Prendre ses responsabilités face à la violence
La CNV peut aider à la gestion des conflits par la médiation, à la prévention par l’accès à une meilleure perception des enjeux dans la communication et à la protection des individus qui sont victimes d’actes de violence. Cette dernière n’est pas le fait d’un individu « mauvais », elle est la conséquence d’une succession d’interactions qui n’ont pas été régulées en prenant en compte l’ensemble des paramètres du système et les besoins de chaque individu. C’est pourquoi, à l’école, la CNV est particulièrement efficace quand élèves, parents, éducateurs, enseignants, se sentent concernés et prennent ensemble la responsabilité d’améliorer le climat de l’établissement. Avec le processus CNV, nous prenons conscience de notre responsabilité dans l’origine de la violence.
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Nous percevons combien nos modèles de pensées peuvent contribuer à créer un monde plus paisible ou pas. Nous percevons mieux aussi quelles sont les sources de production de la violence, qu’elle soit institutionnelle, symbolique, contre soi ou contre l’autre : violence du fort au faible, du « pouvoir sur » au lieu du « pouvoir avec », de l’humiliation, de la honte, de l’exclusion de l’autre différent ou trop semblable, du mépris… Avec la CNV, nous développons une approche intégrative, individualisée et universelle qui introduit les ingrédients d’une coéducation à la bientraitance, un apprentissage du « bien vivre ensemble » et une formation à l’esprit civique.
En groupe d’apprentissage, nous créons les conditions pour vivre un temps partagé unique grâce à des règles claires et approuvées par tous : principe d’équivalence et de respect absolu de l’expression et des émotions de l’autre (qui que ce soit) et un cadre où l’expression est soutenue par un tiers régulateur, sans jugement, sans punition ni récompense. Les conditions mises en place permettent de sortir de nos routines habituelles de pensées, notamment les clivages bien/mal, afin d’explorer la possibilité d’un « vivre ensemble » possible ou du moins une acceptation mutuelle sans exclusion.
Quand nous pratiquons la Communication Non Violente, nous choisissons de prendre le phénomène de la violence par l’angle de l’expression, qu’elle soit verbale ou corporelle. Nous développons la conscience que nos manières de penser et de parler sont des productions de siècles de formatage et nous opérons un renversement quand nous ajoutons de la conscience sur ce que nous pensons, disons et de notre idéologie, de nos représentations, de notre « carte du monde ». Nous réagissons téléguidés par des réflexes ancrés et archaïques qui visent à nous protéger, à dominer pour exister…
La représentation de la violence est vécue différemment selon les codes sociaux dans lesquels nous baignons. Notre société est de moins en moins tolérante à certains comportements, paroles, incivilités, qui sont qualifiés de violences. Par exemple, la violence éducative (la fessée et la punition), dont les effets délétères sur le développement du cerveau sont aujourd’hui bien étayés (1), est de plus en plus remise en cause comme méthode éducative. Cette position se retrouve dans les textes diffusés aux jeunes couples pour les soutenir dans leur rôle de parents (2).
La violence des institutions, des États, des communautés, des intérêts individuels ou de groupes s’impose à l’individu isolé. Ces violences sont souvent justifiées par des motifs supérieurs et des croyances d’autant plus difficiles à repérer qu’ils sont implicites. Pour cela aussi, nous aimons contribuer aux côtés d’autres acteurs à un mouvement d’émancipation de l’individu : équivalence de la parole de tous les individus, hommes et femmes, équivalence de traitement entre les personnes handicapées et les bien portants, etc., ainsi que le développement d’un esprit critique qui permet de garder une juste distance avec les idéologies, la publicité, etc.
Quelle place pour la CNV au service de l’éducation ?
Quelles aptitudes sont-elles développées avec la pratique de ce processus ? Quels sont les savoirs utiles pour outiller les citoyens de demain, acteurs d'un « être ensemble » basé sur la coopération et le respect mutuel afin de créer autour de soi un monde qui permette l'accueil des différences ? Quelles compétences diffuser auprès des adultes – parents, éducateurs, enseignants – afin de témoigner de bonnes pratiques comme autant de graines d’espoir et d’inspiration ?
Nous pouvons choisir de propager ce que nous voulons voir advenir. Avec la pratique de la CNV, nous prenons la responsabilité de revisiter nos comportements, nos mots, nos attitudes afin d’aller dans le sens de notre idéal de paix. Et nous faisons l’expérience que l’écoute empathique proposée par la CNV devient une révolution dans le sens d’un renversement de perspective sur bien des plans : oser parler de ses émotions, accueillir celles de l’autre, entrer dans une boucle vertueuse en regardant l’autre avec empathie. Avec la CNV, nous apprenons joyeusement à trouver des solutions qui prennent en compte l’autre et ses besoins.
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Inscrire la CNV dans la boîte à outils des enseignants, introduire la CNV par des tiers médiateurs, s’ouvrir à l’idée que le monde de l’éducation peut avoir besoin d’empathie pour soutenir les défis d’une école sereine et prévenir la production des violences (institutionnelles et l’insécurité sociale des familles qui rejaillit sur les enfants, etc.), voici autant de raisons de décrire la CNV comme un soutien à la parentalité et et à une éducation émancipatrice.
1. Dr Catherine Gueguen, Pour une enfance heureuse, Pocket, 2015.
2. Voir : http://www.caf.fr/sites/default/files/cnaf/Documents/DCom/Accueil/Actu/Le-livret-des-parents.pdf
Cet extrait est tiré du livre La communication non violente, c'est malin, de Geneviève Bouchez Wilson et Pascale Molho, éditions Leduc.s, 6 euros.