Qu’est-ce que la beauté engagée ?
C’est une beauté qui s’appuie sur la santé, l’éthique environnementale et la qualité. Par santé, j’entends une formulation avec 100% d'ingrédients naturels, sans dérivés pétrochimiques ou conservateurs chimiques notamment. L’éthique environnementale, c’est refuser les produits qui ont un impact négatif sur l’environnement (comme les dérivés d'huile de palme), et pas seulement sur la santé. Enfin, la qualité, c’est non seulement choisir des produits bio et naturels, mais aussi proposer des formules qui ne contiennent pas d’ingrédients inutiles dont le seul intérêt est de réduire le coût de fabrication.
Chez oOlution, vous intégrez aussi la question de l’éco-conception dans votre démarche…
Je pense qu’il est important de réfléchir à tout le cycle de vie du produit. Ce n’est pas que la formulation ou la production qui a un impact sur l’environnement. Cela va du packaging au transport, en passant par l’approvisionnement et la gestion des déchets. Par exemple, je pensais à l’origine choisir des conteneurs en verre. Mais après une étude d’impact, j’ai découvert que des emballages plastiques sans aucun composant en métal auraient un meilleur taux de recyclage ! Au 21ème siècle, c’est difficile de rester dans le superficiel, un entrepreneur engagé doit avoir une démarche poussée et holistique. Avant le lancement de ma marque, il y a eu trois ans de développement. Les deux plus grands postes de dépenses ont été la R&D et l’écoconception. Nous n’avons pas du tout investi dans le marketing !
Vous êtes vent debout contre la notion d’actif miracle. Pourquoi ?
Comment peut-on croire qu’il peut exister un ingrédient parfait ? Chaque plante a ses atouts, mais elle a aussi ses manques. Elle peut être très riche en une certaine vitamine mais contenir très peu d’une autre. Il est donc beaucoup plus intéressant de compiler plusieurs ingrédients actifs dans une synergie pour combiner les atouts de chacun. Plus il y a de variété, plus il y a de chance que la peau trouve ce dont elle a besoin.
De plus, si l’on mise tout sur un actif miracle, il peut y avoir un effet mode qui amène à une pression sur la production. La recherche d’économie d’échelle a primé sur la diversité, avec des conséquences environnementales et sociales désastreuses. Pensez à l’huile de palme par exemple.
Comment avec-vous eu l’intuition de réfléchir de cette manière à la formulation de vos cosmétiques ?
J’ai eu cette idée en écoutant ce qui se disait en alimentation. Nous avons tous des besoins différents, du coup, plus on varie le contenu de nos assiettes, plus il y a de chance que l’on couvre nos besoins quotidiens. C’est un principe de base dans la nature ! Regardez l’agriculture biologique. Ce n’est pas tant une agriculture du « sans » (sans pesticides, sans engrais chimiques…) qu’une agriculture qui s’appuie sur la diversité des cultures et la biodiversité de la flore et de la faune. Les parcelles sont plus petites et plus variées, tandis que la réintégration de haies dans le paysage permet le retour d’animaux qui rééquilibrent les rôles de prédateurs et participent à protéger les cultures. Partout, la diversité est bien plus forte que l’uniformité : elle permet la résilience.
On pourrait croire que s’intéresser à la cosmétique bio est égoïste, puisqu’il s’agit de se faire du bien, de se chouchouter. Vous affirmez que ce n’est pas le cas…
Je défends totalement l’idée que choisir la cosmétique bio et naturelle, c’est faire un geste pour soi et pour la planète. C’est bénéfique pour tous ! Se faire du bien, c’est agréable, mais si en plus, j’ai un impact positif sur la planète, en refusant de participer à la déforestation ou en n’entretenant pas l’industrie de la pétrochimie et de ses dérivés, on a tout gagné.
Le greenwashing, très présent en cosmétique, vous attriste. Comment être une consommatrice avertie ?
Contrairement à la règlementation bio, la mention du pourcentage d’ingrédients d’origine naturelle n’est pas obligatoire en cosmétique conventionnelle. A partir de là, les marques non-bio n’hésitent pas à jouer sur le packaging et le marketing, usant et abusant de la couleur verte ou des visuels de plantes ou de nature, et à jouer sur les mots : « à l’extrait de telle ou telle plante bio » ne veut absolument pas dire que la formule est bio ! Si vous ne savez pas décrypter la liste INCI [liste des ingrédients, obligatoire sur tous les cosmétiques – NDLR], n’hésitez pas à demander le pourcentage d’ingrédients d’origine naturelle. Pour moi, à moins de 95% [exigence du cahier des charges de la bio – NDLR], une formule n’est pas naturelle.
Cela fait maintenant huit ans que vous vous êtes lancée dans l’entreprenariat. Quel bilan tirez-vous de cette expérience ?
Lorsque j’ai quitté le groupe de cosmétiques où je travaillais, j’ai hésité à m’engager dans une ONG pour aller sur le terrain participer à la protection de l’environnement. Finalement, j’ai choisi l’entreprenariat car c’était aussi une manière de passer à l’action pour apporter ma pierre à l’édifice. Il y a beaucoup de choses à changer dans le monde de la cosmétique !
J'ai vraiment eu une immense joie à créer oOlution pour contribuer à un monde meilleur, joie que j'ai à cœur de transmettre à tous ! Et puis, c’est très gratifiant de mettre en œuvre ses convictions et ses rêves. Lorsque je me suis lancée, la cosmétique sans huile de palme n’existait pas. J’ai pu prouver que c’était faisable ! Cette aventure m’a aussi permis de rencontrer des gens formidables et passionnés, ça n’a pas de prix. En fait, fonder et faire vivre oOlution est une manière de m’exprimer et de canaliser mon enthousiasme sur des causes qui me tiennent à cœur.
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Pourquoi deux « o » à oOlution ?
En fait, les deux « O », c’est une version stylisée du signe de l’infini ! Je me suis inspirée de la nature : c’est un système fermé et infini, sans déchet. C’est cet idéal que je poursuis dans mon action d’entreprenariat.
Pour aller plus loin : oolution.com