Cheveux blancs, tour de taille 10 ou 40 cm plus large que celui des top-modèles, nez plus large et seins plus petits que la moyenne… On n’entre pas forcément dans les standards, on en souffre parfois. Et on a tendance à perdre une énergie et un temps précieux à se dévaloriser. Dans la quête d’une plus grande sérénité, l’acceptation de son corps semble incontournable.
Le Body Positive
Vous avez peut-être repéré ce hashtag sur les réseaux sociaux ; le mouvement #BodyPositive déferle sur la France. Né dans les années 1990 aux États-Unis, il incite les femmes à assumer leurs "défauts" et à les afficher à la vue de tous.
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Parmi les figures emblématiques françaises, Ely Killeuse, 29 ans, dont de nombreuses années passées à faire des régimes : "En me lançant dans une énième diète l’année dernière, je me suis vite aperçu que je ne voulais plus m’infliger ça. Je me souviens m’être dit : 'Je m’aime assez pour arrêter les régimes.'". Sportive et pulpeuse, elle raconte sur son blog comment elle a renoncé à compter les calories et les kilos, après des années d’effet yoyo. Pour s’accepter avec son poids naturel mais aussi pour "remettre de la réalité sur les réseaux sociaux. Montrer que la vraie vie, ce ne sont pas que des abdos et des seins refaits". Dans sa quête personnelle de l’équilibre, il y a parfois, encore, des moments de lutte. Mais à grand renfort de méthode Coué, les coups de blues ne l’envahissent plus pour bien longtemps : "Je dis souvent que la seule personne qui décide si votre journée sera bonne, c’est vous. Alors quand je ne me sens pas top au réveil, au lieu d’enfiler un jean informe et un pull en attendant que ça passe, je lève le menton, je mets ma robe préférée et je décide que la journée sera bonne."
D’ailleurs, les neurosciences sont formelles : l’autosuggestion a des effets bénéfiques sur le cerveau et sur l’estime de soi. Luciana, autre Instagrameuse inspirante, le confirme : "Je me dévalorisais en permanence. Aujourd’hui, dans des moments de doute, je me répète intérieurement des phrases positives : 'Je suis assez bien', 'Je suis une belle personne'… et ma préférée : 'Tu es importante'. Au début je trouvais ça grotesque : ce n’est pas évident de se dire ces choses-là. Ça chamboule et ça ne marche pas immédiatement. Mais après plusieurs semaines, les choses commencent à changer : l’humeur s'améliore, l’énergie augmente et on va mieux !"
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Pour en finir avec l’hyponarcissisme
Bien sûr, se répéter comme un mantra que l’on est belle et forte n’agira pas comme un coup de baguette magique. Pour Hélène Vecchiali, psychanalyste**, si l’on veut se réconcilier avec son corps, "nous devons en passer par des prises de conscience profondes. Réaliser qu’entre notre schéma corporel, la réalité et l’image qu’on en a, il y a souvent un décalage. L’immense majorité des femmes se trouvent plus grosses, plus ridées ou plus laides qu’elles ne le sont ! D’ailleurs, lorsque l’on nous fait un compliment, il est assez rare que l’on se contente de répondre 'merci'. Non, nous ressentons toujours le besoin d’ajouter : 'Pourtant j’ai plein de rides' ou 'J’ai 3 kilos en trop'. Bref, nous souffrons toutes ou presque d’hyponarcissisme !"
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L’acceptation de soi passe par la sororité
Une fois que nous nous sommes approprié le concept d’image inconsciente du corps et que nous avons synthétisé le problème, comment avancer vers l’acceptation ? "Cela passe par la sororité, poursuit Hélène Vecchiali. Les femmes doivent être solidaires entre elles. En parler. En groupe, en famille, entre amies, nous devons partager nos difficultés. Puis commencer à accepter les compliments et à s’en réjouir." Après tout, en effet, ne sommes-nous pas sincères lorsque nous disons à une amie que cette petite robe lui va à ravir et que ses poignées d’amour ne gâchent pas sa silhouette ?
Réhabilitons les capitons !
Pour trouver pourquoi nous avons une mauvaise image de nous-même, on peut s’en remettre à un professionnel ou se plonger dans certains livres. Dans son dernier ouvrage, Moi, moi et moi, Hélène Vecchiali aborde longuement l’un des soucis majeurs des femmes : la cellulite. "Il y a une vingtaine d’années, on a décrété que la cellulite était une maladie qu’il fallait éradiquer", s’insurge l’auteure. Pourtant, "c'est un attribut sexuel secondaire. Elle fait partie des femmes. Il est tragique de se battre contre quelque chose qui représente notre féminité. Cela n’a pas de sens". Faut-il créer un mouvement de libération de la cellulite, comme le suggère la psychanalyste ? Sans doute. En tout cas, il faut continuer à militer pour que le regard des femmes sur elles-mêmes change, une bonne fois pour toutes !
Bienveillance envers les autres… et envers soi-même !
Le mouvement Body Positive a donc de belles heures devant lui… Mais gare à ses propres errances, comme le souligne Johanna Dray*, premier mannequin grande taille de France : "C’est facile de parler de Body Positive, de donner des injonctions… Mais gare à la culpabilisation qui en découle si on ne parvient pas à atteindre l’objectif. On me demande souvent de quelle manière je suis parvenue à accepter mon corps et mon image. Cela ne s’est pas fait d’un coup de baguette magique. Il y a des expériences, multiples, qui conduisent à l’envie de changement. Mais le changement n’arrive pas forcément tout de suite."
Les conseils de cette pétillante et inspirante quadragénaire pour avancer sur le chemin de l’acceptation de soi ? "Oser ! Oser se regarder dans un miroir. Beaucoup de femmes ne le font jamais. Mais si l'on n’a pas de regard sur soi-même, comment s’apprivoiser ? Oser, c’est aussi avoir de l’audace dans le shopping. Essayer des vêtements, des couleurs, des coupes et même des tailles que nous ne pensons pas faites pour nous. On a souvent de bonnes surprises !"
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La Body Neutrality
Aimer son corps, en être fière… Un chouette programme pour l’année à venir, qu’il ne sera pas simple de mettre œuvre chaque jour. Et si, dans nos mauvaises journées, on cessait de juger son corps ? Et si on s’en tenait à l’accepter comme l’enveloppe charnelle que nous offre la vie ? On parle alors de "Body Neutrality".
Lors des retraites qu’elle organise dans le Vermont (États-Unis), Anne Poirier accompagne des femmes, souvent en surpoids, dans l’acceptation de leur être tout entier. "La Body Positivity ne paraît pas authentique, accessible, pour certaines personnes. La 'neutralité corporelle', elle, est une phase intermédiaire. J’incite les femmes à jouer avec des mantras tels que 'Mon corps est capable', 'Mon corps est ma maison, c’est là que j’habite', 'Il est le véhicule qui me permet de voyager dans la vie'. Nombre d’entre elles ont le sentiment que leur estime d’elle-même est emballée dans l’image que les autres ont de leur corps. Nous les encourageons à se regarder avec un autre point de vue. Il est important d’éclairer d’autres facettes de la personnalité. Nous sommes toutes différentes, uniques, nous devons identifier nos talents, les mettre en valeur. C’est ainsi que nous découvrons réellement notre authenticité."
C’est sans doute ainsi que se terminera notre quête. Aimer son corps, s’aimer soi-même, se libérer des carcans que la société impose… pour se sentir libre.
*Auteure de Taille Mannequin, éditions Pygmalion
**Auteure de Moi, moi et moi : narcissisme, le bon, le mauvais, le pathologique, éditions Marabout.