Il n'y a pas si longtemps, je pensais encore qu'un enfant ne pouvait apprendre que s'il était enseigné. Il n'y a pas si longtemps, je pensais encore qu'un enfant devait être poussé pour apprendre... Et puis, au fil de mes formations*, de mes rencontres et de mes lectures, est apparue l'idée que peut-être tout ceci n'était que fausse croyance.
Alors seulement, j'ai fait un petit retour en arrière sur ma propre vie et mes propres apprentissages. Comme à peu près tous les enfants, j'ai appris par moi-même et avec le soutien de ma famille à utiliser mon corps jusqu'à la marche, la course, le saut et l'escalade dans les arbres. Comme à peu près tous les enfants, j'ai pu acquérir et maîtriser la langue de mon pays en quelques années.
Et puis, comme quelques enfants, j'ai appris à lire avant le CP, parce qu'on me racontait beaucoup d'histoires à la maison et que l'on répondait à mes questions. Comme d'autres enfants, j'ai appris à avoir peur de l'orthographe et de la grammaire. J'ai appris à pleurer face à une liste de mots à recopier. J'ai appris à ressentir une terrible boule au ventre quand il fallait annoncer à mes parents une note en dictée...
Comme une poignée d'enfants, j'ai trouvé refuge dans les livres. Parce que penser différemment, ne pas suivre les modes et se poser des questions sur le monde, ce n'était vraiment pas très populaire auprès de mes camarades de classe... Comme une miette d'enfants, j'ai croisé la route d'un enseignant qui m'a juste montré, sans jugement, que l'on pouvait laisser libre cours à son imagination via l'écrit.
Comme d'autres adolescents peut-être, j'ai un jour ressenti le besoin de m'asseoir face à un écran, de poser mes doigts sur un clavier... Au fil de mon écriture, j'ai commencé à comprendre le fonctionnement de notre langue écrite. J'en ai saisi quelques nuances, j'ai approfondi seule certaines règles et cherché la réponse à de nombreuses questions dans des livres de grammaire ou en furetant dans un dictionnaire.
Afin de mieux décrire certaines scènes de mon histoire de fantasy, je me suis mise à l'escrime, me suis documentée sur un sujet puis sur un autre...
Deux ans plus tard, j'ai annoncé à mes parents, particulièrement surpris, l'écriture de mon premier roman. J'avais 17 ans. Pendant ces longs temps de travail intense, ils pensaient que je jouais sur l'ordinateur mais, parce qu'ils me faisaient confiance, ils n'ont jamais émis d'objection.
Et s'ils étaient partis du principe qu'un enfant/adolescent est naturellement feignant et doit être encadré, surveillé ? Aurais-je pu évoluer ainsi dans ma maîtrise de la langue française et dans ma vision du monde ? Aurais-je eu la chance de pratiquer l'escrime ? Aurais-je découvert quelques années plus tard le fonctionnement d'un blog ? Enfin, aurais-je connu le monde de l'édition ?
Aujourd'hui, quand je fais la somme de mes connaissances et de mes compétences, je dois bien admettre que bien peu sont dues à un enseignement direct de type scolaire. Aussi vais-je me permettre de revisiter un peu la célèbre citation : « Donne une connaissance à un enfant, tu nourris son intellect pour un jour, apprends-lui à chercher les informations par lui-même, il s'instruira pour toujours. ».
* licence de sciences du langage, master recherche en psychologie cognitive, diplôme paramédical, formations en lien avec le neurodéveloppement et le fonctionnement de pensée de l'être humain.
Jeanne Sélène est une auteur de romans de fantasy. Elle vient de sortir une trilogie "Balade avec les astres" en auto édition. Suivez Jeanne Sélène sur blog.