L’Ouganda est devenu, au milieu de l’année 2015, le premier producteur de café en Afrique et le 7ème à l’échelle mondiale. Une place qu’il n’aurait jamais pu atteindre sans l’implication des femmes dans cette branche de l’agriculture. En effet, les femmes sont très présentes dans les champs de production de café et font les travaux les plus pénibles. Pourtant dans la majorité des cas, ce ne sont pas elles qui reçoivent le salaire mais leurs maris car elles ne sont pas propriétaires. Même si dans la loi ougandaise il est inscrit que les femmes ont accès au foncier, dans les faits la situation se complique. La loi se confronte aux mentalités et à la tradition. C’est contre cela que Jennifer lutte au quotidien.
Le combat de Jennifer
Jennifer vit à Mbaley qui se situe à 6h de route de la capitale Kampala, dans une région où la production de café est très importante. En 2004, son mari décide de changer de coopérative pour se tourner vers Gumutindo. Celle-ci fait du café de meilleure qualité, bio et en plus commerce équitable. Mais Jennifer ne peut pas faire partie des membres car même si elle travaille tous les jours avec son mari, son nom n’apparaît pas sur l’acte de propriété. En 2005, ce dernier est modifié et elle devient enfin membre à part entière de la coopérative. Dès lors, elle s'emploie à convaincre d'autres membres de sa communauté de venir dans la coopérative.
Pourtant, une chose la choque : les inégalités hommes-femmes, qui ressurgissent même au travers de la question du café. Très peu de femmes sont propriétaires et perçoivent un salaire pour leur travail. Jennifer décide alors de mettre en place des groupes de parole pour discuter de la situation, comprendre, expliquer et surtout encourager les femmes à demander le partage des parts pour qu’elles puissent accéder à la propriété. C’est ainsi que le nombre de femmes augmente au sein de la coopérative. D’autant plus que même si elles sont veuves ou non marié, elles ont la possibilité d’être en « partenariat » avec un propriétaire de culture de café pour toucher tout de même un salaire. Et c’est loin d’être les seuls bénéfices des différentes discussions mises en place !
Les réactions face à un tel projet
Même si les hommes étaient quelque peu inquiets de voir les femmes demander leur émancipation et réclamer un salaire, grâce au travail réalisé lors des ateliers et groupes de parole ce n’est plus le cas. Bien au contraire puisque maintenant ils gèrent tout, ensemble et donc font aussi moins d’erreurs. Les effets ne sont pas seulement professionnels puisque même au niveau de la vision du couple, les chosent changent. C’est dorénavant le dialogue qui prime : le couple, c’est aussi une équipe.
De plus, les hommes ont compris qu'ils seraient également gagnants car le café des productrices est le seul produit de ce genre sur le marché et devient donc un argument de vente. Ce qui crée un avantage pour eux et les incite à mieux accepter que les femmes accèdent à la propriété ou du moins aient un salaire.
Au début de son projet, Jennifer n’a pas été bien vue par sa famille car avec la perte de son mari, elle aurait avant tout dû chercher à se remarier. Mais elle en a décidé autrement et s’est battue pour vivre la vie qu'elle voulait. Les autres membres de la communauté pensaient que c’était une question de vénalité, qu’elle cherchait à faire ça pour avoir de l’argent et rien d’autre. Au fur et à mesure, ils ont compris que c’était un tout autre but qu’elle avait !
Pour quels changements ?
Quand on demande à Jennifer ce que ce projet a changé dans sa vie, c’est avec une certaine émotion qu’elle nous en parle. « Avec 6 enfants, c’est une vraie chance d’avoir son propre revenu car je peux subvenir seule à leurs besoins tout en les envoyant à l'école. Depuis que je prends soin des autres, je me sens vraiment moi-même. Au niveau professionnel, cela m’a permis de gagner en compétence et j’aime partager mon expérience et aussi voyager. »
La coopérative, quant à elle, a mis en place une banque pour que ses membres puissent économiser, ce qu’ils ne pouvaient pas faire avant car ils n’avaient que de l’argent liquide qui ne pouvait être déposé sur un compte. La banque leur permet d’avoir accès au prêt et ainsi permettre à leurs enfants d'aller à l’école par exemple. Tabitha a développé les ateliers GALS qui suivent le même principe que les ateliers de Jennifer mais a pour but d'être généralisé à d’autres communautés de la coopérative. Ces ateliers forment à des outils et à une méthodologie précise comme le « gender balance tree » qui permet de voir et de préciser le rôle de chacun dans le couple et ce qui doit être fait ensemble. L'ensemble des réflexions est mené par les membres et non pas une personne extérieur, ce qui facilite l'apprentissage.
Grâce à des projets comme celui-ci, de plus en plus d’associations pour l’émancipation des femmes voient le jour ainsi que des associations qui luttent contre les violences conjugales malheureusement encore très fréquentes dans le pays. Les femmes font aussi de plus en plus entendre leur voix et accèdent plus facilement à des postes de manager. On remarque aussi que le fait qu'un salaire soit versé aux femmes permet un meilleur équilibre dans le partage notamment des courses. Les hommes voient à court terme et les femmes sur la durée, cela évite de manquer de quelque chose !
En ce qui concerne la situation de la production de café en Ouganda, la notion de commerce équitable est vraiment très importante et même plus que la notion de bio. En effet, le pays ne connaît pas les effets néfastes des pesticides car les producteurs n’en utilisent pas. Le commerce équitable, quant à lui, grâce à la prime versée donne les moyens à des coopératives et permet à des projets comme le café des femmes de voir le jour ainsi que mettre en place les différents ateliers pour la coopération entre hommes et femmes.
La prochaîne étape ?
« Nous aimerions étendre les ateliers GALS à toutes les society (groupe de communauté) s’enthousiasme Tabitha mais pas seulement nous voudrions aussi diversifier les activités de nos producteurs et productrices en faisant de la vente de fruits et légumes par exemple. Le café est une culture saisonnière, nous avons besoin de compléter nos revenus pour vivre toute l’année. »
« J’aimerais que toutes les femmes adhèrent au programme le café des femmes ! » ajoute Jennifer.
De beaux projets en prévision qu’on leur souhaite de réussir !
Si vous voulez vous aussi les soutenir, vous pouvez retrouvez le café des productrices ici : nosmeilleurescourses.fr ou dans les magasins partenaires d’ALTER ECO.