Euro-Nat a participé au financement de l’étude du Professeur Séralini sur les OGM. Est-ce le rôle d’une entreprise de financer des études comme celle-ci ?
Je pense qu’il est important d’aider un chercheur qui veut faire connaître la vérité au public. Il y a une défaillance structurelle et organisationnelle en France sur ces questions, et la non-transparence autour des OGM est un problème majeur. Aujourd’hui, si les entreprises privées ne financent pas des études comme celle du Professeur Séralini, elles ne paraissent pas.
Mais n’est-ce pas être à la fois juge et partie ?
Euro-Nat, comme beaucoup d’autres entreprises, a participé à l’étude de façon indépendante : nous n’avons pas d’intérêts dans le marché des OGM. Nous voulons juste assurer au consommateur des produits les plus sains possibles, sans risques pour sa santé et l’avenir de la planète. Pour moi, il est indispensable de soutenir des chercheurs engagés qui ont envie de faire la démonstration qu’aujourd’hui, on ment au consommateur.
Que pensez-vous de la polémique sur le fond de l’étude ?
Ceux qui lancent ces polémiques devraient se poser des questions. Ils ont participé aux études préalables à la mise sur le marché, mais les résultats n’ont jamais été publiés. Personne ne remet en cause l’honnêteté et l’indépendance de ces personnes qui critiquent. Il faudrait clarifier les règles de transparence et d’indépendance des chercheurs.
Qu’est-ce qui fausse le débat ?
L’argent, le pouvoir de la finance. Aujourd’hui, il semble que les intérêts financiers sont prioritaires sur la santé humaine. Je pense que l’on devrait porter plainte pour non assistance à personne en danger. Nous nous mettons en danger, nous mettons en danger nos enfants et les générations futures. Il s’agit de choix cruciaux sur la consommation alimentaire de demain, et on en fait un argument financier !
Que vous inspirent les OGM ?
Ils m’inquiètent car ils sont un pouvoir extrême. En détenir le contrôle, c’est détenir le pouvoir du vivant. Je suis personnellement pour la conservation de la biodiversité, qu’il s’agisse des graines anciennes ou de la faune. Aujourd’hui, les OGM sont de la propriété de grands groupes et les agriculteurs ne peuvent pas les replanter pour une récolte suivante. Les industriels détiennent donc le pouvoir de décider qui nourrir et à quel prix. Ils sont tout-puissants.
Les politiques ne devraient-ils pas intervenir ?
Malheureusement, il y a une grande méconnaissance de ces problèmes de la part des hommes politiques. Ils n’ont pas forcément le temps de s’informer et sont des cibles idéales pour les lobbies et les grandes entreprises, qui les manipulent. Cependant, les choses bougent et il y a une certaine prise de conscience. Les élus s’intéressent à ces problématiques. Certains ont même une position très claire, comme par exemple le président du Conseil Général de la Drôme, Didier Guillaume.
D’où vous vient cette vocation de la sauvegarde du vivant ?
J’ai des origines paysannes fortes. Ici en Ardèche, j’ai pu voir la dégradation de la qualité de l’eau, de l’alimentation. Vouloir toujours plus n’est pas la solution. Il faut réfléchir à la planète que nous voulons laisser à nos enfants.
Etes-vous plutôt bio ou plutôt local ?
J’ai une conviction, et je la répète à tous mes interlocuteurs : il faut du local bio, sinon ça ne sert à rien ! Les consommateurs pensent que le local est bio, c’est loin d’être le cas. Le local n’est pas une garantie de qualité. Cependant, il est scandaleux de ne pas sauvegarder le patrimoine local. Donc je ne vois qu’une solution, être bio et local.
Pourquoi ne peut-on pas fermer pas les yeux quand on les a ouverts ?
C’est un engagement moral et éthique. J’ai la chance de savoir, de connaître et d’être conscient du problème. Ce sont trois éléments qui m’amènent à vouloir, à devoir agir. Je rencontre des gens qui connaissent le problème mais n’ont pas fait le lien avec leur mode de vie, leur travail, leur alimentation… Dans ce cas, c’est possible de fermer les yeux. Mais pas pour moi.
Votre engagement est-il politique ?
Un jour, peut-être, je ferai de la politique. Mais aujourd’hui, en tant qu’entrepreneur, je sens déjà que je peux agir. Et peut-être mieux que si j’étais politique car j’ai les coudées franches. Je suis libre d’intervenir, d’interpeler, sans avoir à me plier aux règles d’un parti, et je le fais.
Le Grenelle de l’environnement avait fixé comme objectif 20% d’aliments bio en restauration collective, et tout particulièrement dans les cantines, d’ici 2012. Nous en sommes loin. Que pensez-vous de la situation actuelle ?
On a voulu voir grand, avec des centrales qui déversaient leurs plats préparés sur de vastes territoires. Ce n’était pas la bonne solution. On assiste donc à un retour des cuisines à l’intérieur des établissements. Mais entretemps, nous avons détruit la logistique et le savoir-faire que nécessite une vraie cuisine dans une cantine. Il faudra bien une génération pour former les nouveaux chefs et recréer le tissu d’approvisionnement nécessaire. Mais le mouvement est le bon.