Ne comptez pas sur Woody Allen pour commémorer avec tambour et… clarinette son 76 ème anniversaire, le 1er décembre prochain. Notre génie du « 24 images/seconde » est en effet réfractaire aux bougies. Cela ne l’empêche pas d’avoir une vision particulièrement éclairée - quoique souvent névrosée - sur le cinéma et surtout sur lui-même. Depuis quelques jours, le plus célèbre des réalisateurs binoclards fait la promo de « Midnight In Paris ». Un film qui lui a redonné… la banane. Vous comprendrez pourquoi en lisant cet entretien accordé à New York…
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Midnight in Paris nous conte l’histoire d’un écrivain qui doute beaucoup de son talent et qui se retrouve en montant à bord d’une vieille Peugeot au milieu de la nuit, projeté soudainement dans les années 20. Au cours de soirées diverses, il va rencontrer, côtoyer, les peintres, auteurs, réalisateurs qu’il a toujours admirés. Les Picasso, Hemingway, les Bunuel, les Dali, etc. Y’a-t-il une époque du passé qui vous attire plus qu’une autre ? Tout le monde rêve de retourner dans le passé car forcément la nostalgie est un sentiment qui nous anime fortement. Je pense que c’est aussi une façon d’extrapoler les belles choses et de nous voiler la face. Quand vous vous réfugiez dans le passé, vous occultez votre présent. D’ailleurs, c’est toujours très agréable de se dire que la Belle Epoque ou les années folles étaient le temps de l’insouciance, des attelages de chevaux bien lustrés, des belles filles, des robes en soie sauvage... Bien entendu, vous songez à Gigi, à Maxim’s, au Champagne, aux bons vins. Mais vous oubliez un point essentiel : les conditions de vie étaient différentes d’aujourd’hui et incroyablement plus inconfortables. Vous n’aviez pas la Novocaïn quand vous rendiez chez le dentiste et encore moins d’air conditionné (rires). Je ne suis donc pas attiré par un voyage dans le passé. Ou alors une journée. Mais avec une garantie de retour au XXI ème siècle ! Et de l’endroit où je suis parti s’il vous plait. Pas envie de me retrouver dans une cave au Darfour ou dans une grotte avec des Talibans ! (rires) Pour l’état civil, vous êtes né Allen Stewart Konigsberg. Pourquoi avoir choisi à l’âge de 15 ans le pseudo de Woody Allen ? Parce qu’il sonnait bien et parce que je voulais rendre hommage à Woody Herman, un célèbre clarinettiste ! J’avais surtout besoin de me « réfugier » derrière une forme d’anonymat dans la mesure où j’écrivais des textes humoristiques destinés à des périodiques de Big Apple. Vous vous doutez bien que les gens, qui faisaient appel à moi, ne voulaient pas que l’on sache que c’était un môme pas encore fini qui alimentait leurs colonnes !
On vous payait bien ? J’imagine que comme tout ados, j’ai dû me faire arnaquer par des gens qui manipulaient mieux les chiffres que moi. Quoiqu’il en soit, en ce temps-là, j’étais ravi de me faire 25 dollars par semaine. C’était le tarif pour un forfait de 50 histoires drôles. La dérision, l’envie de faire rire mes contemporains, c’était quelque chose que j’ai eu très tôt en moi. Au grand dam de mes parents qui avaient d’autres ambitions pour leur rejeton. Mon père voulait que je sois avocat. Ma même que j’embrasse une carrière de médecin. Quand on y regarde bien, j’ai respecté les dernières volontés de mes aïeux. Je vous explique. Lorsque je défends mes films face à la critique, je me sens un peu avocat quelque part et quand j’auditionne les acteurs, je les ausculte d’une certaine façon. Forcément, j’aime voir ce qu’ils ont dans leur cœur !
A quel âge avez-vous découvert la magie du cinéma et avec quel film ? J’avais 3 ans et c’était en regardant Blanche Neige. Pendant des années, j’ai d’ailleurs refusé de manger des pommes !
Quand on dit de vous que : « Woody Allen est un réalisateur intello », vous adhérez ou pas ? C’est faux. Gamin, je voulais devenir joueur de base-ball. Le problème, c’est que je n’avais pas la carrure. Et puis, à l’école, j’avais un niveau consternant. Il y avait que le cinéma qui pouvait m'offrir un job ! (rires)
Vous pratiquez un sport aujourd’hui ? Je dispose dans mon appartement d’un tapis roulant sur lequel je marche de façon soutenue. Généralement en regardant les infos. Comme ces « news » durent une demi-heure, j’ai fait l’économie d’un chronomètre !
Concrètement, qu’est ce que vous faites pour vous sentir bien. Est-ce que vous vous rendez dans un institut de beauté, dans un spa ? Si c’était le cas, j’aurai le teint un moins terne ! Et qui sait, j’aurai peut être même le physique que Javier Bardem. Qu’est ce que je fais concrètement pour me sentir bien ? Je ne marche pas seulement sur mon tapis, je marche aussi dans la rue ! Et à New York, je peux vous assurer que pouvez vous perdre facilement. Quand je dis perdre ce n’est pas au sens « giratoire », « géographique », c’est plutôt « se vider la tête ». Quand vous marchez, vous évacuez toutes les mauvaises toxines, vos rechargez les batteries et plus important encore vous découvrez le monde qui vous entoure autrement qu'assis au fond d'une voiture.
Jamais de traitement de peau ou des trucs comme ça donc ? Si ! Ma femme me fait inhaler des essences naturelles comme l’eucalyptus ! Elle me masse les tempes avec de l’huile d’amande douce. Généralement, je m’assoupis dans ses bras ! La bouche ouverte et les yeux bien fermés !
Vous auriez, paraît-il, un petit rituel avant la projection de vos films ? Au petit déjeuner, je coupe ma banane en 7 morceaux. Pas n’importe quel type de bananes. Des bananes bio. J’aime bien savoir d’où viennent les produits que je mange. Comment ils sont traités. Quand je rentre dans un supermarché, je passe plusieurs minutes à décrypter le tableau des ingrédients qui se trouve sur les emballages. Et comme c’est écrit en tout petit et que je suis myope, c’est assez laborieux ! J’aime manger de tout à part ça. Sauf les huitres ! Quand je mange, il faut que je sois sûr que les aliments soient morts ! (rires)
Pourquoi une banane découpée en 7 morceaux ? Parce que le chiffre 7 porte bonheur. J’avale également des pruneaux dénoyautés. C’est bon pour calmer ce que j’ai avant la projection de mes films aux journalistes ! Je ne vous ferais pas un dessin.
Est-il vrai que vous ne pouvez écrire qu’à New York, dans la jungle urbaine et en buvant du thé ? Oui ! Du thé vert ! Avec ma femme, d’origine asiatique, nous en consommons beaucoup. Boire un thé vert, ça vous purge de l’intérieur. C’est un peu comme si vous passiez chacune de vos cellules au jet haute pression ! Forcément ça vous fait un bien fou ! Je ne pourrais pas me passer des bruits de cette ville. Il m’est arrivé de dormir à la campagne. J’entendais le silence et de rares criquets ou quelques crapauds. C’était insupportable pour mes oreilles qui n’étaient pas habituées à ce genre de « mélodie ». A la campagne, les choses sont trop tranquilles. C’est joli 30 minutes, à la rigueur une heure, mais après je deviens nerveux, je veux retourner à New York. J’aime entendre les voitures klaxonner dans les embouteillages, les sirènes de pompiers qui essayent de se frayer un chemin et les marteaux piqueurs pour rythmer le tout ! (rires). Bref ! Il faut que ça bouge, qu’il y ait de l’animation. New York est une "centrifugeuse épileptique" et j’aime ça ! Allez donc à Wazoo Falos dans le Mississipi et vous comprendrez !
Pensez-vous néanmoins être quelqu’un de « green » ? Un type qui passe plus de temps à marcher a forcément une dimension environnementale. Maintenant, je me méfie des gens qui s’autoproclament grands défenseurs de la planète, qui donnent des conférences à ce sujet et qui, une fois le discours terminé, s’engouffre dans un gros 4 X4 pour se rendre à l’aéroport où les attendent un jet privé ! C’est un peu comme ses femmes que je croise dans les restaurants et qui exigent du serveur des sucrettes à l’aspartame. Et au moment de commander le dessert : elles prennent un énorme glace à la vanille avec du chocolat chaud dessus. Nous vivons, hélas, dans la société de l’apparence. Ce n’est plus la raison, l’envie, le désir qui dictent nos choix, c’est uniquement le besoin de paraître, de ne pas écorner son image !
Quels sont les rapports de Woody Allen avec la séduction ? Des rapports pénibles ! (rires) Quand j’étais enfant, j’étais le seul mâle parmi les femmes. C’était facile. J’ai été élevé par ma mère, ma sœur et les mères de mes 7 cousines. J’étais donc très chouchouté. Les choses se sont compliquées lorsque j’ai quitté le giron familial. Là, il a fallu que je fasse plus d’efforts pour séduire les dames.
Nous ne pouvions pas vous quitter sans vous demander quel était votre vin français préféré ? J’ai une attirance certaine pour La Täche, un excellent cru de Bourgogne. Tout comme le Richebourg et le Grands Echezeaux, le Romanée Conti, les Château Lafite,... A un moment de ma vie, les plus grosses notes que je devais réglées étaient celles des bouteilles que j’achetais à prix d’or !
Où se déroulera votre prochain film ? A Rome ! Une ville où le vin est bon également. J’ai hâte de mettre en scène un autre cru local : Roberto Benigni ! Sa « Vie est belle » m’avait ému jusqu’aux larmes !
Franck Rousseau
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