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Interview de Pierre Deyriès - IKEA France

Claire Sejournet
Claire Sejournet
Mis à jour le 25 février 2021
Bien qu’ayant suivi une formation de professeur d’histoire-géographie, Pierre Deyriès travaille chez IKEA depuis maintenant 20 ans. Après avoir écumé les postes à responsabilité dans les magasins IKEA, il a intégré le siège social de l’entreprise. Depuis cinq ans, il est Directeur de la Communication et du Développement Durable d’IKEA France. Car IKEA n’est pas seulement un marchand de meubles, c’est aussi une entreprise très concernée par toutes les questions relatives au développement durable.

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Interview de Pierre Deyriès - IKEA France

Quel est le rapport d’IKEA à la notion de développement durable ?

IKEA dispose de plusieurs atouts intrinsèques, car c’est une entreprise suédoise. Dans ce pays, la relation entre l’homme et la nature est perçue de manière totalement différente de ce que l’on connaît en France. Les Suédois vivent avec cette vision du monde, où le rapport à la nature et à l’espace est particulier, et savent cohabiter avec la nature. IKEA a hérité de cette base, mais aussi de traditions suédoises, notamment le respect des règles. Ainsi, IKEA tente de respecter globalement les règles et les normes, quand elles sont précises, diffuses dans la société et transparentes.

Pourtant IKEA France n’a pas de Direction spécifique pour le développement durable…

C’est vrai que je suis à la tête d’une double fonction : la communication, interne et externe, de l’entreprise et le développement durable. Ces deux pôles sont regroupés dans une même direction. C’est un choix d’IKEA France, mais cela ne remet pas du tout en cause l’engagement de l’entreprise en faveur du développement durable. Le but de l’organisation telle qu’elle est en place aujourd'hui est de permettre que notre engagement soit visible auprès des clients et sur le marché, et qu’il soit efficace dans son application pratique, notamment dans nos magasins implantés sur tout le territoire français.

 Justement, on a l’impression qu’IKEA a axé fortement sa communication sur le développement durable ces derniers temps. N’est-ce pas autant pour communiquer autour des engagements bien réels du groupe que pour vous faire de la publicité ?

Nous avons voulu attendre que nos partenariats avec l’UNICEF et le WWF débouchent sur des résultats probants avant de communiquer sur le sujet. Les choses se font petit à petit, il faut leur laisser le temps de se mettre en place. Aujourd'hui nous y sommes arrivés, donc nous en parlons.  Nous avons mis le paquet sur un certain nombre d’axes de communication. Il s’agit avant tout d’expliquer comment nous faisons pour que la chaise exposée soit vendue 49 euros tout en respectant les règles et normes. Pour autant, il reste beaucoup à faire ! Et faire plus de communication autour de ces thèmes, comme nous avons choisi de le faire cette année, nous oblige à être encore plus performants, car nous sommes plus regardés.

Et les gens sont réceptifs ?

En interne, les collaborateurs sont réceptifs, pour beaucoup dans la mesure où ils ont des formations sur ces sujets qu’ils ne peuvent pas éviter… En externe, c'est-à-dire vers les clients, je pense très honnêtement que la majorité des gens y sont totalement indifférents. Il y a des gens qui nous disent clairement que plutôt que d’expliquer pourquoi nous produits sont respectueux de l’environnement et des gens qui concourent à leur fabrication, on devrait plutôt chercher à faire baisser les prix. Les gens ont envie d’être satisfaits, d’avoir cette satisfaction de pouvoir acheter. Personnellement, je pense que l’on peut se réaliser bien différemment qu’en acheter une cinquantième chaise ou une autre table. Mais ce n’est pas l’avis de tout le monde…

Vous souligniez les partenariats d’IKEA. Pourquoi un engagement auprès de l’UNICEF ?

Dans les années 1990, aux Pays-Bas, on a accusé IKEA de faire travailler des enfants au Pakistan. Cela n’a jamais été prouvé, mais IKEA n’a pas été en mesure de démentir avec des preuves irréfutables ces propos. Ce fut un électrochoc, et cette alerte précise sur le sujet très grave qu’est le travail des enfants, nous a fait réfléchir. Notre partenariat avec l’UNICEF en découle. Nous voulions nous rapprocher d’un partenaire ayant des compétences sur la question et un réseau important pour nous expliquer ce que signifie vraiment le travail des enfants. IKEA a dans un premier temps beaucoup appris de l’UNICEF, puis, nous avons commencé à soutenir financièrement l’UNICEF. Le partenariat a fêté ses 15 ans, et IKEA soutient sans relâche l’action de l’UNICEF dans le monde entier pour la prévention du travail des enfants et la protection de l’enfant.

IKEA travaille également avec le WWF, mais ce partenariat est beaucoup plus récent. Pourquoi avoir attendu si longtemps ?

C’est vrai que nous avons attendu 2003 pour signer au niveau mondial un partenariat avec le WWF, peut-être parce qu’il est plus simple de calibrer un certain nombre de changements sur la partie environnementale que sur la partie sociale.  Cependant, il faut bien voir qu’ils y a des gens chez IKEA qui travaillaient sur le développement durable sans le savoir, et ce, avant même que le développement durable devienne une problématique internationale avec la parution du Rapport Bruntland en 1987.


Le partenariat avec le WWF s’est fait sur deux grands thèmes : la forêt et le changement climatique. En ce qui concerne les forêts, en réalité, depuis 1993, IKEA travaillait avec le WWF au sein du Forest Stewardship Council. Il était naturel qu’au fil du temps on aboutisse à un partenariat. Le partenariat actuel va plus loin que la question de la protection de la forêt car il inclut l’enjeu climatique. Cet enjeu s’est structuré petit à petit au cours de la décennie 1990. Il est identifié et de mieux en mieux compris, mais maintenant tout reste à faire.

Comment s’est traduit concrètement l’engagement d’IKEA avec le WWF ?

Nous avons lancé un grand projet, IKEA goes renewable, au niveau du groupe IKEA, c'est-à-dire pour IKEA dans tous les pays où le groupe est implanté. Il y a deux axes : rechercher le plus possible la sobriété énergétique et favoriser les énergies renouvelables.


La sobriété énergétique visait à réduire les consommations énergétiques du groupe de 25% d’ici à la fin 2009. Au niveau mondial, nous y serons presque. Au niveau français, ce sera plutôt autour de 10%, car le parc de magasins est moderne et répond donc aux normes environnementales les plus strictes. A l’inverse, pour un magasin de 20 ans d’âge, on sait qu’il faut par exemple revoir toute l’isolation, ce qui permettra de réduire fortement la consommation énergétique.


Le deuxième objectif ne peut efficacement être mis en place que si le premier a été réalisé : cela ne sert à rien de chauffer un magasin avec des énergies propres si on consomme autant pour équilibrer les fuites dues au manque d’isolation ! A terme, IKEA veut passer au tout électrique et même à 100% d’énergies renouvelables. Bien sûr, on sait que l’électricité en France provient principalement des centrales nucléaires. Mais nous n’y pouvons rien. Par contre, le jour où l’électricité sera fournie de façon propre, nous serons prêts. De plus, IKEA vient d’acheter trois parcs d’éoliennes et envisage de continuer et s’intéresse aussi au photovoltaïque. C’est un investissement important, mais ça en vaut la peine. Là encore, le partenariat avec le WWF a été essentiel pour cadrer notre action et réfléchir à l’ordre des priorités d’action.

IKEA produit la majorité de ses produits en Europe, mais 30% de sa production arrive tout de même d’Asie. Pourquoi ne pas tout produire en Europe ?

Il est évident que ce serait mieux de pouvoir tout produire près des lieux de distribution. Mais ce n’est objectivement pas possible de tout avoir à côté, en tout cas pas si nous voulons garantir les prix de ventes que nous avons actuellement. Or, le paramètre du prix de vente est très important pour IKEA : nous voulons proposer des produits accessibles au plus grand nombre. Quand un designer conçoit un produit sur sa planche à dessin, il a deux outils : son crayon et l’étiquette de prix, c'est-à-dire qu’il sait que son produit ne pourra pas dépasser tel ou tel prix. C’est la philosophie d’IKEA.


Pour autant, IKEA est attentif aux conditions de production, comme nous l’avons déjà évoqué. C’est de sa responsabilité de contrôler comment les produits sont fabriqués, pour que ce ne soit pas des gens à 1000 ou 10 000 km d’ici qui financent la santé et le développement intellectuel des habitants d’Europe occidentale.

IKEA a démocratisé le meuble. Mais n’est-ce pas au prix d’une consommation effrénée ?

Il y a des gens qui pensent que, comme ils ont acheté un produit pas cher, ils y sont moins attachés, que sa qualité est moins bonne, et qu’ils peuvent donc facilement s’en défaire. Tous les jours, nous nous efforçons de démontrer le contraire. IKEA n’encourage pas à jeter les meubles, la preuve, nous garantissons toute une série de produits pour des périodes de plusieurs dizaines d’années. Bien sûr, on ne peut pas modifier les comportements des gens, s’ils veulent jeter leurs meubles, on ne peut pas les en empêcher. Nous pouvons juste leur expliquer que les produits IKEA sont faits pour durer.

Tout de même, la consommation de meubles est ce qui fait vivre IKEA. Est-il envisageable qu’un jour, IKEA ne mette plus le profit comme but de son activité ? 

Nous sommes encore dans le secteur marchand et les profits sont pour nous la solution pour poursuivre notre développement et satisfaire des investissements. Le but d’IKEA aujourd'hui n’est clairement pas de se détourner de cette logique. Nous sommes une entreprise commerciale dans le cadre du marché. En revanche, nous ne sommes pas dans la logique de faire le maximum de profit. Si nous pouvons vendre un produit 49 euros, nous ne le vendrons pas 79.

IKEA est implanté en Europe, en Amérique du Nord et dans une partie de l’Asie. Or, les produits sont tous conçus en Suède. IKEA ne participe-t-il pas à une uniformisation des goûts au niveau mondial, forme d’appauvrissement culturel ?

Très honnêtement, j’attends que l’on me démontre que les Européens n’ont pas in fine les mêmes goûts. Certes, un Suédois n’aménagera pas sa maison avec le goût du baroque d’un Italien, mais la lecture de livres d’histoire de l’ameublement est très intéressante sur ce sujet. On démontre facilement qu’au XVIIIème  siècle, il y a eu un foisonnement d’idées et de rencontres culturelles qui font que l’on retrouve à travers toute l’Europe un même style, parce que Untel, de la Cour de France, avait voyagé à la Cour de Russie, où il avait amené son style et les idées françaises et d’où il est reparti avec les idées russes mais également italiennes car il séjournait en même temps qu’un Italien, qui lui, est reparti en Italie avec les idées du Français, en faisant un détour par l’Angleterre, etc., etc. Bref, il y a eu des meubles Louis XV de l’Atlantique à l’Oural…


Pour revenir à aujourd'hui, IKEA, c’est une offre parmi d’autre. Certes, le catalogue IKEA est quasiment identique à travers le monde et l’offre est identique dans les magasins IKEA de la planète. Mais chacun, de par son histoire personnelle, ses goûts et aussi ses besoins, va aménager son appartement à sa guise, choisir tel ou tel meuble chez IKEA et en faire tel ou tel usage. Donc je ne pense pas qu’il y ait ni qu’il y aura uniformisation. Tout le monde pourrait acheter chez IKEA, tout le monde n’achète pas chez IKEA. Et même parmi les gens qui viennent chez IKEA et qui ont objectivement les mêmes besoins, vous pouvez être sûre qu’ils n’achèteront pas les mêmes choses. Je conçois qu’on se pose la question, mais ce n’est pas une réalité dans les faits.

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Claire Sejournet

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