Le danger était connu depuis des décennies, mais ce n’est qu’aujourd’hui que le scandale éclate. Pendant ce temps, des millions de biberons, tétines et téterelles utilisés dans les maternités ont été stérilisés avec de l’oxyde d’éthylène, une substance déclarée cancérigène par le Centre international de recherche sur le cancer en 1994 et dans le collimateur du Ministère de la Santé depuis 1979.
Malgré les décisions successives visant à écarter ce gaz des circuits de stérilisation du matériel médical, le Nouvel Observateur a découvert qu’il est encore largement utilisé aujourd’hui, notamment dans la stérilisation du matériel pour l’alimentation des nourrissons. Un des acteurs de ce marché, le groupe Cair, parfaitement transparent sur son utilisation du gaz pour stériliser ses produits, a affirmé à l’hebdomadaire avoir « vendu en France 4 millions de tétines et 300.000 téterelles » en 2010. Un chiffre à la hauteur du marché en jeu : 800 000 enfants naissent chaque année dans les hôpitaux français et la moitié n’est pas allaitée.
En 2010, la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes interdit l’utilisation de l’oxyde d’éthylène « pour désinfecter des objets destinés au contact des denrées, tels que les biberons ». Malgré cela, le gaz continu d’être utilisé. Mauvaise circulation de l’information ? Certainement. Mais aussi volonté de bien faire sur un autre dossier : la lutte contre les maladies nosocomiales, qui mobilise le monde hospitalier depuis 1998.
Suite aux révélations du Nouvel Observateur, Xavier Bertrand, Ministère de la Santé, a immédiatement annoncé « le déploiement progressif de solutions alternatives (nourettes, autres biberons prêts à l'emploi à usage unique ou non) permettant dès que possible le retrait des lots incriminés ». Une réponse évidemment bienvenue mais qui ne rassure pas les jeunes parents.
Pourtant, les médecins ne sont pas unanimes sur les conséquences de l’ingestion de molécule d’oxyde d’éthylène. Répondant aux questions du Nouvel Observateur, André Picot, toxicochimiste et ancien directeur au CNRS, est catégorique : « Comment peut-on prendre le risque de mettre dans la bouche des bébés une tétine qui recèle des résidus de substances mutagènes ultra agressives ? […] Sur le principe, il n’y a ni seuil, ni dose acceptable. Il s’agit d’un génotoxique classifié "direct" qui agit sans l’intermédiaire des enzymes de l’organisme. Son interdiction obéit donc à un impératif catégorique de sécurité sanitaire qui ne saurait être discuté ».
Interrogé par Le Figaro, le Pr Narbonne, professeur en toxicologie à l'université de Bordeaux et expert à l'Agence nationale de sécurité sanitaire est d’un autre avis : « les nouveau-nés sont exposés trop brièvement - quelques jours lors de leur passage à la maternité - pour que cela leur fasse courir le risque de développer un cancer, qui requiert une exposition répétée et prolongée ». Si le débat est ouvert chez les scientifiques, une chose est sûre pour les juristes : l’interdiction était officielle et n’a pas été respectée. Le ministère de la Santé a ouvert une enquête pour comprendre les raisons de ces dysfonctionnements flagrants.
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