Séance photo pour la couverture de FemininBio. Clea est à peine consciente de sa beauté et se prête avec grâce et application à l’exercice. On la sent rigoureuse, précise et concentrée. Son magnifique sourire crève l’objectif et on se dit que cette lumineuse créatrice culinaire bio qui vit dans ses montagnes aurait tout aussi bien pu faire une carrière de mannequin. Pour notre plus grand plaisir elle a choisi la voie de l'alimentation saine et de la zen attitude. Rencontre.
Comment est venue cette passion pour l’alimentation et la cuisine ?
J'ai grandi dans une famille où l'on cuisinait. Ma mère achetait des légumes de saison cultivés dans une ferme locale et nos repas consistaient à les valoriser, en commençant par les plus périssables (feuilles vertes) pour finir par les pommes de terre. C'était une cuisine simple et naturelle. Enfant, j'adorais mettre la main à la pâte, faire des biscuits, des gâteaux et tester des recettes du livre que l'Unicef avait édité pour les enfants, Les petits cuisiniers autour du monde. En grandissant, je me suis mise à remplir des carnets avec les recettes que je piochais ici et là et que je modifiais à ma façon. J'illustrais chaque recette d'un dessin. C'était avant l'ère de la photo numérique ! Mais je prenais déjà plaisir à tester à chaque fois une nouvelle recette.
Tu as écrit 25 livres en dix ans, cela fait plus de deux par an : une passion pour la cuisine mais aussi pour la transmission à travers l'écriture ?
Oui, totalement. J'ai toujours adoré écrire, mais l'écriture seule manque d'un petit quelque chose. Le côté interactif la rend extrêmement stimulante : j'écris toujours en pensant à ceux qui vont me lire, même si j'ignore qui ils sont, pour la grande majorité... Je pense en outre que le côté blog change beaucoup la manière de transmettre le savoir culinaire : ce n'est plus du haut vers le bas mais de manière horizontale, avec des possibilités de revenir sur la recette pour l'étoffer ou la modifier. La recette devient une sorte de palimpseste, et l'auteur n'est plus une figure inaccessible. Je suis persuadée que cette démocratisation de l'écriture culinaire et de la transmission des recettes participe à la popularité de la cuisine et au fait que de plus en plus de personnes s'y mettent, et je m'en réjouis !
Tu as été – et tu es toujours – en avance dans le domaine culinaire. D’où te vient cette créativité ? Voyages-tu beaucoup ?
Je baigne constamment dans les lectures culinaires : je suis abonnée à plusieurs centaines de blogs, je lis des magazines de cuisine, je surfe sur les réseaux sociaux et je lis de nombreux livres de cuisine, en anglais ou en français. Ce "bain quotidien" me permet d'être tout le temps sous perfusion d'idées : il n'y a pas assez de repas pour toutes les tester ! Les concepts, les mariages d'ingrédients, les recettes de toutes sortes se mélangent dans ma tête pour donner quelque chose qui, au final, me ressemble. Je ne voyage pas autant que je le souhaiterais, mais lorsque je le fais, la dimension "découverte culinaire" est forcément présente, et je rentre avec encore plus d'idées à mettre en œuvre !
Comment répartis-tu ton temps? As-tu (encore) le temps de cuisiner pour ton plaisir ?
J'ai un travail à plein temps, donc je m'occupe de mon blog et de mes livres le soir et le week-end. Sur mon blog, je ne m'oblige à aucune régularité : je poste lorsque cela me fait plaisir des recettes cuisinées en fonction de mes envies du moment. La dimension "plaisir" est donc tout le temps présente ! J'adore inviter des amis à dîner, cela me permet également de faire des plats qui sortent de mon quotidien culinaire (très simple au demeurant). En général, je ne les prends pas en photo, c'est purement le plaisir de les partager qui me donne envie de passer du temps en cuisine.
Aujourd’hui, quelle est ta vision d’une alimentation saine au regard de ce qui se passe : sans gluten, végé, sans sucre, etc. ? Existe-t-il, selon toi, une "bonne" alimentation ?
Je n'aime pas les mots "sain/saine", "bon/bonne", etc. Ce qui est bon pour une personne ne l'est pas forcément pour d'autres. Certaines personnes doivent manger sans gluten, d'autres se sentent en meilleure santé si elles mangent cru, tandis que ça ne réussit pas du tout à certains… Il appartient à chacun de trouver son équilibre. La seule chose dont je suis certaine, c'est qu'éviter les produits raffinés et consommer des produits bio et de saison profite à tous !
Quels sont tes ingrédients préférés ? Tes marques préférées ?
Je consomme quasi exclusivement des produits bio. J'aurais du mal à me passer des laits végétaux (avoine, amande, soja), des purées d'oléagineux, des fruits secs (amandes, noix, noix de cajou, etc.), des farines autres que celle de blé (épeautre, riz, sarrasin), de certains produits japonais (miso, algue nori), de chocolat très noir et de certains produits spécifiques comme l'huile de coco, le tartare d'algues… Récemment, j'ai découvert les produits indiens Beendhi. Je suis fan de leurs bouillons ultra parfumés, de leur riz à la noix de coco et de leurs bases pour curry aux lentilles corail et aux épices. Pour le reste, en choisissant des produits chez Markal, Celnat ou Tossolia, je suis certaine de ne pas me tromper…
Quel est ton lifestyle ? Une passion pour le yoga ?
Zen attitude. J'ai la chance de travailler à la maison, à mon rythme. Je privilégie la qualité à la quantité : prendre le temps de souffler, d'apprécier les trajets maison-école et les moments partagés avec ma fille de 7 ans… Je vis dans un village situé en altitude, sur les hauteurs de Grenoble, ce qui me permet de m'échapper régulièrement pour faire une heure de footing ou de marche en pleine nature. Je pratique le yoga depuis plusieurs années, mais je suis particulièrement attentive à la qualité de ma pratique depuis que j'ai découvert le yoga vinyasa il y a un an de cela. J'adore ce yoga dynamique, tonique et exigeant en termes d'alignement.
Pour toi, cuisiner rime avec ?
S'amuser, équilibrer, bien manger. C'est à la fois le plaisir d'imaginer, de passer à la pratique et de déguster le fruit de ses efforts. Chaque étape procure du plaisir. Imaginer, c'est laisser parler l'univers des possibles. Mettre la main à la pâte, c'est passer un moment rien qu'à soi : on peut laisser aller ses pensées en cuisinant, surtout lorsque les recettes sont simples et nécessitent peu de temps de cerveau disponible… Et puis déguster, c'est évidemment la cerise sur le gâteau !
Parle-nous de ton nouveau livre, Veggie bowls…
C'est un anti-livre de chef ! On ne s'embête pas avec le menu, la présentation ni les bonnes manières : il s'agit juste de se faire plaisir en réunissant dans un bol des préparations gourmandes et équilibrées, sans aucune autre contrainte que celle de se faire plaisir en mode végétarien. On a même le droit de déguster tout cela à la petite cuillère, blottie au fin fond du canapé ! Ce livre est aussi l'occasion pour moi de présenter une cuisine végétarienne simple et sans chichis, celle qui est la mienne en ce moment.
Rappelle-nous les quelques règles pour équilibrer un veggie bowl.
L'idée, c'est de respecter la complémentarité céréales/légumineuses, sans oublier une bonne dose de légumes de saison crus et cuits. Une portion de céréales, une portion de légumineuses, le double de légumes cuits, un peu de crudités et une sauce pour lier le tout et apporter une touche gourmande, c'est la combinaison idéale.
La nourriture "doudou", c’est important pour toi ? Le lien avec les émotions ?
Oui. L'alimentation peut et doit apporter du bien-être. On mange en moyenne trois fois par jour, et si ça peut être source de joie à chaque fois, pourquoi s'en priver ? Personnellement, prendre le temps de me préparer quelque chose de simple mais qui correspond à mon envie du moment m'apporte du bonheur. C'est toujours réconfortant de prendre soin de soi. La nourriture est un vecteur formidable d'émotions positives, qu'il s'agisse de se reconnecter à des souvenirs d'enfance, de vacances, de se faire plaisir ou de contenter quelqu'un d'autre en choisissant une recette plutôt qu'une autre.
Comment t’approvisionnes-tu ?
En magasin bio à 100 %. Mais j'adore aller sur les petits marchés de producteurs lorsque je bouge le week-end, c'est un de mes plaisirs !
Tu es maman, quelle est ta vision de l’alimentation de l’enfant ? Cela a changé les choses pour toi ?
Quand j'étais enceinte de ma fille, j'ai fantasmé toutes les choses que j'allais pouvoir cuisiner pour elle : de bons petits plats pour lui faire découvrir toutes les saveurs du monde, des goûters comme chez grand-maman pour le retour de l'école… Et puis j'ai rapidement compris que ça ne se passerait pas comme ça, parce que ma fille n'a pas les mêmes goûts que moi et que, comme la plupart des enfants, elle préfère ce qui est simple, nature, et pas trop la nouveauté ! Cuisiner pour elle me ramène à la réalité, ce qui est salvateur quand je pars dans des délires culinaires au-delà du réel…
Comment se (re)mettre en cuisine sans y passer des heures ?
Il faut prendre le temps de s'organiser. Certes, ça oblige à se poser 1 heure par semaine avec un papier et un stylo pour noter des idées de repas et une liste de courses à faire, mais ensuite tout va rouler de manière beaucoup plus fluide. L'idée, c'est de placer la barre le plus bas possible et de fonctionner autour de plats uniques lambdas : soupes, salades, crumbles, tartes salées, curry de légumes… Le reste viendra ensuite !
Pour toi, il y a bio "industrielle" et bio "artisanale", ou une seule bio ?
Il y a plusieurs manières de fabriquer des produits bio mais, au final, il y a une certification en laquelle on peut avoir confiance quoi qu'il arrive. Pour le reste, si les produits que l'on consomme ne sont pas bruts, il faut apprendre à lire les étiquettes et à laisser de côté les compositions qui ne nous conviennent pas. La distinction "industriel"/"artisanal" ne me satisfait pas, car certains industriels du bio travaillent à grande échelle de manière aussi simple et sérieuse que les artisans, avec la qualité et la traçabilité en plus.
Donne-nous tes trois adresses préférées ?
- Un coiffeur bio : OeB, rue de Turenne à Grenoble. Aurore et Bénédicte ont créé leur salon il y a bientôt quatre ans et il y règne une atmosphère cosy et détendue, on s'y sent super bien ! Les colorations sont végétales, les coupes énergétiques, et le shampooing vire toujours au massage… C'est un pur bonheur d'aller chez le coiffeur.
- Un resto locavore : Chez Nous, place Championnet à Grenoble. Trois plats qui changent tous les jours, dont un plat végétarien. La cuisine est ultra fraîche, goûteuse et colorée. Les produits sont au maximum locaux, bio et de saison.
- Un lieu parisien découvert tout récemment : Wild and the Moon, rue Charlot à Paris. Cet endroit réunit toutes les tendances culinaires healthy du moment, et je dois dire que je m'y suis régalée. Très axé sur le cru, les jus, les petits plats sans gluten et les boissons gourmandes au chocolat cru, et sur l'huile de coco. On y déguste de délicieuses chips de kale et un super granola que l'on peut emporter.
Si tu partais sur une île déserte, ce serait avec quelle recette ?
La meilleure méthode pour tirer le meilleur d'une noix de coco ! Sans rire, les produits à base de coco ont envahi ma cuisine ces dernières années : entre l'huile, le lait, la crème et les copeaux que j'ajoute un peu partout, je suis comblée !
Depuis dix ans, comment as-tu vu évoluer les choses dans l'alimentation healthy ?
J'ai vu les gens découvrir les produits bio, apprendre à décoder les ovnis "bio-bizarres" comme l'agar-agar ou le tofu, apprivoiser les purées d'oléagineux et les laits végétaux au quotidien, puis se passionner pour la cuisine vegan, crue et sans gluten. La cuisine bio s'est réellement démocratisée et je suis la première à m'en réjouir ! Cela va de pair avec une prise de conscience globale au niveau écologique, que reflète le succès du film Demain, par exemple. Je pense qu'il est important de poursuivre le mouvement de vulgarisation sans aller trop loin dans les cuisines "sous contraintes" (le "sans" ci ou ça) afin de toucher le maximum de personnes.