C'est une petite poire, assez discrète de prime abord. Sa peau marron-vert ne la met pas en valeur et elle ne s'impose certainement pas par son poids : elle pèse de 20 à 60 grammes ! Mais cette discrétion cache un joli secret, qui récompense le curieux qui osera la couper en deux. Ce secret, c'est la couleur de sa chair, d'un rose éclatant. « Plus elle mûrit, plus elle rosit », résume Lorenzo Bragagni, de l'Associazione culturale Pro Ville. « Cocomero », c'est tout simplement la pastèque en italien. Ce qui donne une idée de la teinte que peut prendre cette poire lorsqu'on la récolte tardivement.
Sur 115 variétés de poires, il n'en reste que 17
La poire Cocomerina ne pousse qu'aux pieds du Mont Fumaiolo, au nord de l'Italie. Son vrai nom est très sobre : « poire Briaca », mais « cocomerina » est bien plus affectueux. Elle fait partie des quelques variétés qui ont survécu à l'intensification de la fruiticulture italienne dans les années 1950, qui a écarté les espèces les moins rentables. Qu'on en juge : des 115 espèces de poires répertoriées dans la Péninsule entre le XVII et le XVIIIème siècle par Bartolomeo Bimbi, peintre médecin, il n'en reste que... 17. On ne peut donc que se féliciter de l'engagement des producteurs de Ville di Montecoronaro, qui se sont réunis dans un projet Sentinelle Slow Food pour protéger cette variété. Le poirier de Cocomerina est en effet en voie de disparition : il ne reste que 100 arbres dans la région.
Cette poire qui peut se récolter de fin août à fin octobre est très délicate et se conserve mal. Difficile d'en imaginer la vente directe, d'autant plus que n'étant pas traitée, elle présente de nombreux défauts auxquels les consommateurs ne sont plus habitués et qui pourraient les repousser. Les producteurs ont donc choisi de la valoriser uniquement à travers des produits transformés : des liqueurs, et des confitures. Les liqueurs sont une Grappa à la Cocomerina et une liqueur à la Cocomerina et au cacao, un mélange pour le moins étonnant mais qui semble avoir ses adeptes.
Une confiture à se damner
Sur le stand Slow Food où sont présents des producteurs de Cocomerina, ce sont surtout les confitures qui retiennent l'attention. D'ailleurs, en ce dimanche après-midi il n'y a plus un seul pot de la confiture « light », autrement dit sans sucres ajoutés, sur le stand. Tout le stock emporté a été vendu. Alors que l'on goûte par défaut la version sucrée, Lorenzo dégote un dernier pot de la version light au fond d'une étagère, qu'il sort le temps de nous la faire découvrir et qu'il s'empresse de cacher de nouveau. On va pouvoir comparer. On reconnaît facilement celle qui est plus sucrée, mais dans les deux cas, la texture de la confiture reste fidèle à celle d'une poire bien mûre et juteuse, fondante en bouche. C'est une première révélation. On a à peine le temps de faire mentalement cette réflexion que les papilles s'affolent sous l'explosion du parfum, de la saveur et du goût qui s'expriment en une simple demie-portion de cuillère de dégustation. Sucrée ou non, cette confiture, c'est un concentré de poires fraîches et gorgées de soleil. Les mots manquent pour décrire notre enthousiasme. Décidément cette petite Cocomerina est pleine de surprises.
Pour aller plus loin : peracocomerina.it