Parlez-nous de votre film Solutions locales pour un désordre global...
J’ai consacré trois ans au tournage de ce film. Il présente une somme de ce qui est nouveau dans les pensées et la vision du monde contemporain. Il montre ce qui n’est jamais dit, ou si peu, par les grands médias. Car, même s’ils commencent bien à s’y mettre, c’est de manière « soft ». Mon film l’est un peu moins ! A première vue, cela semble partir un peu dans tous les sens, mais en fait, pris dans son ensemble, ce film décrit ce qui se fait de différent pour la planète aux quatre coins du monde. Je montre des exemples très concrets de formes alternatives d’agriculture, je laisse parler les gens pour qu’ils expriment leurs réflexions ; qu’elles soient philosophiques, économiques, féministes ou autre. En fait, ce film met en avant et en images la pensée d’une autre société.
Que retirez-vous des expériences que vous avez vécues durant le tournage ?
Ce qui est très frappant, c’est que de nombreuses personnes à travers le monde, qui ne se connaissent pas,
disent finalement la même chose. L’écologie n’est pas le fait de la pensée personnelle de quelqu’un d’un peu illuminé seul dans son coin. C’est un immense mouvement historique et inéluctable. Certains voudront le combattre
et ce sera un moment difficile, car le système va résister avec toute sa violence. Mais ils perdront forcément, car tout le monde dit la même chose partout, sur les méthodes d’agriculture, sur la façon de sauver la planète, sur la manière de faire vivre l’humanité. Même si certains, et ils sont nombreux, ne veulent rien voir, on est en train de jouer avec la vie et la mort.
Pourquoi renouveler l’expérience alors que votre précédent film engagé, La Belle Verte, n’avait pas réussi à trouver son public lors de sa sortie en 1996 ?
Je crois que le film était trop en avance pour l'époque. Il avait été massacré à sa sortie, mais aujourd'hui on me parle presque plus souvent de La Belle Verte que de Trois hommes et un couffin. Ça me rend très heureuse.
Non seulement pour moi personnellement, mais aussi parce que cela prouve que le message passe.
Une révolution serait donc imminente ?
C’est impossible à dire ! On ne sait pas quand un mouvement révolutionnaire va arriver, même si l’on sait que la situation est mûre pour que quelque chose se produise. On ne peut décider quand cela débutera, mais l’on peut
simplement, en fonction de notre analyse de la situation et de nos convictions, préparer le terrain, préparer les réseaux. Non pas pour démolir, mais pour construire ! Car, arrivera un moment où se produira un effondrement, c’est sûr. C’est aussi et, malheureusement, par la pédagogie des catastrophes que la prise de conscience se fait. Mais, en même temps, il faut faire confiance à l’intelligence humaine. Cela passe aussi beaucoup par les femmes, parce que ce sont elles qui font vivre.
D’où vous vient un tel engagement pour l’écologie ?
J’ai grandi dans un environnement bercé par la mouvance écologique. J’ai reçu une éducation qui rejoignait ces idées puisque j’ai été à l’Ecole de Beauvallon. Marguerite Soubeyran était une pédagogue extraordinaire qui avait déjà à l’époque, ancré l’éducation dans une démarche écologiste. Je suis aussi issue d’une famille de grands résistants et la résistance est une attitude politique. Tout ceci a fait naître mes convictions politiques. Je n’ai vraiment aucun mérite : j’ai bu ça avec le lait maternel !
Justement, vous semble-t-il que les femmes sont suffisamment présentes sur le terrain de l’écologie ?
L’écologie, c’est la valeur des femmes, leur terrain. « Bio » en grec, ça veut dire « la vie ». Les porte-paroles
de l’écologie devraient être les femmes car elles sont naturellement « écologistes». Elles produisent le vivant dans
leur corps sans aucune intervention chimique, c’est déjà un geste écologique. Aujourd'hui, nous sommes dans une société patriarcale, où tout est à l’envers. Mais cela est en train de changer, et les femmes, qui portent cette vision écologiste, y sont pour beaucoup.
Finalement, qu’est-ce qui fait vivre bien selon vous ?
C’est mental. Si quelque chose nous tient à coeur, qu’on se lève le matin en se disant « c’est chouette de vivre », on ne vivra pas forcément plus longtemps, mais l’on se sentira bien jusqu’au dernier jour.
Solutions locales pour un désordre global a été réalisé en partenariat avec Colibri, l’association pour un Mouvement humaniste fondée par Pierre Rabhi.
Voir la vidéo de Coline Serreau
Le film est en avant première lundi 15 mars à Nantes au cinéma Kotorza