« À l’époque, quand tu étais en travail, tu faisais appeler la sage-femme du coin. Elle venait, elle t’installait dans un endroit tranquille de la maison, elle te laissait gérer, elle venait de temps en temps voir comment tu allais et puis en attendant elle gérait tes mômes (repas, toilette, coucher), elle buvait le coup avec le mari ou le café... Et quand tu étais prête à accoucher, tu l’appelais et elle venait t’assister, elle faisait les premiers soins du bébé, réinstallait tout le monde et elle rentrait chez elle... ».
Voilà comment se sont déroulés les huit accouchements de ma grand-mère, à domicile, en France. Son dernier enfant est né en Octobre 1958 (par le siège, ce qui est un détail qui a son importance aujourd’hui) et ma grand-mère a aujourd’hui 98 ans.
« Je suis rentrée à l’hôpital le 9 Octobre à 10h pour un déclenchement car mon bébé a été (à juste titre) diagnostiqué macrosome (« gros » bébé). Je vous passe le manque d’humanité lié à la pose du diagnostic à l’annonce de ce déclenchement imminent, je vous épargne les quatre jours d’attente et de souffrances liés au déclenchement où personne n’a pris la peine de nous faire asseoir au début pour nous expliquer la « procédure » dont nous avons tant entendu parler. Mon bébé est né le 12 Octobre 2018, à 17h22 par césarienne. »
Ceci est le récit d’une femme qui a accouché dans une maternité, en France, en octobre 2018.
Le hasard fait que 60 ans séparent ces deux femmes et il faut l’admettre, tout les oppose dans le récit de leur accouchement !
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Comment et pourquoi en sommes-nous arrivés à un tel écart ?
Est-ce que toutes les femmes accouchent dans ces conditions aujourd’hui en France ? Que faire pour que les accouchements se passent le mieux possible pour les femmes et pour les bébés, dans la sécurité médicale la plus totale ?
Il y a 60 ans, en réalité, la plupart des femmes vivant en ville accouchaient déjà à l’hôpital, dans des maternités. En effet, les morts maternelles et néonatales à domicile étaient trop fréquentes, non pas du fait de l’incompétence des sages-femmes ou des médecins traitants (très présents en province notamment) de l’époque mais parce que nous étions tout simplement bien loin du suivi mensuel actuel des femmes enceintes, de l’échographie fœtale, de la médecine fœtale, des techniques et produits d’anesthésie, de la gestion des urgences vitales actuelle, des connaissances du corps humain et de son fonctionnement tout simplement.
La vérité est surtout qu’à l’époque des premiers accouchements à l’hôpital, le nombre de décès maternels a plutôt augmenté que diminué, notamment à cause de la fièvre puerpérale, avant la découverte des antibiotiques et des règles d’hygiène qui vont de paire avec la prévention des infections.
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"Vos désirs sont des ordres, Messire"
Pour l’accouchement en lui-même, déjà depuis Louis XIV, les femmes de la bourgeoisie accouchaient sur le dos car le Roi avait souhaité voir son enfant naître et le Dr Mauriceau (qui a quand même fait de grandes choses pour l’obstétrique) avait trouvé cette position bien pratique et bien confortable.... pour lui ! Il était donc naturel qu’au moment où la majorité des femmes accouchaient à l’hôpital, elles accoucheraient sur le dos. Le corps médical a donc créé ces tables d’accouchement sur lesquelles les femmes pouvaient également être immobilisées (il y encore quelques vestiges sur les tables actuelles de liens sur les étriers qui sanglaient les femmes).
En effet, il faut bien comprendre que les femmes tranquilles et sereines chez elles qu’on isole dans des maternités où elles n’ont plus de contact avec leur famille, leur domicile, leurs professionnels habituels sont beaucoup plus inquiètes et angoissées. Ainsi elles sont plus douloureuses et ont plus de mal à gérer, tout simplement. Ces tables permettaient donc de les sangler pour qu’elles bougent moins...
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Pour les bébés, la médecine a découvert finalement assez récemment que ces petits êtres humains ressentaient la douleur. Alors qu’à la maison, les sages-femmes et les médecins intervenaient peu, pendant l’accouchement, sur le bébé et laissaient les femmes accoucher "comme elles le sentaient", ils ont finalement adopté une technique d’accouchement sur le dos qui nécessite d’agir sur le bébé et de "faire l’accouchement" au sens propre du terme.
De plus, alors qu’il y a 60 ans, à la maison, le petit restait près de sa mère, souvent assistée, il est vrai, par des femmes de la famille ; à l’hôpital, on écartait le bébé de sa mère en nurserie et le duo séparé restait de nombreux jours sous surveillance à la Maternité après l’accouchement, avant de rentrer présenter le bébé à la famille...
Ainsi le corps médical, dans cette fin louable de sauver la vie des femmes et des enfants, a tout simplement pris le contrôle sur le déroulement de la grossesse, l’accouchement et donc sur les femmes.
À suivre...
La suite:
Histoire d'accouchement: gestion d'un accouchement à l'hôpital
Accouchement: pourquoi la position "gynécologique" sur le dos pose problème
"Tome 1: L'accouchement, le guide pratique" par Nathalie Charbonnier