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Cancer du sein: comment le vivre au quotidien? Témoignage

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J'ai choisi un mail groupé. Je voulais prendre le temps de choisir mes mots, avoir cette distance que permet l'écrit, sur la situation.
sonia bellouti Sein de corps et d'esprit
Sonia Bellouti
Sonia Bellouti
Mis à jour le 25 février 2021
Comment annoncer son cancer à ses proches ? Sonia Bellouti nous raconte comment elle a abordé la maladie avec son entourage, par le biais d'un message simple et émouvant.

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Comme beaucoup de femmes de mon âge, je m’efforçais d’être une compagne disponible et une amante enthousiaste. Une mère attentive et une fille aimante. Une amie loyale et une oreille bienveillante. Une entrepreneuse dynamique et un être très "réseaunable". Quand le diagnostic est tombé. Il me fallait dès lors gérer chaque facette de ma vie et les personnes qui en font partie. 

Mon coming out

C'est peut-être parce que je me sentais un peu moins responsable vis-à-vis d’eux que j’ai choisi d’apprendre la nouvelle à mes amis avant mes parents et mon fils. L’annoncer officiellement c’était l’ancrer dans la réalité, l’incarner dans ma chair. C’est comme si après ça, je ne pouvais plus m'y dérober, ni revenir en arrière. J’ai choisi un mail groupé. Je voulais prendre le temps de choisir mes mots, avoir cette distance que permet l’écrit, sur la situation.

"Comment allez-vous ? Pas trop de nouvelles ces temps-ci ? 

Ce message est groupé, vous l'aurez compris, car je voulais faire une petite annonce collective et vous donner de mes "pas bonnes" nouvelles. Voilà, depuis un mois je sais que j'ai un cancer du sein.


On s'adapte et la vie continue 

Je suis prise en charge par l'une des meilleures équipes de France pour cette pathologie et c'est rassurant. Je dois me faire opérer le 5 novembre à la Clinique H. à Neuilly sur Seine, où je séjournerai 4 à 5 jours.

Les temps sont durs pour nous (mon fils, mon amoureux et moi). Pour le premier c'est une année cruciale, il est en terminale, pour le second, des gros soucis au travail, et moi je jongle avec thérapeutes, soins et médecins, tout en bossant un peu (je n'ai pas de congés maladie n'étant pas encore salariée). Le moral est plutôt bon mais flanche par moment devant "l'absurdité" de la situation... Il y a un an, les examens de routine n'avaient rien décelé. Aujourd'hui, j'ai une tumeur multifocale qui nécessite une ablation et des traitements lourds."


Les amis qui restent malgré tout

J’avais besoin de partager cette nouvelle mais aussi de me sentir entourée, soutenue. Je pressentais que cette annonce allait faire une sorte de tri, révéler de solides amitiés parmi les plus superficielles ou au contraire écarter celles qui ne pouvaient supporter le malheur et la douleur. 

C’est exactement ce qui s’est passé. Sans rancœur ni rancune, qu’ils sachent que je ne leur en veux pas. Chacun fait ce qu’il peut et veut avec les moyens qu’il a. 

Apprendre à demander

"J'ai besoin de tous les soutiens, sous toutes les formes. J'ai du mal à demander mais je crois bien que la première leçon de cette épreuve est bien d'apprendre à le faire.

Donc oui, j'aurais besoin de vous, d'une manière ou d'une autre. Me faire le taxi de temps en temps quand je reviendrais d'une séance de radiothérapie ou de chimio, venir m'apporter à manger à la clinique, me rendre visite à la maison histoire de garder une vie sociale agréable. Me faire chanter, me faire rire, m'aider à régler une facture... Et plein de pensées positives pour faire passer le mieux possible ce long mauvais quart d'heure. En tout c'est une histoire de 6 à 8 mois de traitements, après il y aura peut être d'autres choses, à voir."


J’ai appris à demander et j’ai reçu en réponse de nombreux témoignages d’amitié. C’est important dans ces moments là, et cela a fait partie du "grand travail" de réparation, que je t’expliquerais une prochaine fois.

Plus que des témoignages d’amitié, j’ai trouvé de l’aide de la part de personnes que je connaissais à peine à l’époque, et même une aide financière dans mon réseau professionnel. 

Ma chambre ne désemplissait pas à la clinique, on venait me voir même de loin. J’ai trouvé cela tellement touchant de me consacrer du temps, de traverser Paris pour passer une heure en ma compagnie, me faire rire, m’apporter un livre, et simplement de la joie de vivre. Des instants d’autant plus précieux que je les ai partagés avec des femmes très actives, entrepreneuses, mères de familles, pour qui le temps et l’énergie étaient comptés dans une journée.

Et je reste éternellement reconnaissante envers une amie en particulier qui s’est proposée, alors que je la connaissais depuis peu, de me préparer les repas et de me les apporter tous les jours, pour ne pas avoir à manger ce qui était pour moi l’antinomie du repas sain. J’ouvre une parenthèse, il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine dans les cliniques et les hôpitaux.

Trouver les mots justes pour en parler

Je me souviens qu’après l’annonce à mes amis, me sentant prête à en parler à mon fils et mes parents, je suis tombée malade. Une méchante trachéite accompagnée d’une extinction de voix. C’est drôle, tu ne trouves pas ? Il s’agissait de le dire, mais aucun mot ne pouvait sortir de ma poitrine douloureuse. Il s’agissait de rassurer et j’avais peur de ne pas être à la hauteur à m’en rendre malade. Quels mots dire ? Cancer, chimio, que des gros mots qui me restaient en travers de la gorge.

J’ai fini par retrouver ma voix et un soir, j’ai frappé doucement à la porte de la chambre de mon fils. Je me suis assise en face de lui, pris une grande respiration et me suis lancée. Le factuel m’a sauvé. Dire les choses telles qu'elles étaient sans drame ni atermoiements. J’ai expliqué ce que c’était en évitant le mot cancer - j’ai parlé de nodules, tumeurs à enlever -  et le mot ablation, car il s’agissait de mon corps et de mon intimité et cela sonnait comme mutilation. J’ai dit en toute honnêteté tout ce qui était prévu pour mes traitements en le rassurant sur ma guérison prochaine. Je n’avais pas menti, j’en étais convaincue, en tout cas à ce moment là. 

C’est dur de décevoir ses parents, c’est le sentiment que j’ai eu. C’est étrange non ? Même en étant mère moi-même, j’étais et je reste leur enfant chérie, leur petite. Je comprenais la douleur et la peur de mes parents. On ne peut se résoudre à accepter le malheur de son propre enfant quel que soit son âge. Mais pour autant, je n’avais pas envie de gérer leur stress et leurs angoisses. Je n’avais pas envie de m’entendre dire que ce qui m’arrivait était grave, entendre les atermoiements et les sanglots. Je ne voulais pas entendre parler de maladie, je me suis interdit et j'ai interdit aux autres de prononcer ce mot. Je me souviens avoir dit à ma mère "Je ne suis pas malade, je suis en traitement." sur un ton ferme et définitif.

Le sentiment de responsabilité face à la douleur de l'autre

Pendant mon séjour à la clinique, ma mère appelait tous les jours, parfois plusieurs fois par jour, pour se rassurer sans doute. Les conversations étaient généralement longues et donc épuisantes. Plus tard, au début de mes traitements, elle a insisté pour être présente à la maison à chaque chimio alors que je n’avais qu’une envie : rester seule, me reposer…. Et maintenir une vie normale, mon leitmotiv. Il m’a fallu beaucoup de patience pour lui faire comprendre, j’espère sans trop la heurter, que je n’étais pas seule, que j’étais entourée et que mon fils et mon compagnon s’occupaient déjà de tout à la maison. Le fait de commencer un nouveau travail 3 jours après la première chimio, d’avoir une vie sociale et affective épanouissante lui a finalement fait changer d’avis, tranquillisée enfin. 

Dans cette histoire, tu vois, je me suis sentie mère de mes propres parents. J’étais une petite soldate forte. J’ai gardé mes doutes pour moi, j’ai parfois retouché la réalité, menti par omission. Je ne sais pas qui je voulais convaincre le plus, moi ou les autres. Ce dont je suis sûre, c’est que je l’ai fait pour me protéger et protéger ceux que j’aime. La fin justifiait certains moyens. J’aurais pêché par excès d’amour, sans remords ni regrets.

Malgré tout l'amour reçu, on est seul face à la maladie

J’étais une patiente, une compagne, une mère, une fille et une amie modèle et un peu rebelle. Je voulais (me) prouver de manière à la fois poignante et parfois pathétique, que j’étais une gentille guerrière. J’ai pratiqué l’humour, l’autodérision, une certaine légèreté, trompeuse ou pas, je ne saurais le dire, ce qui est certain c’est que cela faisait partie de ma panoplie du kit de survie au quotidien. 

Garder confiance, désamorcer les peurs, lâcher prise et aussi faire face à la douleur et l’extrême fatigue, sont des batailles dont je ne sortais pas toujours victorieuse. Le ras le bol, la colère, les pleurs et l’inquiétude ont eux aussi été mes compagnons de route.

"Bon ben c'est dit, vous le savez, ce n'est pas une catastrophe mais une épreuve à passer... Ne vous inquiétez pas pour moi, tout se passera bien au final, j'en suis convaincue. Pas d'apitoiements s'il vous plait. Je vous embrasse tous et donnez-moi de vos news. Sonia"

L'auteur : 

Sonia Bellouti est formée aux massages et au Feng Shui, responsable d’un espace bio de bien-être. Dans sa vie 2.0, elle a fait de belles rencontres et partagé sur la toile ses passions, ses coups de gueule et ses coups de main. Biotiful green, sustainable kindness & cyber active !

 

>> Pour une expérience de lecture optimisée, retrouvez cet article dans votre magazine Ipad d'Octobre 2014  

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