Si la volonté était de regarder à la loupe les idées reçues et d’être objectif, il aurait fallu tenir le discours loin de tout cliché, ce qui n’a pas été fait. Quel dommage d’avoir sombré dans la facilité !
Mettre en avant de façon spectaculaire, photos « choc » à l’appui, des réactions d'allergie aux huiles essentielles sans plus de précisions sur les dosages et les produits incriminés ne peut que prêter à confusion. Dommage.
Chercher le scoop, en « dénonçant » le phenoxyéthanol employé jusqu’en décembre dernier par une marque affichée bio, sans préciser au téléspectateur qu'en cosmétique non-bio, il est encore largement employé.
Facile.
Dommage aussi de permettre l'amalgame entre de « nouveaux bio » surfant sur la vague du naturel pour des raisons évidentes de marketing, et les professionnels qui travaillent avec conviction. Le packaging fleuri et les appellations tendancieuses des premiers ne tiennent pas face à l'éthique des seconds. Eux qui cultivent et/ou transforment leurs matières premières dans le respect de bonnes pratiques, sans substance chimique de synthèse, afin d’offrir une vraie garantie aux usagers, espèrent que le reportage d’Envoyé Spécial n’a pas, contre toute attente, jeté le consommateur dans une confusion encore plus grande.
Car pour préserver sa santé, ce consommateur se doit presque aujourd’hui d’être diplômé en chimie. Or il faut qu’il puisse se fier à des repères : les labels et les mentions. Il en existe d’autres que les deux cités en plateau (en présentant, dernière erreur, l'organisme de certification Ecocert comme un label, ce qu’il n’est pas).
Dommage, enfin, d’avoir ignoré les alternatives associatives comme Nature & Progrès ou Déméter. Si elles ne sont pas des normes officielles, ces indépendantes ont le mérite d’avoir des exigences et une transparence sans pareille et d’avoir ainsi pris une véritable place dans le domaine de la cosmétique bio. Nature & Progrès, première à avoir défini la cosmétique bio contrôlée dans son cahier des charges dès 1998, regrette à ce titre de n’avoir pas été contactée.
Il y avait trop à dire pour tomber dans la facilité et le sensationnel. L’enjeu de santé est important. Trop important pour être délaissé, ou timidement évoqué en fin de reportage, lorsque la confusion est déjà là.
Rappelons que le vivant, tout le vivant, est sensible aux réactions chimiques. Le corps humain ne fait pas exception.
Que mettons-nous sur notre peau, dans notre assiette et dans notre eau ? Que respirons-nous dans nos maisons, dans nos villes et près de nos champs ? Et surtout, quel impact ont ces « cocktails » que nous ne maîtrisons pas, sur notre environnement, et donc sur notre santé ?
Le véritable enjeu est bien là. En 50 ans, ce sont près de 100 000 nouvelles substances chimiques de synthèse qui ont envahi nos produits de grande consommation, et nous n’avons pas de réelles évaluations de leur nocivité. L’avancée permise par le bio dans la cosmétique est de s’interdire les bases pétrochimiques utilisées par l’industrie cosmétique classique.
Faisons en sorte d'avoir une meilleure gestion des substances chimiques non naturelles en limitant leur emploi. C’est tout simple : cela s’appelle le principe de précaution.
Pour notre santé, et celle la Terre.
Pour en savoir plus :
- Article : L’éthique bio pervertie par l’industrie de la cosmétique, E. Jaccaud, Revue Nature & Progrès N°71 fév/mars 2009. Un tableau comparatif des exigences des différents labels.
- La Revue Durable N° 32, une présentation des labels et mentions, et une liste des produits toxiques.
Contact : Elodie Bralia 04 66 91 00 16
N&P rappelle que ses cahiers des charges sont à ce jour d’une exigence sans pareille. Dans sa démarche de transparence, elle invite consommatrices et consommateurs à consulter sa charte et ses cahiers des charges en ligne : www.natureetprogres.org