Qu’est-ce que le Wutao ?
P.C : Nous l’avons défini comme un métissage des arts corporels de la bioénergétique taoïste, des théories psychanalytiques reichiennes et des arts scéniques occidentaux comme la danse ou le théâtre-mouvement de Jacques Lecoq.
I.R : Derrière cela, tout simplement, nous voulions créer une discipline qui se base sur notre totalité : l’esprit, le corps, l’expression et le mouvement sont un tout. Nous ne trouvions cette unicité dans aucune discipline, que ce soit le yoga, le taï-chi, le chingqong
Quelles ont été vos sources d’inspiration ?
P.C : Nous nous sommes beaucoup inspirés des travaux de Mirra Alfassa et Sri Aurobindo sur la médiation, la pleine conscience et le yoga. Le Tao est aussi une incroyable source d’inspiration. En fait, nous voulions adapter au nouveau siècle des pratiques ancestrales qui nous sont parvenues. Nous pensions qu’elles n’étaient plus adaptées car elles se sont développées à une époque précise dans un environnement culturel précis.
I.R : Lorsque l’on parle de « Lotus aux milles pétales », il y a une image culturelle du lotus qui ne parle pas du tout aux Occidentaux du XXIème siècle. Le lotus embarque notre imagination dans une direction exotique et erronée qui fausse la qualité de notre perception, et donc de notre conscience. A travers le Wutao, nous voulions faire revivre ces traditions en les métissant pour les actualiser.
Quelle est la démarche du Wutao ?
P.C : Le Wutao passe par la connaissance de soi. Il faut avoir envie de rentrer dans une démarche pour apprendre à se connaître. La plupart des gens pensent qu’il faut avoir un problème pour prendre le temps de se connaître, à travers un suivi psychanalytique par exemple. Nous pensons qu’il ne faut pas attendre. Le cheminement peut commencer à tout moment, il suffit d’être dans une démarche pro-active.
I.R : J’aime comparer la démarche du Wutao à un coquelicot. Il se défroisse peu à peu et s’épanouit finalement, tout en gardant les traces de sa naissance et sa fragilité. De la même façon, le Wutao permet de se connaître à travers le mouvement.
Justement, amenez-vous les gens à se connaître à travers le mouvement ou est-ce le mouvement qui permet aux gens de se connaître ?
P.C et I.R : Les deux !
P.C : On ne sait pas qui de la poule ou de l’œuf est arrivé le premier. C’est la même chose avec le Wutao. Prendre conscience du mouvement que l’on fait amène à la conscience de soi. Mais on peut répéter cent fois le même mouvement sans rien ressentir, et puis tout d’un coup, parce que l’on est dans un autre état d’esprit, que l’on fait le mouvement d’une façon légèrement différente ou encore parce que l’on voit quelqu’un faire le mouvement ou que l’on se voit dans les yeux de quelqu’un alors qu’on est entrain de aire le mouvement, bref, parce que l’on est en conscience de soi, un déclic se produit et tout d’un coup, on peut exprimer des sentiments. Le mouvement qui était impossible à réaliser devient naturel et facile.
I.R : Les sentiments qui sont alors exprimés sont souvent de la peur ou de la colère. On voit des gens pleurer, crier… Ce sont des sentiments forts que chacun a naturellement tendance à refouler. La joie est rarement refoulée.
P.C : Quoique ! Il nous est arrivé de rencontrer des gens qui refoulaient la joie. Grâce au Wutao, ils ont réappris à l’exprimer.
Vous portez une attention particulière au mouvement et au souffle. Pourquoi ?
P.C : Le souffle est l’empreinte la plus forte de notre naissance. Par un travail sur le souffle, on défroisse notre mémoire corporelle, on laisse s’exprimer les sentiments. La plupart des gens se réfugient dans la maîtrise technique des gestes, car elle rassure. Mais la pratique parfaite n’est pas un épanouissement.
I.R : On peut répéter cent fois le même geste et y trouver encore des sources d’étonnement. C’est très fort. L’homme est un mammifère, par nature il se meut. Nous voulions donc une approche en mouvement car nous voulions transmettre la prise de conscience que le mouvement est toujours là. Le Wutao est toujours en mouvement.
P.C : Il y a d’ailleurs dans le Wutao le plaisir de la création du geste en soi. Il faut danser la vie.