Dans le Banquet de Platon, Socrate relate les paroles de sa femme Diotima : l’amour est toujours une affaire de désir et de manque. De fait, dans nos relations amoureuses, nous sommes sujets à de nombreuses peurs.
Nos craintes évoluent dans le temps car en se développant, la relation amoureuse nous confronte à de nouveaux enjeux. S’il est naturel d’avoir des peurs en amour, il est douloureux de se laisser dominer par elles. La mission de toute relation de couple est de permettre à chaque partenaire de trouver sa juste place en répondant sainement à ses besoins. C’est toute une aventure ! Voici quelques clefs pour cheminer au mieux en éclairant certaines peurs souterraines qui limitent la vie du couple.
Le désir de fusion et la peur de perdre
L’homme et la femme vivent sur la même planète Terre, dans la même recherche d’un lien profond avec l’autre. Chacun est animé par un besoin d’attachement qu’Helen Fisher, célèbre anthropologue canadienne, décrit comme le désir le plus complexe et le plus éloquent de l’humanité. Lorsque nous tombons amoureux, nous cherchons à ne faire plus qu’un : c’est la fusion amoureuse.
Charlène, une femme de 34 ans, se souvient : "Lorsque j’ai rencontré mon mari, je l’ai perçu comme un chevalier qui allait me défendre et me protéger. C’était mon âme sœur". Ce besoin d’attachement est imprégné dans le développement précoce du cerveau. Il répond à la nécessité vitale pour l’enfant d’être lié à ses parents. Lorsqu’un des besoins de l’enfant n’est ni entendu, ni comblé, il le vit comme un désaveu et un manque d’amour. Les personnes dont nous tombons amoureux ressemblent à nos figures parentales et nous avons tendance à rejouer avec elles les expériences nourrissantes ou blessantes de l’enfance.
Charlène ajoute : "Très rapidement, j’ai eu peur de perdre son amour. J’interprétais ses mots ou le moindre de ses comportements comme une preuve de son amour ou de son désintérêt. Cette situation me faisait souffrir et j’avais l’impression de ne plus pouvoir profiter sereinement de ma relation. Je revivais mes émotions d’enfant face à un père trop souvent absent". La blessure refoulée d’un manque d’amour ou de reconnaissance dans l’enfance peut devenir le terreau d’une peur incessante de perdre l’autre et/ou son amour. Tant que l’illusion consistant à croire que l’autre peut nous guérir de nos manques persiste, cette peur reste tenace.
1ère clef : J’assume l’entière responsabilité de mes blessures.
La désillusion et la peur de se tromper
Après deux ou trois ans de vie commune, l’euphorie des débuts s’estompe. Les masques tombent. C’est la phase délicate des inévitables luttes de pouvoir. Par exemple, cette femme que l’on appréciait pour sa tendresse devient étouffante. Cet homme que l’on admirait pour son sens des responsabilités devient distant. Les reproches fusent…
Cette phase fait parfois naître une profonde déception et une peur sourde, celle de se tromper, de faire fausse route. A ce stade, les différences de besoins et de désirs chez l’autre sont difficilement supportables. De nombreuses relations ne franchissent pas ce cap.
L’amour durable entre deux personnes nécessite de faire le deuil de ce que l’on n’a pas reçu enfant. La peur c’est l’enfant en nous qui panique. Il est essentiel de rassurer l’enfant en soi et d’avoir confiance en la relation. Si l’autre ne peut pas nous guérir, la relation peut par contre devenir un espace d’expression et de partage soutenant et réconfortant.
2ème clef : Je lâche mes exigences sur l’autre.
L’intimité et la peur d’être jugé et rejeté
Être amoureux ne signifie pas qu’on va construire un amour authentique, ni une réelle intimité. Un amour intime se construit dans l’expression de ses émotions et de ses besoins, l’écoute, le soutien mutuel, le respect des différences, la tendresse, l’amitié et l’admiration. Hervé, en couple depuis 20 ans, déclare : "Vivre en couple, c’est un travail à plein temps. Si vous ne vous y consacrez pas sérieusement, le lien s’effiloche de manière pernicieuse. Je l‘ai vécu avec ma première épouse. Nous vivions juste côte à côte sans aucun échange."
30% des couples vivent un divorce secret, c’est à dire une relation de couple dévitalisée mais qui, de l’extérieur, fait bonne figure. La peur d’être jugé et rejeté est souvent la cause de cet échec relationnel. L’amour authentique nécessite d’accepter de se confronter l’un à l’autre et de se départir de ses jugements pour créer une relation épanouissante.
Certains d’entre nous ne réussissent pas à vivre en couple parce qu’ils se dissimulent par peur d’être jugé et rejeté ou parce que, à l’inverse, ils cultivent d’incessants reproches qui abiment le lien et l’échange, source d’intimité et d’engagement.
3ème clef : J’exprime quotidiennement mes émotions, mes désirs et mes besoins pour me dire et me reconnaître dans la relation.
Comme le souligne le psychosociologue Jacques Salomé, dans toute relation nous sommes trois : il y a l’autre, moi et la relation. L’amour authentique est une vertu qui consiste à investir du temps, de la patience et de la bienveillance non pas pour l’autre mais pour la relation. La relation devient alors un espace de jeu où chaque je existe pleinement et s’exprime librement.
Les auteurs : Marie-France et Emmanuel Ballet de Coquereaumont sont psychopraticiens d’inspiration jungienne, spécialistes renommés de l’enfant intérieur, créateurs en 1990 des groupes et de la Méthode Cœur d’enfant®, formateurs, conférenciers et auteurs de S’ouvrir à son cœur d’enfant (Seuil), de Libérez votre enfant intérieur (Albin Michel), du CD de pratiques Se réconcilier avec son enfant intérieur (Souffle d’or) et de J’arrête d’avoir peur (Eyrolles).