Tout comme le film Demain, trois ans après, ce nouvel opus Après-Demain met en lumière de belles initiatives locales qui répondent à des enjeux écologiques majeurs.
Après le film, on ressent à la fois un sentiment de frustration en voyant des belles initiatives interrompues dans leur élan, mais aussi un immense espoir de voir que partout, chacun prend ses responsabilités et s'organise à son niveau. Un grand merci aux réalisateurs pour ce travail qui sert le collectif, et à Laure Nouahlat qui a eu la gentillesse de répondre à nos questions.
Demain a été à l’origine de nombreuses initiatives, selon vous pourquoi le film a-t-il été un tel catalyseur ?
De mon point de vue, Demain fait partie des feel-good movies qui donnent envie de se retrousser les manches. Après des films très « noirs » sur l'environnement, des documentaires nécessaires mais durs (je pense au Syndrome du Titanic de Hulot), les gens ont eu besoin qu'on leur donne à voir des initiatives positives, enthousiasmantes, libératrices. Demain est sorti à un moment où les citoyens, y compris convaincus ou à peine, avaient besoin de sentir qu'on pouvait encore faire quelque chose...
Quels sont les points communs entre toutes les initiatives à succès ?
Elles mobilisent non seulement des personnes pleines de bonne volonté, mais elles rencontrent aussi l'attention des élus et parfois celle d'entreprises, de collectivités ou d'institutions, qui cherchent aussi à appuyer des projets utiles au territoire pour la transition.
Quels ont été les freins principaux des projets qui n’ont pas survécu ?
Le fait que la volonté seule des individus ne suffit pas, car elle peut s'émousser au fil du temps. Les freins sont aussi de l'ordre de l'isolement : pas soutenues localement par les pouvoirs publics (quel qu'en soit l'ordre de grandeur), pas relayées par les médias ou même pas assez « impactantes » pour faire une différence, les initiatives peuvent s'essouffler. Elle peuvent aussi se confronter à quelque chose de très simple : l'égo des personnes... Bref, des freins il y en a énormément.
Quelles actions concrètes peut-on faire en tant que citoyen, pour avoir un soutien politique nécessaire à la légitimation de son projet ?
Il faut faire savoir qu'on a un projet, l'inscrire dans le territoire, le relier à d'autres projets pour faire nombre et sens. Un projet isolé n'a plus de sens aujourd'hui. Par exemple, si vous voulez faire des jardins partagés, il faut aussi que vous reliiez les écoles pour mettre en place des ateliers pédagogiques, et faire appel à une association qui écoulera la production si besoin.
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Ensuite, il est nécessaire d'y adjoindre toutes les générations, histoire de créer des passages de relais entre les plus âgés et les plus jeunes. Ainsi que créer des liens : cuisiner collectivement ce qui sort du jardin, organiser une fête, discuter déchets et tri… A partir d'une idée toute simple, il faudrait penser à un tricot général d'idées qui font sens, et ainsi monter tout un « écosystème ».
La capacité de rassembler des acteurs de plusieurs dimensions (citoyen, politique locale, entreprises locales) semble être un élément clé du succès d’un projet, quels moyens de communication sont les plus efficaces ?
Tout est efficace, il faut aller sur tous les fronts : réunion d'information, rencontres informelles, festivals, journées d'informations, réseaux sociaux, mini-film… chaque fois que vous avez la possibilité de rencontrer des personnes sensibles à ces sujets et de monter un réseau, allez-y !
Quels atouts, spécifiques à la France et aux français, peuvent nous aider à faire la transition vers une économie collaborative et respectueuse de notre environnement ?
Notre atout, c'est que nous ne sommes pas plus bêtes qu'ailleurs pour faire aussi bien. Nous sommes capables de nous inspirer... En revanche, je dirais qu'un désavantage spécifique des Français, c'est la complication au niveau législatif mais aussi humain.
Quel est le message que vous souhaitez porter avec Après-Demain ?
Nous avons fait un film à deux voix. Cyril pense qu'il faut changer les mentalités par la création de nouveaux récits qui feraient changer le cours de l'Histoire. Moi, je suis plus circonspecte sur notre capacité à changer à temps. Nous avons des défis à relever sans commune mesure avec ce que nous avons connu. Il ne faut pas se raconter d'histoires en voulant changer l'Histoire.
Mais au final, nous sommes les deux faces de la même pièce... Il ne faut pas juste adapter notre modèle pour faire face aux problèmes, il faut inventer un monde qui saura survivre à ce qui vient, dans son organisation sociale, humaine et politique. Nous pouvons à la fois nous désespérer de ce qui arrive et nous en servir comme d'un trampoline pour imaginer le monde d'après. C'est ce « à la fois » qui pose problème, car c'est dur... mais, après tout, qui aime ce qui est facile ?
Laure Nouahlat a été journaliste à Libération pendant 15 ans, aujourd'hui elle écrit pour différents titres et réalise des documentaires pour la télévision.
Elle est la créatrice de la série satyrique Bridget Kyoto et auteure du livre Lettre ouverte à celles qui n'ont pas (encore) d'enfant aux éditions Plon.
Le site du film : ici
Paris : Projection du film Après-Demain jeudi 24 janvier à 21h45 au Ground Control.
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