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Amazonie

Rencontre avec la Cacique Tanoné, gardienne de la Terre

Ivanice Pires Tanoné
"L'amour est la plus belle chose qui existe à l'intérieur de nous."
Planète Amazone/Gert-Peter Bruch
Eloïse Lebrun
Eloïse Lebrun
Mis à jour le 25 février 2021
La cacique Tanoné, du peuple Kariri Xocó, est la première femme cheffe de sa tribu. Sur les centaines de caciques du Brésil, leaders des populations autochtones, 18 sont des femmes. Depuis plus de trente ans, elle représente les siens auprès des instances officielles et se bat inlassablement contre la déforestation et pour la protection des rivières, les eaux sacrées.

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Ivanice Pires Tanoné a 64 ans. Son nom signifie "la racine", celle d’un grand et ancien arbre. Nous la rencontrons dans l’intimité d’un appartement parisien, entre femmes. Malgré les 5 degrés dehors, elle porte une simple robe traditionnelle à motifs d’ara rouge sous son manteau et elle est pieds nus dans ses baskets. Nous nous installons par terre pour échanger autour d’une tisane au thym.

La situation au Brésil

"La vision que je partage est la vérité. Ce que j’observe le plus est le changement climatique. Avant les saisons étaient bien définies, mais aujourd’hui ce n’est plus le cas. Pourquoi ? Le climat a changé. Nous, les indigènes, nous respectons le Grand Esprit et la Terre-Mère qui nous donnent tout ce dont nous avonsbesoin. Tant que nous gardons la gestion de nos terres, nous pouvons vivre sans la nécessité d’une intervention extérieure, que ce soit au niveau énergétique, alimentaire ou autre.

Nous vivons en harmonie avec la Terre-Mère, la Mère des Eaux et le Grand Esprit dans les 40 hectares de notre village et les 100 hectares qui nous restent de terres sacrées où nous pratiquons nos rituels. Malheureusement, depuis quelques années nos terres sont attaquées."

La forêt amazonienne, terre sacrée

"Depuis des millénaires nous vivons dans le respect de notre environnement. Nos ancêtres nous ont enseigné comment chasser, récolter et cueillir, dans le respect de la Vie. Pour entrer dans les espaces sacrés de la forêt, il faut s’y préparer. Quelques jours avant nous purifions notre corps en faisant une diète et en nous abstenant d’avoir des rapports intimes. Nous y entrons avec humilité : pas de maquillage ou d’habits non traditionnels.

En fonction de notre âge et de notre responsabilité spirituelle, nous y resterons une ou deux semaines pour y recevoir des enseignements, selon que l’on est novice ou ancien (ceux qui ont plus de 60 ans). Rien n’est laissé au hasard et, avant de toucher ou d’utiliser une branche, une fleur ou de prélever un fruit, nous demandons la permission. C’est une terre sacrée et tout a un esprit, les plantes comme les animaux."

Guérie par le Grand Esprit

"À l'âge de 36 ans, je commence à avoir une infection dans la jambe droite, à plusieurs endroits. À l'hôpital de Brasilia, on m’annonce que c’est un cancer. Les médecins proposent l’amputation et des soins que je n’ai pas les moyens de payer.

Je décide de demander la guérison dans notre forêt sacrée, dans un rassemblement cérémonial auprès du feu. Je choisis de renoncer à toute vanité, à l’amour, à l’alcool, aux fêtes, à tout ce qui n’est pas naturel, et à tout ce qui est étranger à ma culture. Je l'ai maintenu depuis. Lors des examens médicaux suivants, plus de trace du cancer. J’avais été guérie par le Grand Esprit.

J’ai passé des mois seule dans la forêt, dans une maison de bambou et de feuilles que j'avais fabriquée, pour continuer à récupérer grâce aux plantes. Il m’a fallu deux ans avant de retrouver mes enfants et ma communauté. Une fois rentrée j'ai construit une maison et un espace pour les rituels sacrés. Mon peuple respecte mon engagement spirituel, et c'est une des raisons pour lesquelles ils m'ont choisie comme cacique."

Les actions de Bolsonaro

Depuis sa prise de pouvoir au début de cette année, Jair Bolsonaro a confié la FUNAI (Fondation pour l’Indien) au ministère de l’agriculture. "Il reste très peu de territoires indigènes, et les espaces qui n’ont pas été démarqués et homologués sont en train d’être détruits pour mettre des plantations. Il ne nous reste que 100 hectares de terres sacrées qui ont pu être homologuées. Ce sont les lieux où nous pratiquons nos rituels, nous y avons des gardiens. Lorsque les terres sont récupérées par l’État, tout y est détruit, sans exception."

Les forêts et la biodiversité qui en dépendent disparaissent pour faire place à des monocultures, souvent du soja, ou alors des élevages de vaches. Pour booster la production et les sols appauvris, des pesticides sont utilisés. Ces produits chimiques se retrouvent ensuite dans les rivières et empoisonnent ceux qui dépendent de ces eaux pour boire et se nourrir. Des entreprises du monde entier (dont des groupes français) investissent dans ces projets destructeurs.

En tant que consommatrices vous avez le pouvoir d'impacter positivement ces régions en choisissant de ne pas acheter ce qui n'est pas issu de l'agriculture responsable et solidaire.

"L’ambition et le capitalisme sont en train de tout détruire. Quand il ne restera plus rien, et que la terre ne pourra plus donner de fruits par épuisement et empoisonnement, tous nous irons au même endroit : la mort."

L’alliance des gardiens de Mère-Nature

L’appel du rassemblement des peuples autochtones est lancé par le cacique Raoni pendant la COP21, alors que les négociations internationales peinent à trouver les accords volontaires qui sont bien en deçà des besoins réels pour faire face au changement climatique.

Les peuples premiers représentent plus de 370 millions de personnes au sein de 5 000 groupes différents. Les peuples racines ont toujours été gardiens des droits de la Nature et de l’humanité, et ils souhaitent conserver cette responsabilité.

En 2017, les représentants de l’Alliance se retrouvent à Brasilia pour définir les 18 principes fondamentaux de respect de la Vie, à l’attention des États et de l’humanité. Ce sont les prophéties portées par leurs pratiques et savoirs ancestraux qui leur donnent le devoir de transmettre ce message au monde : "Vivons en paix les uns avec les autres et avec la Terre-Mère pour assurer l’harmonie au sein de ses lois naturelles et de la création."

Les principes de l’Alliance

"Toute décision doit prendre en considération son effet sur les générations futures, sur tous les peuples, sur toute vie et de toute nature." Cela pour assurer la protection du patrimoine légué par les générations passées et assurer la responsabilité des générations futures.

Parmi les thématiques présentées comme principes, nous retrouvons la reconnaissance légale de l’écocide, pour que la Nature et les éléments aient des droits au même titre que tout être vivant. Il est également demandé l’arrêt de la monétisation, de l’exploitation et de la privatisation des sols, des montagnes, des forêts, des rivières et des océans, et du marché financier autour du carbone. Ainsi que l’arrêt de l’extraction et de l’utilisation des énergies fossiles et des pratiques destructrices de pêche industrielle. 

La protection des écosystèmes terrestres et marins, la reconnaissance de l’eau comme sacrée, la sanctuarisation des forêts primaires restantes sont aussi abordées. Le respect du droit des femmes et de la Terre-Mère font aussi partie des clés qui nous aideront à restaurer l’équilibre dans le monde.

Son message

"L’amour est la plus belle chose qui existe à l’intérieur de nous. C’est lui qui me donne la force de lutter pour mon peuple, pour la Nature et pour porter le message du Grand Esprit. Nous sommes inquiets car la déforestation a amené la sécheresse dans nos montagnes. Nous avons parfois du mal à trouver nos plantes médecines même en marchant toute une journée. Nous voulons que nos terres sacrées soient respectées pour les protéger et assurer la survie de notre peuple et de tous les autres peuples sur cette Terre. Je vous invite à écouter notre message avec le cœur et à rejoindre l’Alliance pour défendre la Terre à nos côtés."

Paroles des peuples racines, Sabah Rahmani, éditions Actes Sud.

L'ONG Planète Amazone

* Le site de l’Alliance

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