Comment vous êtes-vous initiée à la pâtisserie crue ?
Cela fait depuis 2008 que je m’intéresse à la Raw Food, c’est ma passion. Elle m’a fait beaucoup de bien, sur le plan personnel et pouvoir en faire mon métier était un rêve. J’ai commencé à faire des soirées pop ups, puis j’ai été appelée à travailler chez 42 degrés à Paris fin 2013. J’occupais alors le rôle de chef cuisinière et on m’avait demandé de développer une petite gamme de pâtisseries en plus de la carte. Ca restait assez basique, mais je crois que c’est à ce moment-là que j’ai éprouvé l’envie d’approfondir celle-ci. Faute de temps, cela fait qu’un an que je me concentre sur l’élaboration de mes recettes. J’ai eu beaucoup de chance, d’abord de me former dans des restaurants et traiteurs vegans, puis d’avoir le luxe d’approfondir mon projet d’ouverture d’une pâtisserie 100% végane et crue à Paris.
Que représente le véganisme pour vous ?
C’est tout simplement l’avenir, en gros. De plus en plus de chefs étoilés le disent à leur manière (Thierry Marx, Alain Passard, Alain Ducasse) et c’est une chose évidente pour tout le monde depuis longtemps ! Je vis en Angleterre depuis 2001, donc la simili carne, je connais ça ! Lorsque je rentrais à Lyon voir mes parents à 24 ans lorsque je suis devenue végétarienne (circa 2006), j’étais souvent outrée de ne pas trouver les mêmes produits en France. Je ne comprenais pas qu’on ne puisse pas s’inspirer des tendances nouvelles. C’est bien plus tard que j’ai compris l’ampleur du veganisme en comprenant son impact sur l’environnement, l’économie, les lobbies, et la cause animale. C’est vraiment en rentrant en France y vivre et travailler à 30 ans, que j’ai vu le travail de la L214, ça m’a tout de suite sensibilisée et là ça m’a donné envie d’arrêter le fromage, le lait, c’était fait depuis longtemps, mais les œufs et le fromage c’est venu plus tard. Heureusement qu’il y a de supers fromagères qui développent leurs activités partout en France, comme La petite frawmagerie, Philippe le Goéland, Nirvana Soria, Jay and Joy, Crudivine.
Bio, crue, végane, de saison, d'accord, mais parler de pâtisserie « healthy », n'est-ce pas contradictoire ?
Le mythe des calories fait que psychologiquement on se trouve gros ou grosse lorsque l’on mange une bonne part de gâteau. C’est vraiment dans nos têtes : si on pense que ce que l’on mange est bon pour nous (ou que l’on ignore qu’un sundae chez Macdo c’est mauvais pour la santé) alors pas de soucis, pas de stress, pas de prise de poids. Je schématise un peu, mais pour les personnes qui prennent du poids facilement, c’est difficile de lutter contre la gourmandise. Mon but c’est d’allier plaisir gustatif et bien être. Peut-être qu’il y a autant de calories dans mon brownie cru qu’un brownie ordinaire. Mais le mien est gorgés de produits sains, qui n’ont pas été transformés, qui sont restés naturels et sains grâce à la cuisson douce que je leur impose. Généralement lorsque l’on mange de une pâtisserie saine, c’est que l’on va manger sain derrière ou on aura envie de manger sain. Pour moi, c’est comme les jus. Je trouve que boire un jus bio pressé à froid en mangeant des frites et un hamburger c’est avancer et reculer en même temps. C’est se sentir sain tout en étant « naughty », de quoi rendre le corps un peu schizophrène car il ne comprend pas ou s’habitue. Chacun trouve son équilibre comme il le veut. Pour moi manger sain au quotidien et faire un écart de temps à autre, dans ses propres limites bien définies, justifiées ou non, pourvu que l’on trouve son compte et son bonheur, sans l’imposer aux autres. De toute façon, tout notre être reflète notre façon de manger (et vice versa) et cette dernière affecte nos manières d’interagir avec notre entourage.
Qu'est-ce qui vous inspire dans vos créations culinaires ?
La pâtisserie des grands chefs pâtissiers pour la plupart français (Pierre Hermé, Claire Damon, Michaël Bartocetti) mais j’aime beaucoup Sadaharu Aoki et ses couleurs ultra acidulées. J’ai pour mission actuelle de rendre la pâtisserie crue au sommet du sexy et du gourmet. Et pour cela, je m’inspire des meilleurs esthétiquement sans compromettre mes bases et mes valeurs pour autant.
Quel a été votre plus grand défi dans la création de vos recettes véganes et crues, dont beaucoup revisitent les grands classiques, comme l'Opéra ou la Tarte au citron ?
Pour ces deux recettes aucun, car les éléments sont facilement remplaçables et imitables. Le plus dur dans la pâtisserie crue serait, je pense, réussir à recréer une pâte à chou ou le moelleux d’une brioche ! Les coques à macarons aussi, n’ont rien à voir avec un macaron traditionnel, mais dans l’esprit les ingrédients sont similaires : poudre d’amande et un sucrant/ liant. Le but n’est pas de copier la pâtisserie tradi mais de s’en inspirer. Offrir une alternative plus saine à ceux qui se privent de sucres raffinés est mon but ultime, et si en plus le produit est joli et donne envie, alors ça sera mon pari gagné !
Vous aimez définir Paris comme un «lieu de décadence, de beauté, de délectation, ville du fin gourmet et de l’esthète…». En un mot, c'est l'endroit idéal pour ouvrir une pâtisserie crue & végane ?
Absolument. J’aime infiniment Paris depuis que j’y vis et je remercie la vie de m’avoir amenée jusqu’ici pour y faire ce que j’aime vraiment faire. A la base mon inspiration c’était le film de Sofia Coppola Marie-Antoinette, qui a bercé mes premiers mois ici, et pour moi manger des pâtisseries crues et véganes était une chose révolutionnaire à l'époque. D’où le trip "Let them eat cake". Voilà ça fait trois ans maintenant que je vis à Paris et les choses ont bien évoluées depuis, ce qui est très positif. Mais il y a encore beaucoup à faire et c’est un plaisir de voir et faire parti de ce qui est en train de se construire en ce moment.
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