AG - Comment définiriez-vous la restauration collective responsable (RCR) ?
C’est une restauration collective pensée au-delà du simple aspect nutritionniste. Elle ne dénigre pas cet aspect, mais va plus loin en s’interrogeant sur les aliments en tant que tels : où ont-ils été produits, et comment ? Dans ce même esprit, la restauration collective responsable cherche à démontrer, dans la concertaion, qu’il est possible de lier les trois piliers de la restauration dans un cercle vertueux : qualité et équilibre des repas, moindre impact environnemental et système économiquement viable.
AG - Pourquoi ne pas parler de restauration bio ?
Le but de la restauration collective responsable n’est pas d’imposer le bio dans les assiettes. Il s’agit surtout de rendre de la cohérence aux approvisionnements, et donc aux repas, en travaillant avec les différents acteurs de la chaîne alimentaire au niveau local. Proposer des produits bio et locaux dans la restauration collective responsable serait bien sûr l’idéal. Mais ce n’est pas possible, car l’agriculture biologique n’est pas encore assez développée en France. Or, nous pensons qu’il est plus pertinent de faire travailler ensemble des acteurs locaux que de faire venir de l’autre bout du monde des produits bio, dont le voyage aurait un impact non négligeable sur le climat.
AG - Mais peut-on être responsable sans être bio ?
Je pense que oui. Il y a beaucoup de producteurs locaux qui produisent en mode bio mais qui n’ont pas la certification, ou d'autres qui mettent en place une agriculture respecteuse de l'environnement qui évolue vers toujours plus de durabilité. Ces agriculteurs ont une attitude responsable et ce serait dommage de les pénaliser à cause de leur non-certification. Le plus important est la démarche mise en oeuvre pour tendre vers des produits agricoles locaux et toujours plus respectueux de l'environnement.
AG - Le passage à la restauration collective responsable implique-t-il un changement dans l’assiette ?
Sans aucun doute. La démarche responsable vise aussi à changer les habitudes. Je pense notamment à la viande. Il faut en réduire notre consommation, aussi bien pour notre santé que pour la planète. C’est un changement important de mentalité par rapport aux cinquante dernières années. Il faut l’expliquer, le faire comprendre. La restauration collective responsable implique de repenser les menus. C'est aussi une façon de réduire le coût du repas !
AG - Pourquoi la Fondation Nicolas Hulot s’est-elle impliquée dans ce dossier ?
Nous pensons qu’il s’agit là d’un important levier pour faire évoluer les mentalités et l’offre agricole française. Le Pacte écologique contenait des propositions fortes pour changer les pratiques agricoles au niveau politique. Mais les choses bougent lentement par le haut, tandis que nous voyions des multitudes d’initiatives remonter depuis la base. Nous voulons valoriser ces expériences, pour montrer qu’il est possible de changer.
AG - Auriez-vous un exemple concret ?
Lons-le-Saunier est un très bel exemple. La municipalité est responsable de la distribution d’eau potable sur toute la commune. Elle a dû faire face à un problème de qualité de l’eau, lié à l’activité agricole alentour. L’équipe municipale est allée discuter avec les agriculteurs travaillant sur les champs de la zone de captage et a su les convaincre de s’inscrire dans une démarche de progrès. Par la suite, ces céréaliers, dont certains convertis au bio ont trouvé un meunier bio qui transforme le blé en farine ainsi qu'un boulanger bio, qui vend aujourd'hui son pain bio au restaurant municipal de Lons-le-Saunier. Depuis, le mouvement s’est ouvert aux producteurs de légumes, qui travaillent avec des entreprises d’insertion, et même aux éleveurs, qui se sont réunis pour fournir à ces restaurants de la viande locale.
AG - Concrètement, comment la Fondation Nicolas Hulot s’implique-t-elle dans la promotion de la restauration collective responsable ?
Nous cherchons à informer tous nos interlocuteurs des possibilités qui existent. Nous travaillons beaucoup avec l’Association des Maires de France par exemple. Et nous avons publié un Guide de la Restauration Collective Responsable, qui s’adresse aux élus et aux entreprises. Ce guide explique concrètement comment se lancer dans un tel projet. Nous le distribuons à tous nos interlocuteurs, qu’ils soient maires ou ministres !
AG - Comment une localité peut-elle se lancer dans un projet de restauration collective responsable ?
Il n’y a pas de recette miracle. Il existe de multiples portes d’entrée, et l’initiative peut revenir à tout le monde : élus, parents d’élèves, professeurs, etc. Il est primordial d’avoir un leader sur lequel faire reposer un premier projet pour mener un travail en collaboration avec tous les acteurs du territoire et la motivation est essentielle pour se lancer. Il est aussi important de pouvoir échanger sur les expériences. Rencontrer des responsables de projets ayant abouti est une bonne façon de commencer. Tout comme avoir des structures pilotes, une école parmi toutes celles de la ville par exemple, va rassurer les autres et les stimuler.
AG - Quels sont les freins au changement ?
Le premier est certainement financier. Avant même de savoir ce qu’ils vont faire, la plupart des gens se disent que ça va coûter plus cher, ce qui n'est pas toujours le cas ! D’autre part, la peur du changement joue contre l’évolution. Penser autrement, ce n’est pas facile, surtout que les connaissances de base sur l'alimentation manquent : dans le domaine de la restauration, je suis frappée par le fait que la plupart des gens ne font pas le lien entre ce qu’ils ont dans leur assiette et le travail qu’il a fallu pour que leur repas arrive devant eux. Pourtant, chacun a envie de bien manger et d’être en bonne santé.
Pour découvrir le programme alimentation responsable, télécharger le Guide de la Restauration Collective Responsable et voir la vidéo du projet de Lons-le-Saunier
Pour découvrir les autres outils de la Fondation Nicolas Hulot et agir individuellement ou collectivement.
Anne Ghesquière