Il n’est pas évident de s’extraire d'une situation d'emprise émotionnelle, qui amène à s’oublier totalement pour se soumettre aux volontés de son bourreau. Dans son livre, Se libérer de l’emprise émotionnelle, Sylvie Tenenbaum fait le point sur les relations toxiques et les manières de s'en sortir.
Selon une enquête de 2012 de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), un quart des Français, soit plus de 15 millions de personnes déclarait avoir « été personnellement contacté par une secte ou les membres d’une secte » et plus de 20% des Français, soit 1 sur 5 (près de 13 millions de personnes) connaît personnellement dans son « entourage familial, amical ou professionnel une ou plusieurs personnes qui ont été victimes de dérives sectaires ». Des chiffres qui font froid dans le dos et appellent à la vigilance.
Qu’est-ce que l’emprise émotionnelle ?
« L’emprise émotionnelle est une domination de l’esprit, de la volonté, de la morale et de l’intellect d’une personne par une autre, détaille Sylvie Tenenbaum, auteur du livre Se libérer de l’emprise émotionnelle (éditions Leduc S). Elle attaque les fondements de l’estime de soi. Elle peut surgir dans toute relation humaine, que ce soit au sein du couple, de la famille, à l’école, au travail, en politique, en religion, en médecine... Il s’agit d’une allégeance inconditionnelle d’une personne à une autre, obtenue par manipulation de la victime. » A cause de cette manipulation, il est difficile pour la victime de se rendre compre du cercle vicieux dans lequel elle glisse.
« Je dis souvent que l’emprise est une attaque du psychisme, et même une effraction psychique, souligne Sylvie Tenenbaum. Elle atteint le regard que l’on porte sur soi, notre capacité à nous écouter et, si elle est trop forte, coupe le contact entre soi et ses émotions ». La victime d’un prédateur manipulateur n’arrive ainsi plus à réfléchir par elle-même et à s’exprimer sur son ressenti. « Il est rare qu’il y ait rébellion », constate la spécialiste. Si la relation doit avoir une fin tragique, c’est « bien plus souvent un suicide de la victime qu’un assassinat du bourreau ».
Comment éviter la spirale infernale ?
Dans son livre, Sylvie Tenenbaum passe en revue les différents types d’emprise possibles : en famille, entre amis, au travail, au sein de structures religieuses ou politiques, à travers des sectes, dans le travail psychanalytique (les « dérapeutes ») ou le cadre médical, mais également le prédateur interne, cette petite voix mauvaise conseillère. Toutes ces formes d’emprise nourrissent les besoins du prédateur, qu’il s’agisse d’un petit manipulateur comme d’un grand psychopathe, qui a pour but « de nuire à la victime pour se sentir exister ».
Elle enchaîne avec la présentation des différentes typologies de prédateurs, illustrant ses propos d’exemples tirés du cinéma qui parleront à tous, et leurs techniques d’approche. Sylvie Tenenbaum déconstruit les ressorts de la manipulation pour aiguiser notre vigilance dans les situations glissantes. Il est en effet plus facile de partir avant que la pente soit trop glissante que de sortir d’une emprise bien ancrée. Du côté des victimes, il est difficile de dessiner un profil-type, mais certains comportements sont à risque : faire confiance trop rapidement et raconter sa vie, de rendre toujours disponible, se laisser dicter ses envies, confondre rêves et réalités… Autant de perches tendues que s’empressera d’attraper le manipulateur pour resserrer son étreinte.
Rester alerte pour soi-même et ses proches
Si une personne a un doute sur la situation d’un de ses proches, elle ne doit pas hésiter à la questionner, avec bienveillance. « On peut demander à la personne si elle se sent heureuse, l’assurer que l’on est là si elle a besoin de parler, conseille Sylvie Tenenbaum. Poser ces questions peut agir comme un déclic. La victime est généralement dans un état de sidération qui l’empêche de fuir, alors que c’est ce qu’elle aurait de mieux à faire ».
Dans tous les cas, il est difficile de s’en sortir seul. « Il faut être très fort pour résister, assure Sylvie Tenenbaum. La meilleure façon est de s’ouvrir à un tiers de confiance ». Chose qui n’est pas aisée, car le prédateur a tendance à chercher à isoler sa victime. « La victime doit apprendre à mentir à son prédateur, conseille la spécialiste. Idéalement, il faut qu’elle note ce qui est dit et fait dans un carnet à cacher de sa vue, pour avoir des arguments lorsqu’elle parviendra à s’ouvrir ».
La fuite est une solution, surtout si la vie de la victime est en jeu (tendance au suicide par exemple). Mais la reconstruction de l’estime de soi nécessitera un accompagnement psychologique : « la victime est en ruine intérieurement, elle a besoin de reconstruire un sentiment identitaire, ce qui peut prendre du temps.
Se libérer de l'emprise émotionnelle
Sylvie Tenenbaum
Editions Leduc S
17 euros