Grâce à l'amendement déposé par Jean Glavany, l’animal est désormais reconnu comme un « être vivant doué de sensibilité » dans le Code civil. Mais ce changement a surtout une portée symbolique. En effet, aucun statut de l’animal n’a été créé.
Une portée symbolique qui cristallise les résistances
Les échanges qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale en disent long sur les résistances exercées face à tout ce qui pourrait menacer l’exploitation des animaux.
Les échanges qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale en disent long sur les résistances exercées face à tout ce qui pourrait menacer l’exploitation des animaux.
Le député Marc Le Fur a estimé ainsi que cette validation intervient « au moment même où des efforts considérables ont été réalisés en faveur du bien-être animal. J’en veux pour preuve ce qui s’est passé avec les porcs et les truies, qui sont désormais libres de leurs mouvements dans leurs stalles, ou encore avec les poules pondeuses, dont l’espace s’est sensiblement élargi, passant à 700 centimètres carrés alors qu’elles étaient auparavant très confinées ». Une déclaration qui laisse perplexe lorsqu’on sait que les éleveurs peuvent encore maintenir les truies en stalle individuelle jusqu’à 4 semaines après l’insémination, ce qui finit par représenter la moitié de leur vie. Quant aux millions de poules pondeuses en batterie, leur espace de vie, auparavant équivalent à la surface d’une feuille A4, s’est « sensiblement élargi » depuis la réforme de 2012 de la superficie de… deux tickets de métro.
De son côté, tout en admettant que « nul ne conteste la nécessité de lutter contre la cruauté et la maltraitance à l’égard des animaux », le député Philippe Gosselin s’est inquiété des conséquences de cet amendement sur l’élevage, l’industrie, la chasse à courre et l’expérimentation animale. Un fantastique grand écart révélateur d’une société qui accorde à la fois aux animaux le statut d’« êtres vivants doués de sensibilité » mais qui s’avère, pour l’heure, incapable ne fut-ce que d’envisager d’abolir des pratiques cruelles envers ces mêmes êtres.
Accusé de n’avoir pas consulté les professionnels des filières agricoles et industrielles, les chasseurs et les laboratoires, Jean Glavany a rappelé que le règlement de l’Assemblée nationale a été respecté à toutes les étapes de la procédure, et que des mois de débats ont précédé la validation de son amendement. Il souligne même avoir « eu une conversation avec le président de la FNSEA, parce qu’il est vrai qu’il existait une inquiétude, et celle-ci a été ainsi balayée ».
Des textes à faire respecter
Et il serait effectivement illusoire d’attendre de cette reconnaissance juridique des conséquences pratiques sur le traitement des animaux. L’article L214-1 du Code rural a beau stipuler depuis 1976 que « Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce », il est évident qu’il n’a jamais été sérieusement pris en compte ni dans les pratiques ni dans le droit.
Et il serait effectivement illusoire d’attendre de cette reconnaissance juridique des conséquences pratiques sur le traitement des animaux. L’article L214-1 du Code rural a beau stipuler depuis 1976 que « Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce », il est évident qu’il n’a jamais été sérieusement pris en compte ni dans les pratiques ni dans le droit.
Cet article exprimait pourtant un souci de protection, le début d’une prise de conscience que les conditions de vie des animaux domestiques doivent répondre à certains impératifs, que l’humain se doit de respecter. Mais l’élevage, régit par ce Code, autorise des pratiques comme le gavage, la castration et l’écornage à vif, la séparation des mères et de leurs petits, le broyage des poussins vivants, l’entassement des animaux par milliers dans des hangars fermés et le fait d’être tué à la chaîne. L’association L214 a même choisi son nom pour mieux souligner l’existence de cet article essentiel et jamais appliqué.
Quant aux animaux sauvages, leur caractère d’êtres sensibles n'est pas reconnu dans le Code de l'environnement (qui régit notamment la chasse) et, surtout, ces derniers ne sont pas protégés des mauvais traitements.
Une avancée vers un monde meilleur
Il reste cependant l’espoir que cette avancée juridique, même symbolique, relance le débat public sur la place accordée aux animaux dans notre société. Pour la Fondation 30 millions d’Amis, « la réforme va permettre de créer un gisement de synergies entre le droit civil et le droit pénal, ou le droit rural, qui au cas par cas et petit à petit, bouleversera l’ensemble du droit animalier ».
Il reste cependant l’espoir que cette avancée juridique, même symbolique, relance le débat public sur la place accordée aux animaux dans notre société. Pour la Fondation 30 millions d’Amis, « la réforme va permettre de créer un gisement de synergies entre le droit civil et le droit pénal, ou le droit rural, qui au cas par cas et petit à petit, bouleversera l’ensemble du droit animalier ».
Cet amendement s’inscrit en tous cas dans un lent mais perceptible changement de notre façon de voir les animaux ; d’ailleurs, il fait suite à une pétition lancée par la Fondation 30 millions d’amis et qui a récolté en deux ans plus de 800 000 signatures. Et pour une fois, les lobbies de la chasse et de l'élevage n’ont pas réussi à torpiller une décision favorable aux animaux, ne fut-ce que symboliquement. Pour Jean Glavany, l’amendement 59 « est une avancée modeste en termes de droit, mais de grande portée symbolique. Et le droit peut aussi, de temps en temps, relever du symbolique pour faire avancer les idées ».
Cet amendement constitue de fait un nouveau jalon sur la longue route qui mène à une réelle prise en compte des intérêts des animaux, qui ne devraient pas être exploités comme des machines mais respectés comme les êtres sensibles qu’ils sont.
Clèm Guyard Pour l’association L214