Cet article a été publié dans le magazine #34 mai-juin 2021
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Après une enfance simple et baignée de Nature dans le Vaucluse, Christophe Bernard mène une brillante carrière d’ingénieur informaticien outre-Atlantique. Après quinze ans, de retour dans sa Provence natale, il opère un retour à la terre avec une vision qu’il juge aujourd’hui “très naïve”. Mû par le désir de mettre en pratique ses connaissances acquises au fil des livres qu’il dévore, cet amoureux des plantes traversera plusieurs années difficiles pour redonner vie à un domaine disparu, celui de l’herboristerie.
Aujourd’hui ses vidéos et formations aident un public de plus en plus nombreux à retrouver le chemin du bien-être grâce aux plantes, en les utilisant dans des formes simples et accessibles à tous. Et lorsque Christophe raconte le végétal, c’est tout un univers des possibles qui s’ouvre alors à nous.
FemininBio : Que pensez-vous du fait que le métier d’herboriste soit interdit en France depuis le régime de Pétain ?
Christophe Bernard : Historiquement en France le terme "herboriste" était utilisé pour désigner la personne qui vendait des plantes dans une boutique.
Aujourd’hui nous sommes en train de définir une filière complète, depuis le cueilleur et le paysan herboriste qui cultive la plante médicinale avec un cahier des charges irréprochable, aux boutiques qui vendent, délivrent quelques conseils, jusqu’aux praticiens, comme moi, qui fournissent un service, avec pour cœur de métier l’éducation et le conseil. Ce qui nous unit tous c’est cette connexion au vivant, à la plante telle qu’on la trouve en Nature.
Certaines discussions ont été remises à l’ordre du jour au Sénat, et nous avons espoir que cela débouche sur la reconnaissance de toutes ces filières, du produit au service associé.
D’où vous vient l’envie de réaliser et transmettre le savoir-faire lié aux préparations thérapeutiques à base de plantes ?
Lorsque j’ai commencé à m’intéresser aux plantes médicinales, j’ai tout de suite eu en tête le déroulement du cycle de vie de la plante, de la graine qui germe en Nature à la plante cueillie de manière éthique et respectueuse, qu’il faut faire sécher, stocker, et parfois transformer. Comment l'utiliser ensuite ? C’est ainsi que s’est imposé à moi le conseil menant à la pratique de l’herboristerie adaptée aux problématiques de santé.
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Il me semble qu’aujourd’hui tout a été fragmenté : il y a ceux qui cueillent, ceux qui produisent, ceux qui transforment, puis ceux qui pratiquent mais ne sont pas forcément sur le terrain. Je me suis alors demandé de quoi nous avions besoin pour reprendre nous-mêmes notre santé en main. Notre santé nous appartient, nous en sommes les chefs d’orchestre et personne ne peut nous imposer ni nous dicter la façon d'en prendre soin. Nous pouvons certes être conseillés par des médecins, des naturopathes ou autres, mais la décision finale nous revient. Dès lors, comment s’assurer que tout est optimal de la production à l’utilisation ? Il s’agit de maîtriser toutes les étapes.
Enfin, je ne suis pas adepte de la collapsologie, mais j’essaie d’être lucide : que ferait-on si un jour le système se délite et que nous devions activer des compétences de survie ? Connaître les comestibles sauvages, savoir faire pousser quelques plantes au potager, avoir des connaissances de base sur les plantes médicinales qui pourraient nous aider me semble désormais indispensable.
Pourquoi avoir choisi le format vidéo pour transmettre ce savoir ?
J’ai une envie très forte de capturer ces connaissances dans le monde du numérique, car je refuse qu’on le perde à nouveau, comme après la Seconde Guerre mondiale, avec l’avènement de l’industrie du médicament.
La vidéo permet de simplifier le message, de le rendre plus digeste qu’à l’écrit, plus propice aux envolées lyriques. Mon souhait est donc de simplifier, sans devenir simpliste, de digérer le travail sans lui en retirer toute sa richesse, et surtout de rester honnête avec le message. C’est à nous, le peuple, de nous éduquer, et de conserver notre propre savoir, car cela ne se passera plus par des instances supérieures.
Ainsi, mes formations s’adressent à tous, avec ou sans connaissances spécifiques du sujet. Parmi ceux qui s’inscrivent, certains s’ouvrent juste à l’herboristerie et commencent à préparer une teinture à la maison. D’autres sont médecins, pharmaciens ou vétérinaires. Je me suis toujours refusé à proposer une offre fermée, réservée à ceux qui auraient déjà une éducation. J’ai dès le départ eu l’envie d’ouvrir la porte du poste de pilotage.
Que signifie l’ancrage pour vous, mot-clé de ce numéro de FemininBio ?
Selon moi, c’est vivre pleinement le moment présent, au travers de mes sens plutôt que de mon mental. Notre force d’humain par rapport à l’animal vient notamment de notre capacité à organiser, planifier, cultiver et récolter, qui nous a amené des connaissances incroyables. Cependant cela a créé un être avec une énorme tête sur deux petites pattes, au sens figuré, et nous sommes prisonniers d’un mental tyrannique qui nous mène dans toutes les directions sauf le présent. L’ancrage est essentiel car il va nous permettre de redevenir sains d’esprit. Dans ma pratique, il revient à couper les chaînes qui m’attachent au passé, et à mettre un terme aux manipulations d’un futur hypothétique pour passer juste quelques minutes de ma journée dans le “ maintenant ”, le seul état qui existe. Pour cela je médite quotidiennement et bien sûr je me connecte à la terre de façon sensorielle par le toucher, l’odeur, le goût, le visuel.
Certaines plantes peuvent-elles nous aider à nous ancrer ?
De manière générale, je pense que les huiles essentielles et leur chemin olfactif nous offrent une aide puissante à l’ancrage. C’est un monde de parfum incroyable qui permet à chacun de découvrir celui qui va l’aider à mieux s’ancrer.
Il s’agit dans cette aventure des sens de découvrir ses alliés.
Me concernant j’aime la lavande vraie qui me calme et m’apaise comme si elle faisait partie de moi. Lorsque je dois prendre de grandes décisions avec un mental aiguisé mais aussi ancré et présent, je me tourne vers la fleur de lavande ou la feuille de romarin en simple infusion. Plus spécifiquement le tulsi ou le basilic sacré sont utilisés en médecine ayurvédique pour s’ancrer avant la méditation, et plus largement tous les conifères. Pour certains cela peut être la camomille noble, pour d’autres la rose ou l’ylang-ylang. On peut utiliser ces huiles essentielles en inhalation sèche ou humide, dans un diffuseur, en sentant directement le flacon, ou bien en déposant une goutte sur les poignets.
Si vous ne deviez plus avoir accès qu’à une seule plante, laquelle choisiriez-vous ?
Question très difficile mais je choisirais peut-être la plus protectrice. Je pense à une plante aliment comme l’ail, qui va par exemple aider le corps à combattre une bronchite, en régulariser certains paramètres et être également anti-inflammatoire et activer les canaux de détoxification.
Cependant ma plante fétiche reste le romarin. C’est une plante des garrigues à la puissance aromatique sans pareille. Elle incarne la résilience lorsqu’elle se faufile dans la fissure d’un rocher, sous un soleil implacable, sans terre ni eau. Elle résiste en silence et refait surface aux premières gouttes d’eau. C’est également une plante qui active la détoxification du corps, l’une des plus puissantes antioxydantes, anti-infectieuse, circulatoire et protectrice cérébrale. C’est un peu notre thé vert local !
Huiles essentielles, eau florale, infusion, teinture… Sous quelle forme utiliser les plantes pour bénéficier au mieux de leurs propriétés thérapeutiques ?
Redécouvrons une très bonne forme pour la plupart des plantes : l’infusion. Il suffit d’une théière en verre et de belles plantes entières pour se préparer son petit mélange. Sortir les plantes du sac et les placer dans la théière, puis y verser l’eau chaude qui colore le liquide est un spectacle sensuel unique ! Inspirer tous ces parfums et bénéficier de cette aromathérapie en tasse, en boire la première gorgée parfois pas très agréable est un délicieux rituel, comme il en manque aujourd’hui à notre mode de vie. L’infusion est une forme thérapeutique bien trop négligée avec son appellation de “pisse-mémé”, alors qu’elle est très active et facile à mettre en œuvre.
Parmi les autres formes intéressantes, j’aime la teinture de plantes fraîches (ou alcoolature), qui est une macération de plantes fraîchement cueillie dans l’alcool fort. C’est une technique unique pour capturer la force et la vitalité du végétal dans son état encore vivant, une manière d’immortaliser la fraîcheur de la plante, telle la photographie d’un paysage de Nature magnifique qui se conserve des années.
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Quel est le message essentiel relatif à la santé par les plantes que vous souhaitez transmettre ?
Arrêtons de vivre dans nos peurs ! On continue de nous effrayer quant à l’utilisation des plantes sous toutes leurs formes, qu’il conviendrait de mettre en regard du nombre de morts sur les routes ou dues à l’alcoolisme, par exemple.
Le discours officiel est infantilisant, et il est temps de reprendre notre santé en main. Nous avons une très grande responsabilité vis-à-vis de toutes ces connaissances. J’invite chacun à repasser à la pratique, d’une manière prudente et contrôlée, en commençant par les choses les plus simples.
Pour aller plus loin :
Retrouvez Christophe Bernard sur altheaprovence.com, YouTube, Facebook et Instagram (@altheaprov). Son livre Grand manuel pour fabriquer ses remèdes naturels est paru aux éditions Jouvence.