Comment garantir que nous ne revivrons pas une telle situation dans les prochaines années ? Est-ce raisonnable de se projeter dans un avenir sans remettre en cause notre système économique ? Selon l'auteur spécialiste dans la défense des animaux et de l'environnement Guillaume Corpard, il est grand temps de repenser l'activité humaine et sa consommation, au risque de revivre une expérience similaire dans les prochaines années.
FemininBio : Guillaume, vous êtes défenseur de la cause animale, humaine et environnementale. Comment percevez-vous cette pandémie ?
Guillaume Corpard : C’est encore très flou, tant au sujet de l’origine de son apparition, que de la gestion de la crise sanitaire. Peu importe, finalement. Nous assistons maintenant à un arrêt brutal de nos habitudes. De quelles habitudes je parle ? Cette course à la consommation, ce stress, cet oubli quasi permanent de nous-mêmes, cet oubli des autres… Les animaux, les écosystèmes, les êtres humains : qui s’en soucie réellement ? Ce moment de pause forcée est incroyable, il peut même être vu comme une opportunité formidable. Cela dit, nous ne sommes pas au bout de nos surprises : le jeu de dominos ne fait peut-être que commencer. Où en serons-nous d’ici quelques mois, sur un plan économique, social, écologique ? Nul ne le sait. Cette crise, dont on ne connait pas les origines véritables, peut nous emmener très loin. N’oublions pas que nous évoluons dans le cadre d’un effondrement systémique. Or je pense que cette crise n’est qu’une petite répétition – très confortable – de ce que nous risquons de vivre dans les prochaines années.
Certains accueillent cette crise sanitaire comme un appel à ralentir la production et l'activité humaine. Qu'en pensez-vous ?
Je pense qu’il serait intelligent de remettre en question dès à présent nos habitudes de consommation, notre façon de laisser notre mental nous mener par le bout du nez, et notre attitude vis-à-vis des autres. Quand je dis les autres, c’est tous les autres : les animaux, les humains, et la planète dans sa globalité. Ce temps de confinement est exceptionnel : c’est un grand coup de frein pour des milliards d’êtres humains. Nous avons les nerfs à fleur de peau : c’est donc le moment d’apprendre à méditer, à se sonder intérieurement, à cultiver la compassion, l’amour, l’altruisme. Et si nous regardions notre vie ? Est-elle remplie de sens ? Notre chemin est-il juste ? Avons-nous pris en considération la souffrance des autres ? Sommes-nous en adéquation avec nos valeurs profondes ? Le moment est à la pause, tant extérieure qu’intérieure.
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Sur un plan écologique, c’est formidable : il y a moins de pollutions, les animaux se rapprochent des maisons, des jardins, des ports, comme les dauphins. Aurons-nous envie de prolonger cet instant de paix, ou repartirons-nous de plus belle après le confinement, vers une consommation débridée, une vitesse folle et destructrice, emportant nos vies et celles des autres ? Le temps des choix profonds est arrivé. Et pour cela, il ne faut pas compter sur ceux qui dirigent la planète aujourd’hui, je veux dire les multinationales et la haute finance.
Que faire concernant la façon de traiter notre planète et plus particulièrement le marché animal ?
Au-delà de la question du mal-être animal et de la destruction de l’environnement qui me tient tant à cœur, au-delà également de notre santé déplorable, causée en partie par une alimentation inappropriée, je tiens à rappeler que nous détruisons les espaces naturels, en particulier les forêts. Cette destruction systématique ne peut provoquer qu’un nombre grandissant de nouveaux virus : les animaux sauvages n’ont plus d’endroits pour vivre tranquillement. La majorité des zoonoses (les maladies qui se transmettent entre humains et autres animaux) trouvent leur origine chez les animaux sauvages. Les chauves-souris sont souvent des « espèces-réservoir » : c’est le cas pour les virus Ebola et Nipah ou encore pour les coronavirus.
Rappelons aussi que nos élevages intensifs sont de véritables marmites à pathogènes. L’antibiorésistance est une calamité (73 % des produits antimicrobiens dans le monde sont destinés aux animaux d’élevage, tandis que 38 % des antibiotiques en France sont utilisés dans les élevages). Pour les virus, c’est la même chose. Les élevages sont de parfaits incubateurs pour de nouvelles souches virales. Entasser et massacrer ainsi les animaux se paye cher : c’est d’une logique implacable.
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Connaissez-vous beaucoup de pandémies causées par notre consommation de brocolis et de choux-fleurs ? Selon l’OMS, 60% des maladies infectieuses humaines sont d’origine animale et représentent chaque année 2,5 milliards de cas dans le monde. On estime même que 75 % des maladies animales émergentes peuvent contaminer les êtres humains.*
Il est temps de se dire que nous pouvons arrêter de manger les animaux, non ?
Quelle attitude devons-nous adopter face à cette crise ? Individuellement et collectivement ?
Je propose que l’on change de logiciel. La guerre ne doit pas être tournée contre un virus qui fait son travail. Car rappelons que le Covid-19 n’est qu’une conséquence humaine à bien des niveaux, sans compter que nos pollutions de l’air et nos maladies modernes sont souvent les vraies raisons qui nous poussent à la tombe. Nous devons tourner notre attention vers l’intérieur. Qui sommes-nous ? Que pensons-nous ? Que mangeons-nous ? Que voulons-nous ? Pourquoi sommes-nous des malades chroniques, des êtres insatisfaits et frustrés, souvent proches du burn out ? Pourquoi laissons-nous encore ce libéralisme mondialisé exploiter les animaux, les êtres humains et la planète pour obtenir un profit à court terme, qui reviendra seulement à une poignée d’individus ? J’ai proposé ma conférence « Un Cri pour la Terre » en live dimanche dernier (le 19 avril), et elle semble avoir touché des milliers de personnes. Nous sommes débordés de messages nous indiquant que des familles entières veulent changer leur comportement.
L’époque est au changement. Éveillons-nous dans l’amour, dans l’entraide, dans la bienveillance et l’altruisme. Pour les animaux, les êtres humains et la Planète. Car tout est lié. Notre révolution devrait être spirituelle : c’est à mes yeux une étape essentielle pour nous sauver aujourd’hui. Nous mettre à la place des autres, ne pas agir ou consommer avec indifférence pour autrui...
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Einstein disait : « Le monde ne sera pas détruit pas ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire ». C’est le moment ! L’humanité a rendez-vous avec elle-même, maintenant ! Et l’humanité, c’est chacun de nous. Nous avons un grand pouvoir car tous les êtres sont interdépendants. Ceci nous indique que nous pouvons nous influencer les un.e.s les autres assez facilement, et d’ailleurs internet est formidable pour cela. J’en parle beaucoup dans mon livre Un cri pour la Terre. J’en parle aussi trois fois par semaine, lors de rendez-vous LIVE sur ma page Facebook. À cette occasion, je propose une initiation à la méditation. C’est libre et gratuit. Ce groupe a un franc succès car c’est la période qui veut cela : les gens souhaitent du sens, de la paix. Or la paix se construit à l’intérieur. Il est nécessaire pour cela de comprendre comment fonctionnent notre esprit, nos pensées, nos émotions. Ensuite, il est beaucoup plus simple de faire de vrais choix dans la vie. Aujourd’hui j’ai confiance en l’être humain, à une condition : s’il suit son cœur. Car le cœur connaît le chemin.
* Source : centre d’études et de prospective - n°66 janvier 2014 – Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
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Guillaume Corpard est l'auteur du livre Un cri pour la Terre paru aux éditions Parhélie. Il est également le président de l'association Happy Earth Now.
Son blog : Guillaumecorpard.com
Son Facebook : Guillaume Corpard Officiel