En mars 2018, un collectif de 124 professionnels de santé signait un appel cinglant contre les médecines alternatives, remettant en cause la pratique et la prescription des médicaments homéopathiques, critiqués sur leur aspect économique et leur efficacité. Un appel publié dans Le Figaro, suivi d'une tribune du Syndicat National des Médecins Homéopathes Français que nous avions également relayée. Depuis, la HAS (Haute Autorité de Santé) a été saisie pour évaluer le bien-fondé de la prise de charge de l'homéopathie par l'assurance maladie. Le débat s'étant rapidement étendu aux patients, nous avons souhaité interroger notre médecin référent, membre du Comité éthique de FemininBio, le Dr Dominique Eraud.
FemininBio : Depuis quand pratiquez-vous l’homéopathie ?
Dr Eraud : Je me suis installée en tant que médecin acupuncteur et homéopathe il y a 30 ans. J’étais alors fraichement diplômée et j’avais suivi la voie de mon père Dr Henri Eraud qui les pratiquait depuis bien longtemps. Il fut l’un des premiers médecins acupuncteurs de Paris et s’est beaucoup investi pour leur reconnaissance officielle par le Conseil de l’Ordre, les Ministères.. Ce mode de soins a bercé mon enfance et il m’est apparu comme une évidence d’en faire mes spécialités tant elles respectent profondément le serment d’Hippocrate « Primum non nocere » (D’abord, ne pas nuire).
En quoi cette pratique est-elle intéressante pour les patients selon vous ?
Tout d’abord parce qu’elle place l’humain au centre. Chaque être humain est unique et il nous paraît donc évident que le traitement de chacun doit être unique. C’est aussi une médecine où l’on prend son temps. On écoute le patient, car pour nous, homéopathes, tout est important pour aboutir au diagnostic : notre couleur, notre saison, le lieu où l’on vit, la façon dont on est venu au monde, si on ressasse des pensées, le mode de vie que l’on mène etc. En effet, les granules que l’on va choisir pour le patient va agir sur 3 plans : le plan physique, le plan psychique et le plan spirituel. C’est une médecine globale, tout comme la médecine chinoise ou la médecine ayurvédique.
Ensuite, l’homéopathie est intéressante car c’est une médecine écologique. Elle ne contient aucun toxique pour notre environnement intérieur, nos organes, ni notre environnement extérieur, puisque ce qu’on élimine par les urines et les selles affecte notre belle planète. On a mesuré tous les toxiques contenus dans l’eau des rivières et celle que nous buvons, on y trouve des hormones, des antibiotiques, des neuroleptiques.
Enfin cette médecine a des solutions pour lutter contre certaines pollutions environnementales en nous détoxiquant (par exemple des pollutions dues à certains métaux lourds, en minimisant les effets secondaires lors des traitements par radiothérapie et chimiothérapie lors de cancers etc). Un rappel, les maladies environnementales (dites aussi émergentes ou de civilisation) représentent aujourd’hui 84% des dépenses de santé, 24 millions de personnes, 92% des affections de longue durée.
Qu’est-il reproché aujourd’hui à l’homéopathie, notamment par l’Académie de médecine et de pharmacie ?
Le grand argument des « anti-homéo » c’est qu’il n’existe pas d’expériences scientifiques sur l’homéopathie. Or il existe des milliers d’expériences scientifiques au contraire. Cependant, ces expériences ne suivent pas les règles de l’allopathie. L’homéopathie est une médecine différente avec des règles expérimentales reposant sur l’individualisation, à la différence des cohortes de la médecine allopathiques dont les résultats reposent sur la quantité.
Donc, si l’on suit les « évaluations » réalisées selon les règles de droit commun comme le demande la HAS (Haute Autorité de Santé), l’évaluation de l’homéopathie est biaisée. Notez que je ne critique en aucun cas ces méthodes, simplement elles ne peuvent pas s’appliquer à cette médecine.
Contrairement aux idées reçues, les initiatives en matière de recherche sur les médecines traditionnelles et complémentaires sont nombreuses : travaux menés par la plateforme universitaire CEPS* sur les méthodologies d’évaluation des interventions non médicamenteuses, études cliniques et observationnelles menées notamment en milieu hospitalier par l’OMNC* etc. Il serait utile d’encourager ces recherches plutôt que d’alimenter une polémique contraire à l’esprit scientifique.
Sur quels critères les médicaments homéopathiques sont-ils évalués ?
Voici la définition de l’homéopathie selon Samuel Hahnemann « En homéopathie, la pathogénésie (proving en anglais) est l’ensemble des signes ou des symptômes provoqués par une substance quelconque, dynamisée ou pas , sur plusieurs personnes censées en bonne santé. Ces signes sont d’ordre physiques et psychiques et pour une substance donnée peuvent intéresser toute partie du corps humain. » Ces pathogénésies sont rassemblées dans les livres nommés « matières médicales » dont la plus ancienne est celle de Hahnemann.
Cela nous explique notamment que l’expérimentation de chaque produit a été fait sur des hommes sains et non en laboratoire.
Pourquoi est-il important que l’homéopathie continue d’être remboursée par l’assurance maladie ?
Tout d’abord pour les patients. Je suis médecin bénévole au dispensaire Hahnemann, un centre où tous les médecins pratiquent acupuncture, homéopathie et ostéopathie. Je vois bien sur le terrain que l’on va laisser de côté une partie de cette population démunie qui ne pourra pas acheter d’homéopathie. Or, non seulement cela prive de « la liberté du choix thérapeutique » mais ces personnes vont en plus être obligées de se tourner vers des thérapies plus lourdes.
Or selon l’OMS : « Dans le cadre de sa stratégie pour les médecines traditionnelles et complémentaires 2014-2023, elle a adopté plusieurs résolutions invitant les états à soutenir l'intégration dans leurs systèmes de santé des différentes thérapeutiques, tout en encadrant les contrôles de qualification, d'accréditation et d'autorisation des praticiens concernés. »
Ensuite, le déremboursement pose un vrai problème de société car il causerait un transfert vers des médicaments plus coûteux pour la collectivité. Sachez que le prix moyen des médicaments homéopathiques remboursables est de 2,70€ alors que le prix moyen des autres médicaments remboursables et de 9,90€.
Le diplôme universitaire d’homéopathie est aussi en danger..
En effet, suite à la lettre publiée en mars 2018 contre les médecines alternatives, certaines universités qui dispensent des cours d’homéopathie depuis des dizaines d’années ont décidé de les arrêter brutalement en cours d’année. Il est donc certain que si l’on arrête la formation, cette médecine disparaîtra. Or c’est une thérapie qui fait ses preuves depuis plus de 200 ans !
Aujourd’hui cette médecine est enseignée uniquement aux médecins et aux sage-femmes. Nous défendons également le maintien de ces formations car si elle n’est plus reconnue, les enseignements se feront hors des circuits officiels et nous ne pourrons plus cautionner la qualité des soins dispensés !
L’homéopathie est utilisée aujourd’hui :
- Par les médecin du sport, pour tous les grands sportifs
- Par les vétérinaires pour tous les chevaux de compétition internationale
- Par les pédiatres pour tous les problèmes ORL (Dans nos cabinets, grâce à la prévention que nous menons, nous ne voyons par exemple pratiquement aucun cas de grippe.)
- Par les dentistes, grâce à des diplômes spécialement créés pour eux
- Par des ONG, notamment l’ONG Solidarité Homéopathie créé il y a 22 ans dont je suis co-présidente. Nous ne sommes que des médecins pratiquant bénévolement auprès des plus démunis homéopathie, acupuncture et ostéopathie, à l’étranger et en France. Je peux vous certifier que nos traitement sont plébiscités dans les dispensaires qui ont fait appel à nous, preuve supplémentaire de l’efficacité de ces médecines.
Quelles sont les actions de mobilisation en cours contre le déremboursement de l’homéopathie ?
Il y a une pétition en cours, à signer sur Monhomeomonchoix.fr
Un collectif a par ailleurs été créé l’été dernier après « L’appel des 124 professionnels de santé contre les médecines alternatives ». Il associe des sociétés savantes, le syndicat des homéopathes, un syndicat de pharmacien spécialisé en préparations magistrales, des organismes de formation, des laboratoires d’homéopathie, une association de patients et la plateforme Safe Med. Il y a également un film realisé par le Dr William Suerinck : "Homéopathie une autre voie"
Quelles sont selon-vous les vraies raisons de cette volonté de déremboursement ?
Nous avons tous été très choqués par l’attaque directe de médecins envers nous, leurs confrères et consoeurs. Pourquoi une telle agressivité lorsque l’on sait que les causes principales en sont la peur et l’ignorance ?
Les lobbys pharmaceutiques ont peur car les derniers scandales (Mediator, Levothyrox, Androcure, pilule, hormones de croissances etc) ont éveillés la méfiance des patients. Ils savent que d’autres suivront, les effets iatrogènes sont reconnus (effets secondaires occasionnés par un traitement médical NDLR) et ils représentent un tiers du budget de la santé aux Etats-Unis. Or nous n’avons aucun effet iatrogène avec l’homéopathie.
Certains médecins allopathes ignorent ces méthodes. De plus en plus de leurs patients leur disent aller voir des thérapeutes pratiquant les médecines alternatives et qu’ils s’en portent mieux. Ils les critiquent par ignorance.
Notre désir à tous est de se diriger vers des médecines intégratives. Je suis membre fondateur d’un collectif, le GETCOP* qui défend cette approche. La médecine intégrative considère « ces thérapies complémentaires comme partie de la pratique médicale et non comme des alternatives à la médecine officielle ». De nombreux centres existent déjà aux USA, en Europe, en France même.
Qu’est ce que la médecine intégrative en pratique ?
Cela veut dire oeuvrer ensemble pour la santé de tous : médecine allopathique et médecine complémentaire. Le patient peut ainsi profiter du meilleur des deux techniques et qu’il est au coeur des priorités et décide avec l’équipe médicale.
Cette opposition entre ces deux médecines n’a pas lieu d’être, c’est un combat stérile surtout si on se rappelle que le rôle essentiel du médecin est d’aider le patient du mieux possible.
Plus globalement, de quoi ce débat est-il le symptôme selon vous ?
Nous sommes à un tournant de société quand à l’avenir de notre médecine. Le débat dépasse de beaucoup celui du déremboursement de l’homéopathie. Nous sommes des générations de médecins à pratiquer l’homéopathie et des générations de patients à l’utiliser.
« Notre médecine est rationnelle parce qu’elle est la seule à chercher la cause des maladies. Mais c’est vrai que l’Homéopathie ne verse pas une seule goutte de sang. Elle ne purge pas et ne fait ni suer ni vomir ni même saliver, mais elle offre de vrais agents curatifs tant en aigu qu’en chronique. Il est certain que nous possédons l’Art de guérir…que vous dire de plus. » Samuel Hahnemann
La vraie question que nous devons tous nous poser est : quelle médecine désire-t-on pour les générations futures ? Pour moi la réponse est claire : la médecine du futur sera intégrative avec une grande place faite aux médecines écologiques.
* CEPS Plateforme universitaire Collaborative d’Evaluation des programmes de Prévention et de Soins de support : les méthodologies d’évaluation des interventions non médicamenteuses, basée à Montpellier. Fondateur : Pr Grégory Ninot
* OMNC Association universitaire basée à Nice : observatoire des médecines non conventionnelles. Fondateur : Pr Patrick Paque.
* GETCOP Groupe d’Evaluation des Thérapies Complémentaires Personnalisées situé à Nancy et fondé par le Président Pr François Paille
Pour aller plus loin : Le Congrès annuel de la FFSH (Fédération Française des Sociétés d'Homéopathes) aura lieu le 15 juin 2019. Retrouvez-y le Dr Dominique Eraud. Ouvert à tous.