Depuis les événements du 7 janvier, beaucoup d’encre a coulé sur Charlie Hebdo, une multitude de reportages et d’émissions variés lui ont été consacrés, d’improbables cérémonies et d’innombrables débats ont eu lieu.
Charlie Hebdo, c’était aussi – et c’est toujours – le seul journal français qui dédie chaque semaine une de ses colonnes aux animaux.
Engagé pour les animaux
Si la vivisection, la fourrure et l’élevage étaient dénoncés dans Charlie, c’est sans doute contre la corrida que le journal est le plus souvent monté au créneau. Ses chroniqueurs et ses dessinateurs ne se lassaient jamais de dénoncer ce que Cavanna, cofondateur de Charlie, définissait comme un "raffinement dans la dégueulasserie". Jusque dans ses statuts, Charlie s’affirme contre la corrida. À la suite des attentats et en hommage à Charlie, le CRAC Europe (Comité Radicalement Anti Corrida) a d’ailleurs repris à la Une de son site internet les innombrables dessins contre la corrida publiés dans Charlie Hebdo.
Cavanna, Cabu et Fabrice Nicolino (responsable de la chronique environnementale au journal) n’hésitaient pas à participer à des manifestations contre la corrida ou la chasse, que Cabu dénonçait comme étant un plaisir sadique des humains à torturer et tuer des animaux.
Cavanna avait écrit en 1992 un livre consacré en grande partie aux animaux, Coups de sang, et vrai coup de gueule face à tout ce que les humains leur font endurer. Quant à Nicolino, il s’était fait remarquer par son livre à succès, Bidoche. L’industrie de la viande menace le monde, sorti en 2009 aux éditions Les Liens qui Libèrent. Il avait également fortement soutenu L214 lors du lancement de notre site viande.info.
"Les Puces" de Luce Lapin
Depuis mai 1993, "Les Puces" de Luce Lapin ont leur place dans chaque numéro de Charlie Hebdo. Dans cette chronique entièrement consacrée aux animaux, Luce soutient inlassablement le travail des associations luttant pour les animaux en relayant leurs actions. Elle sort aussi chiens et chats de l’anonymat des refuges et autres fourrières. Qui saura jamais combien d’animaux ont été adoptés suite à ses appels, combien d’animaux Luce a ainsi sauvés d’un mortel ennui ou de l’euthanasie ? Dans " les Puces", sa plume acerbe s’attaque également sans répit à la corrida et à toutes formes de cruauté envers les animaux.
En plus du journal, "Les Puces" se déclinent sur les réseaux sociaux et ont leur propre site, luce-lapin-et-copains.com, dédiés à ceux que Luce appelle avec justesse "la dernière des minorités", ceux qui sont "exploités, maltraités, gavés, broyés, harponnés, consommés, expérimentés, toréés, chassés, pêchés, piégés, électrocutés pour leur fourrure, emprisonnés dans les cirques, enfermés dans les zoos, les delphinariums, abandonnés, humiliés, méprisés… NIÉS. À poil, à plume ou à écaille."
Le combat continue
Mercredi 7 janvier, nous aurions aimé continuer à souhaiter une bonne année puisque 2015 commençait à peine, mais le monde venait de vaciller.
Quelques jours avant le massacre, Luce nous avait envoyé le dessin contre le foie gras que Cabu avait dédicacé à notre association. Elle rayonnait, comme à chaque nouvelle affirmation de l’engagement de ses collègues pour les animaux. Joyeusement, fièrement, nous avons twitté le dessin de Cabu pour L214. Et puis la réalité nous a rattrapés.
Luce, comme d’autres rescapés, a juste eu le temps de plonger sous son bureau pour échapper aux balles. Nicolino a été grièvement blessé lors de l’attaque du journal. Les dessinateurs Wolinski, Charb, Tignous et Cabu sont comptés parmi les morts.
Les mots manquent pour exprimer notre consternation et notre peine immense.
Lila, la cocker rousse du journal, a tout vu, tout entendu. Elle a été épargnée par les tueurs, "peut-être parce qu’elle est une femelle" s’interroge Sygolène Vinson dans un article émouvant, À pas de chien, paru dans le n°1178 de Charlie Hebdo – le numéro des survivants. Car une semaine après la tuerie, Charlie Hebdo est en kiosque, fidèle au rendez-vous, et ses "Puces" sont bien là. Merci, Luce.
Le magnifique élan de solidarité envers Charlie et la force des rescapés permettent malgré tout de garder l’espoir, l’espoir d’un monde meilleur. Le combat pour la liberté, pour la paix, pour les humains et pour les animaux continue plus que jamais.
Par Clèm Guyard