En novembre dernier, l’association L214 a rendu publique une vidéo issue d’un couvoir de Bretagne. Les images, filmées par un employé du couvoir, dépassent les limites du supportable. On y voit des poussins jetés vivants, par caisses entières, dans un broyeur d’où ressort une bouillie de corps déchiquetés, des poussins entassés et étouffés dans des sacs poubelle, des poussins abandonnés dans des bennes à ordure ou à même le sol.
L’étouffement de poussins dans des sacs-poubelle ou leur abandon dans les bennes à ordures étant des pratiques illégales, L214 a porté plainte pour cruauté envers les animaux.
La vidéo, visible sur le site Un animal, pas un déchet, a été vue plus de 300 000 fois sur Internet et par des millions de personnes à la télévision. Parallèlement, une pétition sur Change.org demandant au ministère de l’Agriculture l’interdiction de la mise à mort des poussins a accumulé plus de 50 000 signatures en moins de deux semaines.
Une logique déroutante
De très nombreuses personnes ont été profondément choquées par ces images. Une question est dans tous les esprits : comment est-ce possible ? Et ce d’autant plus que le massacre des poussins dans ce couvoir breton n’a, hélas, rien d’exceptionnel. Pire encore, le broyage ou le gazage des poussins sont des pratiques tout à fait légales.
L’explication est d’une logique déroutante. Les poules pondeuses et les poulets "pour la viande" sont issus d’une sélection génétique visant soit le meilleur taux de ponte, soit la croissance musculaire la plus rapide. Les deux espèces sont donc très différentes et les poussins mâles de la race "pondeuse", non rentables, sont systématiquement éliminés, et ce quel que soit le mode d’élevage – plein air et bio compris. Par ailleurs, les poussins jugés chétifs, malades, malformés ou en surnombre sont également tués.
Chaque année en France, ce sont plus de 50 millions de poussins qui sont ainsi massacrés à la chaîne dès le premier jour de leur vie : à peine éclos, ils sont condamnés, après avoir été violemment sélectionnés et triés, à périr broyés ou étouffés.
Des souffrances parmi d’autres
Comme il est évident que les consommateurs ne voudraient pas cautionner de tels actes, aucune marque ne vendant des œufs ou des poulets n’en parlera ; au contraire, les industries agricoles entretiennent soigneusement un imaginaire bucolique et communiquent sur le "bien-être" animal. Le choc est d’autant plus grand lorsqu’on prend conscience de l’envers du décor.
Toutes les filières d'élevage sont concernées. Partout où les animaux qui ne sont pas ou plus rentables sont considérés et traités comme des déchets dont il convient de se débarrasser à moindre coût. Épuisées par une année de ponte intensive, les poules pondeuses sont ainsi expédiées à l’abattoir, alors qu’elles pourraient vivre au moins dix ans. L’industrie agro-alimentaire a pour objectif de fournir des produits animaux (viande, œufs, laitages…) en masse, et le broyage des poussins ne constitue hélas qu’un exemple de toutes les souffrances endurées par les animaux dans les élevages et les abattoirs.
Sauver les poussins !
Il y a des personnes qui, révoltées par la détresse des poussins, suggèrent de les libérer dans de vastes enclos ou même des espaces naturels, mais ces bébés d’un jour sont fragiles et ne peuvent être livrés à eux-mêmes. Ils ont notamment un besoin vital de chaleur constante, d’être protégés des intempéries, des courants d’air et bien sûr des prédateurs, et même d’apprendre à manger – toutes choses normalement assurées par les mères poules, très attentionnées envers leurs petits.
Les producteurs n’ont aucun intérêt à investir dans des infrastructures pour sauver des poussins non productifs. L’adoption par des particuliers aimants et attentionnés est possible, mais combien d’oisillons pourraient être sauvés ? Ce sont plus de 50 millions de poussins qu’il faudrait placer chaque année, un objectif évidemment irréalisable.
La seule solution pour que cessent ces pratiques que tout le monde s’accorde à trouver inacceptables est de changer nos choix alimentaires et d’opter pour une alimentation végétale, puisque la raison d’exister de ces poussins est la même que celle de tous les autres animaux d’élevage : fournir des produits destinés à la consommation humaine.