Cet article a été publié dans le magazine Fémininbio #10 Avril-Mai 2017
Le monde bouge. Les temps changent. L'humanité évolue. Nous entendons cela tous les jours. Et c'est vrai, il y a des différences notables avec le passé, les formes extérieures de la société humaine changent. Mais parlons-nous d'une réelle transformation ? En ces temps de campagne présidentielle française, il semble flagrant que cela ne soit pas vraiment le cas. Il suffit de décrypter les nombreux commentaires faits sur les réseaux sociaux au sujet du monde politique. Je ne parle pas ici du monde politique mais bien de nous face au monde politique. Critiques, attaques, revendications, cynisme, analyses, controverses, débats... Prenons-nous seulement la peine d'ouvrir notre conscience sur les besoins individuels que nous tentons de satisfaire par ces stratégies ?
Ou bien nous contentons-nous de demeurer victimes, dans la frustration de ces besoins et dans l'incessante plainte râleuse, parce que nos dirigeants ne s'en occupent pas ? Très souvent, nous sommes dans la confusion entre besoin et stratégie. Nos besoins étant vitaux, si nous n'en prenons pas conscience avec clarté, ce sont les stratégies avec lesquelles nous tentons inconsciemment de les assouvir qui deviennent alors vitales, et c'est là que le drame sociétal commence ! Nous plaçons le vital à l'extérieur de nous-mêmes et entrons en dépendance vis-à-vis des autres et de la société.
La vraie transformation, le vrai nouveau monde ne serait-il pas d'entrer en responsabilité individuelle au sein du collectif ? Le vrai changement de paradigme ne serait-il pas d'arrêter de vouloir changer le monde en faisant l'économie de se changer soi-même ? Ne serait-il pas venu le temps de grandir et de prendre les rênes de nos vies en main en nous occupant de nos propres besoins sans attendre que la société s'en occupe ? Ne serait-il pas temps d'arrêter d'accuser l'autre de nos frustrations et de comprendre qu'il n'est pas responsable de celles qu'il réveille chez nous, mais seulement de leur éveil ? Ne serait-il pas venu le temps d'une démocratie responsable où chaque individu s'occupe déjà de nourrir ses propres besoins autrement que par un programme présidentiel ?
Au frontispice du Temple de Delphes se trouve inscrite cette phrase : "Connais-toi toi-même et tu connaîtras l'univers et les dieux." N'est-elle pas là inscrite depuis des siècles, notre responsabilité citoyenne ?
Comment puis-je exiger des comportements précis de la part de l'autre, du monde politique en l'occurrence, si moi-même je ne suis pas au clair avec mon fonctionnement, souvent réduit à des certitudes acquises pour ma propre survie ? Comment exiger de l'autre clarté et cohérence si moi-même je ne suis pas au clair avec mes parts d'ombre ?
Dans "démocratie", il y a "dêmos" pour "peuple" et "kratos" pour "autorité", "souveraineté". Puis-je prétendre participer à la gouvernance et à la souveraineté d'un peuple si je ne suis pas d'abord souverain de ma vie ? L'actualité nous accule à notre responsabilité de grandir et d'arrêter d'attendre que nos dirigeants réparent nos histoires d'enfants blessés. Ne serait-il pas venu le temps de nous affranchir de ces parents de substitution dont nous attendons encore permission et solution ? Le monde changera lorsque nous prendrons soin de nos enfants intérieurs. Il est venu le temps de passer de la soumission et de la rébellion à l'insoumission joyeuse !
Retrouvez Vincent Houba sur son site, architectures-invisibles.com.