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Cinéma

Jean-Marc Barr “Le changement se fera sur un plan spirituel et pas intellectuel”

Jean Marc Barr dans La Particule Humaine
Jean-Marc Barr incarne Erol Erin, généticien spécialisé dans les semences, dans La Particule Humaine
La Particule Humaine
Audrey Etner
Audrey Etner
Mis à jour le 25 février 2021
Jean-Marc Barr était à l’affiche de La Particule Humaine, un film visionnaire qui dépeint un futur aussi tragique que réaliste où le changement climatique conduit la Terre à son extinction. Nous l’avons rencontré lors de son passage à Paris.

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Début octobre sortait brièvement en France le film La Particule Humaine, une dystopie bouleversante du réalisateur turc Semih Kaplanoğlu. Dans le rôle principal d’un chercheur en génétique sur les semences modifiées, Jean-Marc Barr (Le Grand Bleu) nous livre sa vision de notre société et des changements nécessaires pour notre planète.

Comment vous êtes-vous retrouvé associé au projet de La Particule Humaine ?

J’ai rencontré le metteur en scène Semih Kaplanoğlu à Venise il y a quelques années. J’ai été bluffé par son travail sur la trilogie, Milk / Egg / Honey, réalisée avec un petit budget. Son succès au festival du film de Berlin en 2010 lui a donné l’élan d'imaginer un film en anglais pour l’international et c’est à ce moment qu’il m’a contacté. C’est un pari osé car aujourd’hui, le milieu du cinéma est entièrement gouverné par le profit. Ce film là par exemple, a été complètement ignoré des grands festivals, financés par les lobbys.

Qu’est ce qui vous a particulièrement interpellé dans le scénario ?

L’idée de tourner en Anatolie et de découvrir la Turquie était aussi intéressante pour moi que de travailler avec ce metteur en scène. J’ai été appelé par le rôle d’Erol, qui incarne la désolation de l’humain face à notre monde en déclin. C’est finalement un ressenti que j’ai chaque jour en regardant les informations sur les changements planétaires, et en voyant la détermination des gouvernements à pousser l’écocide encore plus loin. Je pense qu’on est tous là dans notre zone de confort, et que quelque chose doit changer dans nos vies, car nos politiques ne prendront pas cette responsabilité. A travers le personnage d’Erol, je voulais incarner cet énorme dilemme que nous vivons tous actuellement.

A quel point adhérez-vous à la vision du futur dépeinte dans le film ?

Nous avons tourné il y a 4 ans un film situé dans le futur, et il me semble que nous nous en rapprochons à grands pas ! Les personnes les plus riches pensent pouvoir continuer à faire du profit, mais leur avidité conduira à une extinction de masse de notre population… Aujourd'hui nous ne voyons pas le problème parce que nous avons été élevés comme ça, à manger une viande industrielle, à tuer les animaux sans conscience, à tuer les hommes aussi sans conscience. Cet aveuglement humain dans lequel nous met le capitalisme, pourrons-nous le briser et retrouver notre humanité ? Vivre dans la société qui nous est proposée aujourd’hui fait saigner notre âme.

Traiter de la direction que prend notre civilisation, via la question des semences est complètement visionnaire…

Bien sûr, mais aujourd’hui ce film disparaît aussi vite qu'il paraît sur les écrans. Je pense qu’il est fait pour ce monde mais pas pour ce “marché”. Et je déplore que rien n’unisse les deux. Il y a juste internet qui absorbe tout, nos professions et notre attention mais on ne fait rien pour s’en détacher.
Aujourd’hui la mobilisation demandée est une mobilisation de guerre car la bascule ne se fera ni par les gouvernements ni par les entreprises qui pourtant dominent le monde ! Ce que nous devons faire c’est nous mettre en chemin massivement, c’est à dire 50% de la population déterminée à changer radicalement la manière dont nous devons vivre. Nous en sommes très loin. A travers mon travail j’essaye de participer à cela, mais moi-même je ne fais encore rien !

Le film est malgré tout très tourné vers la Vie

On est face aux monolithes de cette vie moderne devenue un cauchemar dont on ne sait plus comment se détacher. J’ai un fils et je pense qu’il me demandera ce que j’ai fait dans cette période, comme on demandait « qu’as-tu fait pendant la guerre ». Je sais que je n’ai encore rien fait et que cela demande un militantisme beaucoup plus poussé vers lequel je ne parviens pas encore moi-même à me diriger.

Choisir de tourner un film comme la Particule Humaine est déjà un acte de militantisme…

Oui, j’ai quelques petites gouttes mais je suis encore très frustré car le problème est devenu fondamental et je suis encore dans la sécurité de ma vie que je ne veux pas détruire.
Bien sûr, j’ai joué ce personnage mais je ne l’ai pas encore vécu. J’essaye de payer mes fins de mois, je n’ai pas de voiture, pas d’appartement, pas de télévision… J’ai toutes les conditions réunies pour changer de position, je n’ai rien à protéger.

Vous vous retrouvez dans cette leçon du film, de laisser derrière soi toute forme d’attachement et même d’égo ?

Oui c’est justement cela la clé. J’ai fait la narration récemment du documentaire « Dolphin Man » sur le vrai Jacques Mayol (son personnage dans le Grand Bleu ndlr), cet homme il y a 40 ans a introduit l’apné qui était encore inconnue. Il a ouvert la porte sur la réalisation de cette chose sensuelle et spirituelle qui est de retenir son souffle pour se rendre en profondeur, en complète communion avec sa propre insignifiance. L’apné nous apprend comment nous faisons partie de cette terre et de cette mer et à quel point nous ne sommes rien, que notre Terre devient tout et qu’il faut la protéger. Le changement se fera sur un plan spirituel et pas intellectuel, au moment où l’âme ne permet plus de vivre comme on a vécu. Cette spiritualité latente pendant tout le film, portée également par la philosophie soufi, rappelle notre rapport à la terre de nos grands parents, dans une communion, une alliance, une connexion viscérale que nous devons retrouver.

Que pensez-vous du choix du réalisateur de traiter sous l’angle du masculin cette connexion à la vie, à travers la quête de ces 2 hommes ?

C’est effectivement le reproche que l’on pourrait faire à ce film : le manque de féminin. Le seul personnage féminin est la passeuse, ce qui est assez léger. Malgré tout, dans l’ouverture de cette époque que nous vivons, beaucoup d’hommes sont en train de retourner le miroir sur eux-mêmes pour découvrir leur attitude envers la femme, faire face au patriarcat. Nous sommes encore dans un monde d’hommes et nous devons y réfléchir sérieusement. Ce changement spirituel que nous sommes en train de vivre va remettre en question notre paradigme.

La Particule Humaine, de Semih Kaplanoğlu, avec Jean-Marc Barr, Ermin Bravo, Grigoriy Dobrygin
Sortie en salle le 10 octobre 2018

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