Cet article a été publié dans le magazine #36 septembre-octobre 2021
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Malgré nos facultés physiques à entendre l’autre, nous ne prêtons pas toujours notre pleine attention aux messages qui nous sont offerts. Savons-nous vraiment écouter, ou devons-nous apprendre à le faire de la bonne manière ?
La façon dont nous écoutons
Quel cadeau plus magnifique, aidant et bienveillant qu’une véritable écoute silencieuse ? En même temps, qu’y a-t-il de plus difficile ? Les pensées s’en mêlent et s’entremêlent dans un cocktail enivrant. Le désir d’intervenir, de couper la parole, de partager nos pensées, nos souvenirs, nos anecdotes ou nos avis personnels nous gagne. L’esprit se concentre sur les silences où nous pourrons enfin reprendre la parole. Attaqués par les innombrables jugements, opinions ou conseils qui tournent, impatients, dans notre bouche en attendant d’enfin pouvoir s’exprimer, nous oublions d’écouter.
Si vous vous retrouvez dans cette description, sachez que c’est normal, je m’y retrouve aussi. Il ne s’agit pas d’attendre d’être parfait pour écouter avec attention. Si seules les personnes dénuées de toute forme de pensées parasites pouvaient offrir leurs oreilles, il y aurait sur terre sept milliards d’humains parlant tout seuls.
Rencontrer l’autre dans l’écoute
Écouter pleinement, c’est déchiffrer les besoins cachés derrière chaque émotion ou sentiment. C’est être attentif aux limites auxquelles se heurtent les différents messages qu’offrent les mots. Écouter complètement, c’est rencontrer l’autre comme il est et s’offrir en retour tels que nous sommes. C’est accorder la possibilité de suivre son chemin, d’offrir le cadeau inestimable d’un espace d’authenticité véritable.
Ce n’est pas toujours facile, ou évident. Ce n’est pas toujours un plaisir ou un moment de communion. Il peut y avoir des jugements, de l’ennui ou de la colère. Parfois même il n’est simplement pas possible d’écouter vraiment.
Comprendre ses limites
Il est souvent difficile de poser ses limites et de se positionner. On demande aux enfants d’être " polis ", comme des pierres brutes auxquelles on enlèverait toutes les formes qui les rendaient si magnifiques. C’est pourquoi, adultes, nous confondons mensonge et politesse, gentillesse et sacrifice, demande et exigence.
Il en va de même pour l’écoute. Lorsqu’une personne s’exprime et que " l’écoutant " n’est pas disponible ou en état pour une écoute attentive à cet instant précis, il est plus facile de faire semblant plutôt que de partager ses besoins en repoussant la conversation à plus tard, à un moment où nous pourrons y accorder toute notre attention.
Cet état de pleine présence à l’autre n’est parfois simplement pas possible. L’esprit est ailleurs, il n’y a pas de disponibilité ou de volonté de créer du lien. Dans ces moments-là, il est important de s’écouter, d’entendre ses propres limites et besoins afin de les partager de manière claire et bienveillante.
Accoucher de sa vérité
Les écoutants sont " les sages-femmes de la pensée, ce sont les doulas des évidences oubliées ".
Il est délicieux pour l’égo de porter l’élégant masque du sauveur, de trouver une solution aux problèmes de l’autre, ou d’imposer mille et un conseils non sollicités. C’est notre besoin d’exister, d’être utile que l’on nourrit alors, et non la personne que l’on conseille.
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Un véritable écoutant essaye de se détacher de tout cela pour inviter son interlocuteur à plonger à l’intérieur de lui-même et accoucher de sa propre vérité. Il dispose pour cela de quelques outils.
Les outils de l’écoutant
Le silence
Laissez un temps de silence pour vous assurer que l’interlocuteur a eu l’espace pour partager tout ce qu’il avait à dire. Évitez de vous jeter telle une affamée sur le premier silence venu pour reprendre la parole et l’attention.
La posture
Montrez que vous êtes attentive par des hochements de tête ou autres signaux non verbaux. Ne faites rien d’autre en même temps, comme regarder votre téléphone, par exemple. Faites comprendre que vous écoutez, que vous ressentez son discours.
La reformulation
Reformuler ce que vous pensez avoir entendu a deux bénéfices : pousser la personne dans une réflexion plus profonde et vous assurer que vous avez bien compris ce qu’elle voulait vous dire. Cela peut être exprimé sous forme de questions.
Écouter vraiment l’autre, c’est offrir et accueillir un bouquet de vulnérabilités. Il ne s’agit pas d’une stratégie mise en place pour manipuler ou obtenir ce que l’on veut. C’est rencontrer, tisser du lien, accompagner l’autre en ne marchant ni devant ni derrière, mais juste à côté.
Le trésor de s’écouter soi‑même
Et si la clé résidait dans le fait de s’écouter soi-même, avec plus d’attention encore que n’importe qui d’autre ? Cette volonté pourrait facilement être montrée du doigt, et désignée comme de l’égoïsme ou de l’égocentrisme. Pourtant, c’est indispensable. Quand on ne s’écoute qu’avec une attention partielle, il est facile de confondre ses besoins profonds avec les stratégies mises en place pour les nourrir.
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Par exemple, quand je pense avoir " besoin d’un câlin ", je ne vois pas que le câlin est une stratégie mise en place par le besoin véritable qui peut être celui d’amour, d’intimité ou de sécurité émotionnelle. Alors je me concentre sur cette stratégie en la voyant comme l’unique moyen de remplir mon besoin. En prenant du recul et en identifiant le véritable besoin, je peux alors m’apercevoir qu’il existe une infinité de stratégies possibles permettant de répondre à ce besoin. Je m’offre alors l’opportunité de me détacher de mes différentes stratégies.
L’échange
" La discussion est, selon moi, plus puissante que n’importe quel grand discours. Nous tissons ensemble une œuvre d’art commune, nous allons chacun à l’intérieur de nous-mêmes pour nous ouvrir à l’autre. À l’origine, le latin discussor définit "celui qui scrute", c’est celui qui va à l’intérieur de son âme pour danser avec sa propre vérité, sans l’imposer aux autres, sans la considérer comme figée ou définitive, car la danse, c’est le mouvement qui chante. "
Dans cet extrait du roman Le diable est un mec bien, la discussion est mise en avant comme une façon non seulement de rencontrer l’autre, mais aussi de se rencontrer soi-même, de danser avec la vérité que l’on connaît déjà et d’accoucher de celle que l’on ignore encore.
Notre auteur
Thomas Piet est sonothérapeute et auteur. Son premier roman Le diable est un mec bien est paru aux éditions Kiwi en 2021.