Depuis peu, Emilie Loizeau jongle entre ses engagements professionnels et sa vie de jeune maman. Même si elle doit désormais s'astreindre à une certaine discipline de vie, la belle inspirée est en tournée pour son album "Mothers & Tygers" du 28 mars au 14 juin 2013 dans toute la France.
D’où vous vient votre passion pour la musique ?
J’ai commencé le piano à cinq ans et demi et j’ai eu la chance d’avoir un professeur incroyable qui m’a transmis son amour de la musique. Petite, je voulais devenir pianiste. L’écriture est venue plus tard, vers 25 ans. D’un coup, j’ai perçu la musique différemment et j’ai commencé à écrire des chansons.
Quelle famille musicale vous inspire ?
C’est très varié ! Mes influences vont du classique au slam, en passant par la musique de Danyèl Waro ou Steve Reich. Je m’imprègne de beaucoup de choses pour écrire, même si ça ne s’entend pas forcément dans mes chansons. Je n’aime pas les cases.
Est-il plus facile d’écrire en anglais ou en français ?
L’anglais sonne plus facilement, mais encore faut-il que le texte ne soit pas insipide ! Le sens est crucial pour moi, et c’est pourquoi je pense qu’il faut se méfier de l’anglais. Écrire un texte qui sonne bien en français est peut-être plus compliqué mais c’est un défi qui me plait. En même temps, il est vrai que les deux langues sont profondément liées en moi. J’aime le retranscrire dans mon travail car c’est ce que je suis.
Où puisez-vous votre inspiration ?
Mes lieux et sources d’inspirations sont des lieux de repli. Aujourd’hui, ce sont les Cévennes où j’ai posé mes valises et où je me sens chez moi. Il y a une authenticité de la vie, un rapport aux gens, à la nature, à l’autre, qui est simple et profond. La nature y est aussi magnifique. Autrement, mes disques se réfèrent à mes lectures, à mon enfance, à ma réflexion sur la vie. J’essaie de porter un regard coloré sur l’existence. Ma récente maternité m’a profondément marqué pour écrire mon dernier album.
Pensez-vous qu’il y ait une dimension spirituelle dans la musique ?
Oui, sans aucun doute. Lorsque j’écris dans ma maison des Cévennes, je suis en rapport avec la nature. Qu’il y ait une tempête, un orage ou juste du vent, on sent tout, on se sent minuscule.
La musique est-elle une forme de thérapie, au sens d’une voie d’éveil de la conscience ?
Je pense que la musique permet un éveil de la conscience mais je ne la vois pas comme une thérapie. On ne fait pas de la musique pour régler ses problèmes. Personnellement, je ne m’imagine pas faire autre chose. La musique est vitale pour moi. L’écriture et le fait de chanter sont vitales, comme une manière de survivre.
Qu’a changé votre récente maternité dans votre vie ?
Dans un sens, je dirais qu’elle a tout changé. Et en même temps, je suis toujours la même, mon rapport à mon métier n’a pas changé. La maternité donne un autre regard sur le monde et l’existence, un regard plus dense. Soudain, nous ne sommes plus seulement l’enfant de nos parents, nous transmettons à notre tour quelque chose. La maternité nous rend moins égoïste puisque qu’on ne se pose même pas la question de donner à ce petit être. En même temps, il faut continuer à être soi-même et préserver son désir de s’accomplir.
Êtes-vous une maman bio, avez-vous des principes alimentaires ?
J’étais sensible à ces questions depuis un moment, cependant, je préfère le local au label AB. Je vais au marché et je discute avec les producteurs pour savoir comment ils ont produit leurs fruits et légumes. S’ils l’ont fait en conscience, je me passe volontiers du label AB ! Il faut toutefois être raisonnable et savoir composer avec le monde qui nous entoure. Je ne veux pas faire peur à ma fille.
Vous sentez-vous engagée sur les questions écologiques ?
Je me sens très concernée, et même de plus en plus. L’écologie est une question très moderne, elle nous interroge sur la façon dont nous voulons vivre ensemble demain. Il me paraît difficile de faire un enfant et de ne pas avoir de réflexion sur ces questions. On ne peut pas dire "après moi le déluge". Ou alors, on ne fait pas d’enfant.
Et dans votre métier, comment cela se traduit-il ?
J’essaie de rendre mon engagement concret également. Cette année par exemple, j’organise du 2 au 5 mai une tournée à pied et à cheval pendant une semaine. C’est une tournée sans pétrole et où l’électricité, si elle est présente, sera autonome. Nous avons prévu trois concerts dans des villes éloignées de 10 à 20 kilomètres les unes des autres. Nous partirons du petit village de Bonneveau dans le Gard pour nous rendre dans la petite ville des Vans en Ardèche et terminer au village de Payzac. Il y aura des ateliers, des débats sur les énergies renouvelables, sur notre dépendance aux ressources naturelles, l’importance des circuits courts… Le tout, j’espère, sera très joyeux et ludique tout en essayant de provoquer chez chacun une réflexion utile et concrète.
Avez-vous recours aux médecines douces et alternatives ?
Je fais partie d’une génération que l’on a gavé d’antibiotiques et de médicaments. Cela ne m’a pas réussi et j’ai opté pour une autre façon de se soigner. Je me suis tournée vers l’homéopathie, la microkinésithérapie et l’acupuncture. De plus, je fais, ou plutôt j’essaie de faire régulièrement du yoga.
Vous êtes mince, avez-vous des astuces minceur ou des secrets à partager avec nos lectrices ?
De nature, je ne mange pas beaucoup. Je mange de moins en moins sucré, par contre je prends un bon petit déjeuner, c’est essentiel pour moi. Je me tourne vers un mode de vie plus végétarien, en limitant la viande à un ou deux repas par semaine, et il m’arrive de ne pas en manger du tout. Je ne cherche pas la minceur, mais surtout une alimentation saine. Je suis de plus en plus à l’écoute de mon corps et j’ai l’impression que ça me fait du bien !
Votre rythme de tournée en France est soutenu, comment entretenez-vous votre forme ?
Très honnêtement, je galère ! La vie d’une jeune maman en tournée n’est pas des plus simples… J’ai adopté un horaire "couche tôt-lève tôt", et je fais attention dans mon alimentation à ne pas surcharger le foie. Mais je suis loin d’être irréprochable !
Vous vivez entre Paris et les Cévennes, ce grand écart est-il voulu ?
Oui, tout à fait. Je suis à la fois très sociable et assez sauvage. J’ai grandi entre la ville et la campagne, et j’ai besoin de cet équilibre. J’adore Paris, j’y ai grandi et fait mes études, j’y ai mes amis. Mais parfois, elle me rend folle et j’ai besoin d’être seule. Dans mon métier, il y a beaucoup de rencontres. C’est beau, mais j’ai aussi besoin de me déconnecter, de me retrouver. Pour cela, ma maison dans les Cévennes, au milieu des montagnes, est le lieu idéal.
Quelle personnalité contemporaine engagée vous inspire ?
J’ai récemment vu le film Sugar Man, qui raconte la vie de Sixto Rodriguez. Son histoire m’a beaucoup touchée. Il pensait avoir raté sa carrière d’artiste-compositeur et était retourné travailler sur des chantiers. Pendant ce temps, ses chansons étaient arrivées en Afrique du Sud où il était devenu une star. Lorsqu’il l’a appris, il est allé faire des concerts là-bas, mais il a continué à vivre humblement, à travailler sur des chantiers. Cet homme a eu la sagesse de s’extraire du monde du showbiz. Il semble vivre sa nouvelle célébrité comme un cadeau chimérique qui n’est pas sa réalité. Son humilité est une manière d’appréhender la vie. Je le trouve d’une sagesse et d’une grandeur d’âme quasi mythologique. Les gens qui ont cette force de survie et d’humilité là me bouleversent et rassurent infiniment. Ce film a été une leçon pour moi. Mais j’aimerai aussi évoquer Stéphane Hessel !
On vous sent particulièrement touchée par le message de l’éternel indigné ?
Oui, il fut et reste pour moi un guide et un espoir. Il a passé sa vie à défendre des valeurs de courage et d’humanisme, à refuser de plier face à l’injustice et à tenter de transmettre l’idée d’une vigilance intime et constante sur le monde qui nous entoure et dont nous sommes les acteurs. Ces valeurs semblent se perdre mais il a su créer avant de partir un mouvement de résistance et d’espoir.
L’indignation comme repère et comme mot d’ordre, une manière de croire toujours que notre pouvoir décisionnaire existe et que nous devons regarder le monde, de le juger et de dénoncer ce qui nous semble contraire aux valeurs humanistes fondamentales. Une manière de dire que nous devons tenter de faire fléchir ceux qui nous gouvernent lorsque nous estimons que leurs décisions nuisent à l’humain et à son environnement.
Nouvel album d'Emilie Loizeau : Mothers & Tygers. 1 CD Polydor.
Ecoutez un extrait de l'album sur Deezer : "Tyger"
Tournée en France du 28 mars au 14 juin 2013.
Le site officiel d'Emilie Loizeau : www.emilyloizeau.fr
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