Difficile de savoir qui a tord et qui a raison tant les arguments des uns et des autres s’opposent de façon convaincante. Lorsque les adeptes du barefoot running (comprenez de la course à pieds nus) s’appuient sur une étude scientifique qui démontre les bienfaits de cette forme de course, les opposants soulignent que ce n’est pas du tout ce qu’elle cherchait à démontrer. Lorsque les anti-barefoot running critiquent l’absence de protection des pieds, les pro répliquent que cela permet de vivre des sensations uniques.
« Les coureurs pieds nus ont toujours le sourire », assurent ainsi les pro-barefoot running. Mais le plus souvent, ils font aussi sourire les passants. Quelle drôle d’idée de courir pieds nus lorsque des chaussures hyper sophistiquées existent ! C’est justement ce contre quoi se battent en premier les barefoot runners. Les chaussures à la technologie pointue ne seraient pas les plus performantes : elles coupent le coureur du sol et lui font faire de mauvais gestes, ce qui augmente les risques de douleurs et de blessures, assurent les défenseurs du barefoot running. Les anti-barefoot runners répliquent que rien ne prouvent que courir pieds nus ne soit pas aussi source de blessures.
Une chose est sûre, la position du coureur en chaussures et du coureur pieds nus est différente. Les coureurs en chaussures attaquent le poser du pied par le talon lorsque les barefoot runners posent d’abord l’avant du pied. Une technique qui change toute la posture du coureur, éviterait les blessures (entorse, tendinite…) et fait travailler les muscles de façon très différente. Mais aucune étude scientifique ne vient confirmer ou infirmer que cela est bon pour la santé. D’ailleurs, il n’y a pas de caution médicale officielle à la pratique de la course à pied pieds nus.
Quelques coureurs professionnels se sont fait remarquer dans le passé pour avoir couru pieds nus, comme Abebe Bikila, ancien détenteur du record du monde de marathon aux Jeux olympiques et Zola Budd, ancienne détentrice du record du monde de l'épreuve du 5000 mètres féminin. Mais au quotidien, la course à pied pieds nus est encore réservée à un public confidentiel. A New York, la New York City Barefoot Run réunit quelques centaines d’adeptes, dont une grande partie court en réalité avec des chaussures minimalistes.
Reste l’idée, incontestable, qu’en courant pieds nus, on est plus proche de la nature. Plus attentif à là on l’on pose le pied, mais aussi aux sensations que procure la course et plus à l’écoute de son corps. Un retour aux sources tout à fait d’actualité alors que la simplicité est une valeur de plus en plus recherchée.
Le barefoot running en pratique…
Cette forme de course semble attirer plutôt les hommes, et presqu’uniquement des bons coureurs. Deux écoles existent : ceux qui ne courent que pieds nus et ceux qui intègrent la course barefoot dans un programme d’entraînement plus large. Les objectifs sont différents, mais la technique est la même.
Pour ceux et celles qui voudraient se lancer dans cette aventure, une qualité est indispensable : la patience. L’apprentissage de la course pieds nus est en effet très long. Les habitués conseillent de ne pas courir plus que cinq minutes lors des premiers entraînements ! L’augmentation de la durée de la course pieds nus doit être très progressive, car le pied et surtout la peau, doivent s’habituer aux nouvelles sensations. Hypersensible, la peau du pied est en effet soudainement très sollicitée.
En dehors de cette sensation particulière, toute douleur doit être prise en considération avec attention. Elle doit donner lieu à un examen minutieux du pied, et si elle persiste à un arrêt de la séance. Par ailleurs, il n'est pas rare de ressentir des courbatures inhabituelles les lendemains de sorties pieds nus. Cela est dû au fait que les informations nouvelles envoyées aux muscles impliqués dans la course sont exacerbées. Les premiers temps, l'efficacité de l'amorti naturel de la foulée et du capiton plantaire ne remplace qu'imparfaitement les semelles des chaussures.
D’après les barefoot runners, le pied serait serait le premier gagnant de la course pieds nus : absence d'ampoules, de frottements et d’hématomes dus aux chaussures, disparition des ongles noirs, dus au fait que l’ongle vient buter au fond de la chaussure, réduction des causes de déformations des pieds (hallus valgus, oignons, œil de perdrix, etc.)… Des avantages qui supplanteraient les risques de blessures avec les cailloux ou autres petits fragments.
Le compromis des chaussures minimalistes
Moins radicale que la course pieds nus, la course avec des chaussures minimalistes émerge comme autre tendance de fond. Il s’agit là aussi d’éviter les pesanteurs des chaussures trop sophistiquées, mais cette forme de course présente l’avantage de protéger le pied des petits cailloux et autres tessons de bouteille. La semelle étant très fine, le coureur développe la même technique de course que le barefoot runner : la pose du pied par l’avant et non l’attaque par le talon.
De nombreuses marques proposent des chaussures minimalistes. Il existe aussi bien des chaussures à semelle fine que des chaussures à doigts, comme les Vibram FiveFingers, une marque italienne qui connait un franc succès aux Etats-Unis.
Ce compromis est porté par les lecteurs du livre Born to run, où l’auteur raconte sa rencontre avec les indiens Tarahumara au Mexique. Ces indiens courent depuis des siècles avec des chaussures très légères (en fait, des semelles attachées au pied) et ont développé une technique de course « parfaite ». On n’en demande pas tant, mais pourquoi ne pas essayer ?