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Cancer du col de l’utérus et vaccin HPV

Mis à jour le 25 février 2021
L’arrivée en fanfare d’un vaccin contre le cancer du col de l’utérus masque bien des incertitudes à son sujet.

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Cancer du col de l’utérus

Sans attendre les recommandations des pouvoirs publics, le distributeur français (Sanofi Pasteur MSD) de l’entreprise américaine Merck & Co a décidé de commercialiser le Gardasil (1), un vaccin contre les papillomavirus humains (HPV). Ces derniers se transmettent notamment lors des rapports sexuels. Ce vaccin serait préventif contre les papillomavirus de type 16 et 18 et, à un moindre degré 31 et 33, responsables de lésions au départ bénignes, mais qui peuvent évoluer vers un cancer du col de l’utérus. Il protégerait également contre ceux de type 6 et 11 à l’origine de lésions de la peau ou des muqueuses de la bouche (gorge ou régions ano-génitales) sous forme de verrues, de papillomes ou de condylomes. Ces pathologies non cancéreuses sont parfois douloureuses, envahissantes et difficiles à traiter.
GlaxoSmithkline, une entreprise anglaise concurrente, prépare son propre vaccin, le Cervarix. Le marché mondial potentiel de ces produits est estimé à 3 milliards de dollars en 2009.
 

Les papillomavirus ?
 
Les papillomavirus humains (HPV) constituent une importante famille de virus. Il en existe plus de 60. Le plus souvent, le corps les élimine naturellement. Pourtant, pour environ 10 % des femmes ce n’est pas le cas. Le cancer invasif du col utérin met en moyenne 15 ans à se développer. Il est aussi influencé et favorisé par d’autres facteurs : des infections associées (Chlamydia tachromatis et Herpes simplex), le tabagisme, une contraception hormonale de plus de cinq ans et, récemment, des facteurs nutritionnels ont été évoqués (carence en vitamines B 6, B 12 et en folates). Chez les jeunes femmes, plus de 60 % des primo-infections à papillomavirus surviennent dans les cinq ans suivant les premiers rapports sexuels. Tout acte sexuel, avec ou sans pénétration, est associé à un risque d’infection, le préservatif ne protégeant pas totalement, car le virus se transmet aussi par les muqueuses.
 

Le vaccin
 
Le vaccin Gardasil, issu d’enveloppes de virus reconstitués en laboratoire, stimule le système immunitaire sans risque d’infection.
 
Il est constitué de particules pseudo-virales (une protéine de l’enveloppe du virus HPV, incapable de se répliquer). Son injection dans l’organisme permet la production d’anticorps. Deux essais cliniques ont été menés sur des femmes âgées de 15 à 25 ans. « Les résultats publiés dans le Lancet en 2006, explique le Dr Michel Janier, dermato-vénérologue et responsable du service MST (maladies sexuellement transmissibles) à l’hôpital Saint- Louis à Paris, montrent que le vaccin apporte une protection d’environ 4 à 5 ans contre deux virus HPV le 16 et le 18 à l’origine de 70 % des cancers. Les 30 % restant étant liés à une quinzaine d’autres, la protection n’est donc pas totale »(2). Les seuls effets secondaires remarqués ont été des réactions cutanées à l’injection et des périodes fébriles transitoires. Pour l’instant, la vaccination est déconseillée aux femmes enceintes. Les études se poursuivent sur celles âgées de 10 à 55 ans.

 
Les questions
 
Certains parlent déjà d’éradication du cancer du col grâce à ce vaccin. Pourtant, ces promesses sont à nuancer. « Deux ans de suivi, c’est totalement insuffisant pour connaître les effets secondaires à long terme, insiste Michel Georget, agrégé de biologie et auteur de Vaccinations : les vérités indésirables (3). Il suffit de se rappeler les effets secondaires tardifs du vaccin contre l’hépatite B. Pour l’instant, on manque totalement de recul pour se faire une idée du rapport bénéfices-risques. Par ailleurs, si l’on vaccine massivement contre certains types de HPV, ils vont devenir rares et les sérotypes les moins courants vont se développer. La nature a horreur du vide. »
 
Une autre question en suspens est la population concernée : les femmes de 15 à 25 ans. Les infections à HPV sont certes plus fréquentes chez les jeunes, mais en général transitoires. En revanche, chez les femmes de plus de 40 ans, elles sont moins communes et plus persistantes, ce qui augmente le risque d’un développement de cellules anormales.
 
Le Dr Michel Janier, de l’hôpital Saint-Louis exprime aussi des réserves : « On ne connaît pas aujourd’hui la durée de la protection conférée par le vaccin alors qu’on sait qu’une infection à HPV met entre dix et quinze ans à évoluer. L’intérêt scientifique est indéniable. Mettre au point à l’heure actuelle un vaccin efficace contre un virus n’est pas évident, mais son utilité en France est discutable et risque de ne concerner que les populations aisées qui ne sont pas obligatoirement celles qui en auraient le plus besoin. Par ailleurs, en Afrique, les cancers du col ne sont pas causés par les HPV 16 et 18 et ce vaccin n’y servira à rien. Or, 80 % des 500000 cas diagnostiqués chaque année dans le monde se trouvent dans les pays pauvres… Enfin, je suis scandalisé par la démarche de commercialisation du produit. On masque la dimension “maladie sexuellement transmissible” car cela n’est pas vendeur, pour ne parler que de cancer du col de l’utérus… Comment un parent pourrait-il discuter et refuser une telle protection pour sa fille… »
 
Reste en effet à convaincre la population de l’utilité de ce vaccin préventif pour les femmes de 9 à 26 ans. Et ce, alors que les familles hésitent beaucoup à vacciner enfants et adolescents contre les maladies sexuellement transmissibles par peur de les inciter à la « débauche ». 
 
Des études sont en cours afin de déterminer si ce vaccin pourra être utilisé sur l’homme. « Le pénis est un réservoir à papillomavirus, explique le Dr Michel Janier, et cela pourrait non seulement protéger les hommes des verrues génitales et de rares cancers, comme celui du pénis et de l’anus, mais on aurait aussi le bénéfice indirect de réduire la circulation du virus et de ne pas contaminer les partenaires, diminuant ainsi le risque de cancer du col. »
 

Recommandations des autorités sanitaires
 
L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), insiste fermement sur la nécessité de poursuivre le dépistage (frottis cervico-vaginal). « Il permet de soigner au plus tôt l’ensemble des lésions avant qu’elles n’entraînent un cancer. Il est également rappelé que ce vaccin ne dispense pas de l’usage du préservatif pour se prémunir d’autres virus à transmission sexuelle. »
 
Dans le courant du premier trimestre 2007 la Haute Autorité de santé doit se prononcer sur le service médical rendu (balance bénéfices-risques) et le Comité économique des produits de santé doit négocier avec le laboratoire un accord sur son prix et les études de suivi à mettre en place. En effet, sans doute échaudé par les problèmes liés à la vaccination contre l’hépatite B, le ministère de la Santé précise dans un communiqué : « Compte tenu des incertitudes liées à toute nouvelle vaccination de masse, il sera alors indispensable de mettre en place des outils de mesure de l’impact de ce vaccin sur la santé de la population, tant en ce qui concerne la pharmacovigilance que le suivi de l’écologie virale et l’apparition des lésions histologiques de haut grade. » Pour les autorités, utiliser enfin le terme « écologie virale » est une véritable révolution. Cette prise en compte globale de l’impact d’un vaccin sur les autres virus et l’environnement a été popularisée par la Ligue pour la Liberté des vaccinations… Il y a plus de trente ans.  
 
 
 
(1) Disponible à 145,94 € la dose, soit 437,82 € (trois doses)  pour être protégé de 4 à 5 ans.
(2) Il induirait aussi la production d’anticorps réagissant de façon croisée avec quatre autres types de papillomavirus responsables de cancer, les 31, 45, 52 et 58, qui ne sont pas directement la cible du vaccin.
(3) Éd. Dangles.


Chiffres
L'infection à HPV ou papillomavirus est la première des infections virales sexuellement transmissibles dans le monde. Selon l’OMS, ce cancer est à l’origine de 290 000 mortes par an sur la planète. Il existe une grande inégalité de répartition : 83 % des nouveaux cas survenant dans les pays en voie de développement. En Europe, 80 femmes meurent chaque jour. En France, elles sont un millier par an.

 


Cet article est tiré du n° 341 d’Alternative Santé -comprendre pour agir- Le mensuel de défense et d’information des consommateurs de soins médicaux.


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Martine Laganier

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