Cet article a été publié dans le magazine FemininBio #17 juin-juillet 2018
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Aujourd’hui, les langues se délient et les femmes osent de plus en plus dire qu’elles ont vécu des moments très douloureux. Ce n’est plus perçu comme quelque chose de honteux, qu’il faut cacher, mais au contraire comme une expérience de vie pour comprendre quelque chose sur soi.
Et, pourtant, il faut une sacrée dose de courage pour en parler ouvertement.
À chacune son histoire
Lors d’un cocktail, je croise une femme entrepreneure et créatrice d’une grande marque de prêt-à-porter qui me confie avoir été violée durant son enfance. Je la connais depuis dix ans et jamais elle n’avait abordé cet événement terrible de sa vie.
Un peu plus tard, lors d’un salon du livre, une romancière connue m’avoue au bout de quelques minutes qu’elle essaie de sortir de l’emprise de son compagnon. C’est si difficile qu’elle est en train de devenir alcoolique.
Et puis un jour, une de mes proches meurt. Elle était jeune, belle, gaie, sensible. Depuis plusieurs années, de manière imperceptible, elle avait commencé à se renfermer sur elle-même, lentement, à s’assombrir. Elle s’était mise à trembler, à ne plus dormir.
Elle est morte d’épuisement et de stress suite au harcèlement de son mari, un pervers narcissique. Le mot est souvent utilisé à tort, mais là il s’agissait bien de manipulations en vue de détruire l’autre.
Comme beaucoup dans ce cas, j’ai compris que la situation était très grave lorsque c’était trop tard. Je l’avais questionnée pour essayer de guérir sa détresse, j’avais tenté de lui redonner de l’énergie, cherché à la raisonner…
Pourquoi ne quittait-elle pas son mari s’il était si terrible ? J’ai constaté mon incapacité à l’aider. Ce décès m’a plongée dans un grand désarroi. Que devais-je comprendre ? Comment faire pour que cela n’arrive plus ?
Un cercle vicieux
Le point commun entre toutes ces personnes, lorsqu’elles arrivent à s’en sortir, est qu’elles éprouvent des difficultés à s’épanouir dans leur vie professionnelle ou à trouver une issue favorable à leur vie sentimentale chaotique.
Elles ont l’impression de tourner en rond, qu’une partie de leur vie est comme "sous cloche", inaccessible au bonheur. J’ai cherché à comprendre et plusieurs questions se sont imposées.
Pourquoi ces blessures impactent-elles notre vie de manière récurrente, des années durant, au point qu’on peut en perdre la santé ? Et pourquoi est-il si compliqué de se reconstruire après un choc psychique ?
La difficulté de quitter son bourreau
J’ai lu quantité de livres de psychologie et de psychiatrie pour tenter de trouver une explication rationnelle et scientifique qui puisse expliquer combien il est difficile de quitter une personne qui nous manipule ou qui nous harcèle.
Même lorsqu’on est conscient de l’inacceptable, nous n’arrivons pas à prendre la bonne décision : partir.
Les professionnels de santé donnent des pistes très intéressantes. L’autre nous dépossède de notre confiance, de notre estime de soi, de notre système de pensée. Il nous vole notre énergie, notre force.
La "fuite mentale"devient la seule protection possible, une forme de dissociation qui nous place en observateurs extérieurs de la situation. Cela explique la "passivité" relative de ces personnes mais ne donne aucune indication sur le fait qu’une fois parties, la plupart d’entre elles vont revenir auprès de leur bourreau.
La puissance de l'intention
Ceux qui me connaissent savent que j’ai réalisé les "Enquêtes Extraordinaires", des films documentaires diffusés sur M6 dont Stéphane Allix est le journaliste présentateur.
Pour ces émissions, j’ai consulté et testé quantité de thérapeutes en médecines alternatives. Tous évoquent la puissance de l’intention et de l’énergie, ces forces invisibles qui accompagnent nos pensées et qui nous aident à guérir…
Ce double point de vue, scientifique et énergétique, m’a permis de proposer une hypothèse.
Retrouver son âme
Et si un travail subtil entre la personne qui nous a fait du mal et nous-mêmes était possible ? Pourrions-nous réparer notre état psychique et, ainsi, notre santé ? Les victimes de violences disent qu’à l’endroit du drame elles ont perdu une partie de leur âme.
L’âme. Qu’est-ce donc sinon le réceptacle de notre système de pensée, de notre vitalité, mais aussi de notre confiance en soi et de notre estime de soi. Se pourrait-il qu’une partie de notre âme se soit échappée pour éviter de sombrer dans la folie ?
Le pervers narcissique chercherait, par l’emprise, à capturer l’énergie vitale de l’autre pour remplir le vide qui est en lui. Et cela donne un sens à ce que l’on constate.
Les victimes ne peuvent se résoudre à partir parce que l’autre a quelque chose qui leur appartient. Une partie de leur âme. Cela rejoint cette notion de fuite mentale, cette dissociation qui nous rend incapables d’agir dont parlent les psychiatres.
Nous sommes devenus étrangers à nous-mêmes.
On se souvient de cette fillette de onze ans, violée, et qui faute d’avoir réagi a été considérée comme consentante. Elle était en état de sidération car cet homme lui a fait vivre quelque chose d’inenvisageable.
Cette réalité touche ceux qui ont subi une violence, la perversion d’un parent, un harcèlement professionnel, un deuil trop dur à vivre, un grave accident de voiture, un abandon…
Pour se sentir bien, il faut être entier. Si l’autre détient une partie de nous, il nous faut la récupérer.
Les blessures du silence, un roman pour sortir de l'emprise
J’ai alors décidé d’écrire un roman, Les blessures du silence, pour aborder cette réalité et espérer donner des clés.
En traitant du thème de l’emprise, j’explique de quelle manière chacun de nous peut récupérer cette énergie qui s’est échappée lors des événements violents de la vie.
Cela fait sens pour tous ceux qui se sont sentis "vidés" après un contact avec une personne destructrice.
La raison pour laquelle j’ai abordé ces techniques sous la forme d’un roman est parce que, bien souvent, la personne sous emprise l’ignore. Par ailleurs, une histoire qui n’est pas la nôtre permet de faire disparaître les résistances, le déni, que tous les psychologues constatent en thérapie.
Ensuite, il est difficile de ramener chez soi un manuel Comment sortir de l’emprise, alors qu’un polar peut rester sur la table de chevet.
Désormais, l’entourage peut comprendre et venir en aide à la victime d’un pervers narcissique.
Les blessures du silence est né de cette envie de réparer. L’autre a quelque chose de subtil qui nous appartient et qu’il est indispensable de récupérer pour envisager un départ serein ou se reconstruire.
Une femme a disparu. Son mari évoque un possible suicide, ses parents affirment qu’elle a été tuée, ses collègues pensent qu’elle s’est enfuie avec un amant, et autant de témoignages contradictoires qui ne correspondent pas à la description qui est faite de cette mère de trois petites filles. Qui croire ? Qui manipule qui ? Connaît-on vraiment la personne qui vit à ses côtés ? Au fil d’une intrigue aussi poignante que déroutante, Natacha Calestrémé dépeint les effets de l’emprise et de la perversion, les silences qui accompagnent cette violence invisible, les pièges dans lesquels tombe l’entourage… et donne peut-être les clés pour s’en libérer.
Retrouvez Les blessures du silence aux éditions Albin Michel
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