune femme est devenue lanceuse d’alerte et se bat pour faire connaître les dangers de la pilule contraceptive. En parallèle, Marion Larata monté l’association Mikado, consacrée aux collants et bas de contention customisés.
Que dites-vous aux jeunes filles qui veulent s’orienter vers la pilule, et plus généralement vers la contraception hormonale ?
Fuyez ! Refusez ! Que ce soit la pilule ou tout autre type de contraception hormonale, le patch, le stérilet à la progestérone… J’essaie de les mettre en garde sur ce qu’elles risquent, et je leur conseille aussi de courir chez leur médecin si jamais elles constatent le moindre problème, même si ce n’est qu’un effet secondaire mineur. Mon histoire et celles des femmes qui ont vécu la même épreuve que moi ont été pas mal relayées dans les médias. Il est aussi de la responsabilité des jeunes d’être prudentes et de se prendre par la main. Elles doivent pouvoir être autonomes dans leur choix. En 2013, suite à la révélation du scandale sanitaire, la consommation de pilules de troisième et quatrième génération a chuté de 34%, tout comme le nombre d’hospitalisations pour embolie pulmonaire sous contraceptif oro-combiné (1). Cela a vraiment été une grande victoire pour toutes les victimes de la contraception hormonale.
Autre conséquence de la révélation du scandale, certains médecins orientent désormais leurs patientes vers les stérilets en cuivre : plus sûrs et aussi moins chers, une vingtaine d’euros pour cinq ans. Et je m’interroge toujours : pour quelle raison les préservatifs ne sont-ils pas remboursés ? On a des produits potentiellement dangereux remboursés par la sécurité sociale, et des préservatifs sans danger qui ne le sont pas ?
Pensez-vous que les cours d’éducation sexuels donnés en milieu scolaire doivent être repensés ?
J’aimerais vraiment pouvoir intervenir dans les lycées avec d’autres victimes de la contraception hormonale, afin de partager mon expérience avec les jeunes, filles mais aussi garçons, et de leur faire prendre conscience qu’ils ont le choix entre différentes contraceptions, dont certaines sont sans danger.
Non seulement il faut arrêter de nourrir la pensée que contraception égale pilule, mais les cours doivent aussi être réorientés : la fille ne doit pas être la seule responsable de la contraception du couple. Comme pour la sexualité, la contraception est une responsabilité qui doit être partagée entre les partenaires.
Quel est pour vous le type de contraception à privilégier ?
Le préservatif en premier lieu, et ensuite le stérilet en cuivre ou la contraception naturelle. Je sais que certaines filles ont des problèmes sous stérilet au cuivre, et que le taux d’efficacité est un peu plus faible que sous pilule. Quant à la contraception naturelle, je n’ai pas encore eu l’occasion de tester. Dans tous les cas, il ne faut pas que les femmes se laissent infantiliser : elles doivent faire leur propre choix en toute connaissance de cause, en restant maîtresses de leur corps. Et j’ai l’impression qu’aujourd’hui, certaines ne veulent pas de cela, qu’il est plus commode de se décharger de cette décision au profit de son médecin ou de la société.
Les femmes sont fortes. Si jamais elles se réapproprient leur corps sans faire appel à des hormones qui gomment leurs cycles et leur féminité, imaginez jusqu’où elles pourront aller ?! Je souhaite dire aux féministes que la pilule n’est pas un instrument de la libération de la femme, c’est un moyen de contraception avec son lot d’effets secondaires. En France, chaque année à cause de la contraception hormonale, il y a 2 500 cas d’accidents et 20 morts recensés (2). Les féministes devraient soutenir les femmes qui souhaitent s’affranchir de ce carcan de plus.
Comment en êtes-vous venue à créer l’association Mikado ?
Je peux dire que le service civique m’a été vraiment bénéfique, il m’a presque sauvée. L’Institut du Service civique m’a aidée à porter mon projet, parmi d’autres lauréats, de concevoir des bas de contention customisés : ceux que j’avais dû porter pendant toute ma convalescence m’avaient traumatisée. L’Institut m’a aussi permis de faire des rencontres et de me créer un réseau, comme le fait d’être considérée comme lanceuse d’alerte : les contacts ont afflué.
Aujourd’hui, quels sont vos projets ?
J’essaie de passer au-dessus de mon handicap, de continuer à avancer, de par mes projets professionnels et personnels surtout : j’ai mis au monde un petit garçon il y a quatre mois, ce qui me remplit de joie. Il est aujourd’hui ma priorité. Sinon je souhaite développer l’association Mikado, la faire vivre. Mon copain et moi avons monté un atelier, et on commence aujourd’hui à produire nos bas de contention fantaisie. On agrandit notre offre afin qu’ils plaisent au plus grand nombre, et on les propose aux hôpitaux. Je suis restée tellement de mois avec ces bas de contention, blancs et moches… Quand on est hospitalisé et que notre univers s’est réduit, ces bas constituent un élément important de notre quotidien. Proposer des bas fantaisie et customisés, c’est un premier pas dans la réappropriation de l’image et de l’estime de soi.
Les bas de contention customisés - Mikado
Si des lectrices veulent soutenir votre démarche ou acheter vos produits, où peuvent-elles se rendre ?
Tout d’abord, comme toute association, Mikado a besoin de dons pour vivre et s’épanouir. Ensuite, si certaines veulent acheter des bas, des chaussettes ou des bandes de contention, elles peuvent d’ores et déjà les trouver dans certaines pharmacies. Pour voir la liste des points de vente, il leur faut se rendre sur le site internet de l’association (www.mikado-asso.org) ou nous contacter. Nos bas sont déjà disponibles dans les Hôpitaux de Paris, les Hôpitaux de Bordeaux, ainsi qu’à l’Institut Bergonié de lutte contre le cancer.
Pour soutenir l'association Mikado
Marion Larat raconte son histoire et alerte les femmes dans son livre témoignage La pilule est amère, éditions Stock.