Les probiotiques ont le vent en poupe. Pourtant, à contre-courant de l’idée aujourd’hui répandue, il n'existe pas de recommandation officielle pour l'usage des probiotiques qui sont assimilés, à tort, à des compléments alimentaires. Les recherches du Dr Donatini lui permettent de prévenir par des moyens non invasifs (tests respiratoires) certaines pathologies. Grâce à ces tests, il affirme aujourd'hui que la prise de probiotiques peut aggraver le déséquilibre de la flore intestinale.
D'où vient l'engouement pour les probiotiques ?
À la fin des années 1970, le microbiologiste John Willian Costerton propose le terme de "biofilm" pour désigner les communautés microbiennes qui colonisent les surfaces. Il constate que ces biofilms sont responsables de la plupart des décès par infection. Grâce à ses travaux, on peut mieux éliminer les biofilms néfastes et aujourd’hui l’espérance de vie de la mucoviscidose (égale à 7 ans en 1976) est passée à 50 ans.
Dans une approche manichéenne ying-yang ou ange-démon, l’idée qu’un bon biofilm pourrait empêcher l’apparition d’un mauvais biofilm - une sorte d’antidote issu d’une nature bienveillante qui nous offre toujours une solution - les probiotiques seraient la facette positive des bactéries.
Et que disent les études sur les probiotiques ?
L’inefficacité reconnue des antibiotiques contre les biofilms amène l’ensemble de la communauté scientifique à privilégier les théories d’exclusions des flores pathogènes par des flores commensales, une approche naturelle qui séduit unanimement.
En pratique, malgré les très nombreux travaux et les investissements majeurs, il existe très peu de publications solides sur l’intérêt des probiotiques. Il n’existe pas de recommandations officielles pour l’usage de probiotiques en pathologie humaine.
Désormais, les probiotiques "appartiennent à la catégorie des compléments alimentaires". Une demande déposée par Danone pour citer les "bienfaits pour la santé" de ses produits Activia et Actimel, a finalement été retirée en avril 2010 par cette firme, le niveau de preuve de ces affirmations étant jugé non satisfaisant par l'Agence européenne de sécurité alimentaire.
En 2012, une méta-analyse d'essais réalisée par le biologiste Didier Raoult suggère que Lactobacillus acidophilus entraîne une prise de poids chez l'homme et chez l'animal, Lactobacillus fermentum et Lactobacillus ingluviei ayant le même effet uniquement chez l’animal.
Un travail récent par des viennois sur Lactobacillus casei a montré une aggravation du pré-diabète par ce probiotique (L. Kedenko 2013).
L’engouement ne serait pas possible si le vendeur ne suggérait pas un bénéfice sans bornes. Les spécialistes du marketing appellent cela l’effet fractal. Les limites entre les indications sont floues et l’on passe du confort digestif, au ventre gonflé, au tour de taille, au surpoids, au diabète, à l’hypertension, etc. sans qu’aucune mesure ou démonstration ne soit nécessaire !
L’engouement s’explique aussi par le refus croissant d’une médecine agressive et l’orientation vers le naturel. Ce qui est légitime.
Donc il n’est pas justifié de prendre des probiotiques…
Le grand malheur vient de l’absence de diagnostic de dysbiose* et de l’absence de mesure voire de critère d’efficacité.
Sur le constat des résultats décevants des essais cliniques ou bien des refus d’agrément d’allégation santé, l’engouement pour les probiotiques n’est pas scientifiquement justifié. Plusieurs publications signalent même que les probiotiques augmentent les fermentations digestives ou le poids ou même le pré-diabète.
Sur mon expérience qui porte sur plus de mille patients pour lesquels j’ai réalisé des tests respiratoires afin de mesurer la qualité de la flore digestive, l’intérêt des probiotiques est à reconsidérer car bien souvent ils aggravent la dysbiose (déséquilibre de la flore).
Que faire alors lorsqu’on soupçonne un déséquilibre de la flore intestinale ?
Je pense, comme tous les aliments santé proposés pour réduire des symptômes, qu’un diagnostic de départ s’impose. La réalisation d’un test respiratoire est ESSENTIEL. En cas de dysbiose, la prise de pré- ou de probiotiques est CONTRE-INDIQUÉE. De la même façon que la consommation de laitages est contre-indiquée en cas de malabsorption au lactose.
Ensuite, l’efficacité du traitement nécessite une ou des mesures de contrôle.
Les probiotiques sont-ils adaptés à certains cas ?
S’il n’existe pas de dysbiose* avec excès d’hydrogène ou de méthane ou d’acide acétique ("vinaigre"), la recommandation de probiotiques se justifie en cas de troubles digestifs comme une diarrhée par exemple.
Votre avis sur le yaourt K-Philus ?
Il s’agit d’un yaourt riche en lactobacilles. Si votre flore produit déjà de l’hydrogène ou de l’acide acétique en excès, le Yaourt K-philus ne fera qu’accroitre le déséquilibre de votre flore.
Qu’est ce qu’une "bonne" flore intestinale ?
- nulle dans l'estomac (aucune stase ni fermentation).
- très faible dans le grêle (où il existe pourtant le plus de cellules immunitaires : plaques de Payer et lymphocytes intra-épithéliaux).
- une flore hydrogénophile (productrice d'hydrogène) modérée (moins de 20 ppm après le repas).
Elle permet d'éviter l'implantation de flores pathogènes qui pourraient pénétrer à travers la barrière muqueuse et déclencher soit une septicémie soit une infection chronique permanente comme une tuberculose intestinale ou une maladie de Crohn ou encore une rectocolite hémorragique.
Que recommandez-vous alors pour équilibrer la flore intestinale ?
Les déséquilibres de flore s’expliquent par l’existence de biofilms bactériens résistants aux antibiotiques et aux autres communautés bactériennes. Ces biofilms profitent de zones de stases et s’adaptent aux ressources alimentaires et hydriques.
Je recommande une diminution des apports fermentables (peu de sucres rapides, peu de féculents sauf le riz), plus d’oméga 3 et d’huile d’olive, plus de poisson, plus de fibres (légumes cuits pauvres en sucres). Je conseille la prise d’huiles essentielles, adaptée selon les résultats de tests respiratoires. Enfin j’explique comment vider l’estomac grâce au sport, à l’ostéopathie digestive et, si possible, la réduction de l’apport hydrique en dehors des repas afin d’éviter la production d’acide acétique.
*Dysbiose : c’est l’altération de l’équilibre de la flore intestinale (normalement très pauvre) et colique. Le traitement de la dysbiose concerne 85 à 90% des pathologies actuelles.
La dysbiose est à l’origine :
- Des troubles fonctionnels intestinaux (ballonnements, douleurs, diarrhées, constipation).
- De l’inflammation chronique et des troubles immunitaires : pour certains la source des maladies auto-immunes ou des cancers.
- Du syndrome métabolique à cause de la production d’acides gras à courtes chaines qui seront transformés en graisse dans le foie (stéatose). La graisse hépatique/viscérale est étroitement corrélée au risque cardio-vasculaire.
- De la perméabilité des membranes : digestive, hémato méningée, buccale avec risque d’allergies alimentaires, de maladies neurologiques dégénératives, de parodontopathies.
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