Retrouvez cette interview dans le magazine FemininBio #23 juin-juillet 2019
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Nach ou Anna ? Lorsque nous lui demandons qui elle est, l’artiste répond "les deux". La fin d’Anna et le début de Chedid, un pont entre ses racines et ce qu’elle en fait. À 32 ans, l’auteure et interprète issue d’une famille de musiciens se sent plus que jamais connectée à son moi intérieur et à sa mission de vie : fusionner la culture et l’écologie pour céder un monde meilleur à nos enfants. Anna Chedid nous livre dans cette interview de quelle manière ses différentes inspirations l’ont menée à construire son féminin et son chemin de vie.
FemininBio : Votre nouvel album vient de sortir, et celui-ci englobe un court-métrage et des concerts. Quel est le concept de cet album ?
Nach : L’album s’appelle L’aventure et dépeint différents moments de la vie d’une femme, et les états émotionnels par lesquels elle peut passer. J’adore ce mot, car la vie est une grande aventure faite de petites aventures, à l’image de la succession de mes chansons. Dans cet album on retrouve également le court-métrage que j’ai écrit, réalisé par Nicolas Baric, qui retrace le parcours et l’existence d’une femme.
Pourquoi mettre en scène la vie d’une femme et non d’un homme ? Quelle vision de la femme aviez-vous envie de partager ?
Quand j’avais 8 ans, ma grand-mère, Andrée Chedid, poétesse écrivaine, m’a offert un cahier et un stylo. Un moment très important dans ma vie, puisqu’elle m’a passé le flambeau, me disant : "Si tu as quelque chose à dire tu peux, tu es une femme mais tu en as le droit." Elle était la preuve vivante qu’une femme forte ayant des idées peut faire de grandes choses. J’ai été bouleversée et j’ai commencé à écrire des poèmes. C’est cela que je veux raconter dans L'Aventure : oser se rencontrer, oser devenir qui on est et s’incarner dans cette vie.
Avez-vous eu besoin de découvrir votre féminin ?
La part féminine, c’est quelque chose qui est à la fois inné et que l’on doit découvrir, rencontrer. J’ai l’impression que c’est un chemin de vie à apprivoiser pour le faire éclore et s’épanouir.
Vous êtes la dernière d’une fratrie de garçons avec une sœur aînée. Comment avez-vous réussi à affirmer votre féminin ?
Je pense que c’est par la musique. Dans ma famille, la plupart des garçons sont musiciens et ma sœur est réalisatrice. C’est par l’expression que j’ai affirmé ma féminité.
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Votre grand-mère vous a beaucoup inspirée. Y a-t-il d’autres femmes qui ont été sources d’inspiration pour vous ?
Nina Simone était un exemple pour moi. C’est une femme qui a transformé le plomb en or. Elle rêvait de jouer dans de grands opéras classiques et on lui a fait comprendre que c’était impossible, de par sa condition de femme, noire de surcroît. Elle a alors commencé à créer quelque chose d’unique par sa musique, un mélange de jazz, pop et classique. Elle est la preuve qu’il est important de se servir de tout ce qui se passe dans nos vies, des choses les plus malheureuses comme des plus merveilleuses, pour en faire de la lumière.
Pour la voix, c’est Maria Callas. Elle me bouleversait quand j’étais petite. J’ai même essayé pendant quelques années de l’imiter sous la douche, je faisais de grands airs d’opéra.
La chanson de votre nouvel album "Dans les yeux de ma mère" parle-t-elle de la lignée, du féminin, de la transmission et du transgénérationnel ?
Je voulais parler de ma mère, car dans ma famille ce sont souvent les hommes qui sont mis en lumière. Ma mère en est le ciment, et nous savons tous à quel point elle est une figure emblématique dans notre famille. J’aime beaucoup dans cette chanson le passage "Toujours à la recherche de la belle inconnue que je connais si bien", car il y a des gens que l’on a l’impression de connaître, comme notre mère, sur lesquels le mystère plane toujours. Je trouve beau de se dire que chaque être humain a des secrets.
Vous êtes tombée dans la musique quand vous étiez petite, baignée dans cet environnement musical, et en même temps cela semble inné...
Chez nous, on apprend la musique avant même de parler et de marcher. Il y avait des instruments partout chez nous, on tapait sur des batteries, des tambours, des pianos, c’était catastrophique mais génial ! Alors que j’avais 8 ans, mon frère Matthieu nous a demandé à mon frère Joseph et à moi de faire les chœurs sur son premier album. J’entendais ma voix dans le casque et j’ai adoré.
Maria Montessori a développé une pédagogie autour de la musique, qui fait partie intégrante de l’éducation. Quels sont les bienfaits de la musique en famille ? Est-ce que cela renforce le lien parent-enfant selon vous ?
Il y a beaucoup de cultures, à Cuba ou en Afrique, où les gens chantent, dansent, vibrent, et cela fait partie de l’équilibre, de la santé. Dans notre société, on peut inscrire nos enfants à des cours, mais il faut en avoir les moyens. Cela devrait pourtant être indispensable, car c’est une manière de se découvrir soi-même. Le bonheur absolu n’est pas d’avoir une belle voiture, une belle maison. Le bonheur c’est de se découvrir profondément. La musique, la danse, la vibration peuvent profondément nous y aider.
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Comment favoriser ce développement ?
Avec des initiatives, comme le festival "La Voix Verte" que j’organise. Il ne faut pas attendre que la politique change, que la société change, il faut agir localement. On pourrait faire de la méditation, du chant, créer des lieux alternatifs avec un accès à la musique, à la danse, à la culture... Comme pour l’écologie, il s’agit juste de donner un accès.
Quel rapport avez-vous avec la musique aujourd’hui dans votre vie ? Quels besoins comble t-elle ?
Quand j’écris, c’est mon inconscient qui parle, je ne me dis pas que j’ai envie d’aborder tel ou tel sujet. Je me mets devant mon cahier, une mélodie me vient qui va ensuite m’évoquer une émotion, et cette émotion me fait remonter des mots. Je commence alors à écrire quelque chose, de façon inconsciente. C’est magique, et surtout libérateur et fédérateur, car cela me fait rencontrer des gens. Eh oui, même si sur scène je parle aux gens, je suis une grande timide, qui plus est hypersensible. La musique m’aide à me libérer et à me relier au monde.
Qu’est-ce que cela a décomplexé chez vous de chanter, d’oser exprimer ?
Même si je suis née dans une famille fabuleuse, j’ai été une enfant assez perturbée, très sensible, et j’ai dû combattre des peurs. J’ai dû aller comprendre, chercher et transcender pour vivre une vie épanouissante. J’ai essayé de m’alléger, de me faire du bien grâce à mes lectures et mes expériences énergétiques, psychologiques. Dans une famille aussi exposée que la mienne, avec un frère qui remplit les plus grandes salles de concert, quand l’envie est là de faire la même chose, on s’inquiète pour son avenir. On se dit au début qu’avoir réussi c’est faire Bercy, puis un jour on réalise que l’important c’est de trouver ce que l’on a envie de dire, et surtout qui l’on est. "Ton chemin sera autre, mais ce sera le tien."
Quelle est la place de la spiritualité dans votre vie ?
Elle est à la fois très forte et très inconsciente. Je la ressens beaucoup et je sens des choses qui me dépassent, qui me font beaucoup de bien, qui m’inspirent et me guident. Mais je ne mets pas de mot, pas de couleur, pas d’image dessus.
Vous en parliez, vous êtes aussi très engagée dans la création d’un festival dans votre village. Qui est Nach, la femme engagée ?
J’habite à la campagne, dans un très joli village à une heure de Paris dans lequel la chimie est bien présente, et les périodes d’épandage sont aussi celles où les médecins sont surchargés. J’ai réalisé que la culture était assez inexistante dans ce village, et j’ai eu envie de faire quelque chose. La musique, l’art, sont des moyens de changement puissants.
Je suis donc allée à la mairie présenter mon projet de festival multiculturel, où l’art et la culture de la Terre seraient représentés. Il y aurait des ateliers slow cosmétique, d’initiation à la permaculture pour les enfants, des conférences... Un moment de sensibilisation à l’écologie et au lien social. L’argent de la billetterie permettrait de monter un lieu avec un jardin pour des ateliers scolaires, des conférences, des concerts, etc.
Vers quelle aventure avez-vous envie d’aller aujourd’hui ?
J’ai envie de continuer à m’épanouir à travers des choses qui ont du sens. J’adorerais écrire un spectacle autour de l’œuvre de ma grand-mère, composer un album sur ses mots. Pourquoi pas faire un spectacle sur le transgénérationnel, à la fois sur la femme artiste des années 1950 et sur moi, aujourd’hui. Ce sont deux mondes différents, deux femmes différentes, mais avec des impulsions et des vibrations communes.
Votre grand-mère est partie en 2011. Comment la portez-vous dans votre cœur ?
Elle est toujours là. Je ne l’ai pas beaucoup connue car elle travaillait énormément, mais les quelques moments avec elle étaient forts. Aujourd’hui, quand je me sens découragée – car le métier d’artiste est difficile, il faut avoir une énergie forte et continue – je pense à elle. Elle me donne envie d’y croire et de persister.
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Quel message souhaitez-vous faire passer aux femmes ?
Osez être ce que vous êtes, et osez exprimer ce que vous pensez. Faites, agissez pour vous et pour les gens que vous aimez. L’important est de s’épanouir et de donner le meilleur à ce monde.
Retrouvez l’intégrale de cette interview en podcast "Metamorphose", avec en bonus une chanson de son nouvel album enregistré dans le studio live de Métamorphose.
L'album de Nash "L'aventure", disque Polydor.
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