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Interview

Paul Watson de Sea Shepherd: “Nous perdons des espèces chaque année. Choisirons-nous de nous éteindre ou pas?"

"Notre survie sur cette planète dépend de l'avenir de l'océan"
© Sea Shepherd
Anne Ghesquière
Anne Ghesquière
Mis à jour le 25 février 2021
Paul Watson, pirate des temps modernes, a été le premier réfugié écologiste accueilli par la France, en 2014. Ce Canadien citoyen des mers du monde défend, grâce à Sea Shepherd, l’océan et ses espèces.

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Avec sa barbe blanche et sa voix qui s’anime dès qu’il parle de l’océan, le capitaine Watson est très charismatique. Quelle excitation à l'idée de rencontrer ce héros qui œuvre avec courage et détermination, depuis près de quarante  ans, pour préserver cette vaste étendue à l’origine de toutes les formes de vie sur Terre !

Paul Watson, qui êtes-vous ?
J’ai fondé la Sea Shepherd Conservation Society en 1977 et, depuis, je m’en occupe.
Sea Shepherd ("Berger de la mer") est une organisation qui lutte contre le braconnage ; nous ne sommes pas un groupe de protestation. Nous disposons de nombreuses lois et de règlements pour protéger les océans mais le problème est qu’il y a un manque de volonté politique et économique pour les respecter. Sea Shepherd agit contre cela avec succès depuis quarante ans.

Comment votre vocation est-elle née ? Quand a eu lieu votre "Rencontre" avec l’océan ?
Avant de protéger les baleines je protégeais les castors, quand j’avais 10-11 ans [en 1960-61], en les recueillant et en détruisant les pièges qui étaient posés pour les capturer. Puis j’ai été le plus jeune membre fondateur de la fondation Greenpeace, en 1969.  Deux ans plus tard j’ai participé à une opération pour protéger les baleines dans le Kamtchatka, suivie d’une autre en 1975-76. Après cela il y en a eu une pour les phoques en 1976-77. En 1977 j’ai quitté Greenpeace et ai fondé Sea Shepherd.

Vous dites souvent que vous avez beaucoup appris des peuples autochtones du Canada. Vous sentez-vous proche d’eux et de ce qui se passe au Canada actuellement ?
Nous sommes proches de groupes de la côte ouest-américaine mais aussi des chefs autochtones d’Amazonie, dont Raoni. Je me sens proche des cultures autochtones d’Amérique car ce sont des cultures biocentrées et je me considère comme une personne biocentrée.  Le monde ne tourne pas autour de l’humanité, nous sommes une partie de ce monde, nous ne le contrôlons pas et nous ne sommes en aucun cas supérieurs aux autres espèces. Ce point de vue est compris par les cultures autochtones mais les soi-disant cultures modernes civilisées ne l’entendent pas du tout.

Quelle est votre principale préoccupation concernant l’océan ?
Il ne s’agit pas que d’un problème mais d’une diversité de problèmes. L’océan lui-même est menacé en raison de plusieurs facteurs. Nous devons comprendre que notre survie sur cette planète dépend de l’avenir de l’océan : si l’océan meurt, nous mourrons. Nous sommes intimement liés à lui. Il régule le climat, il nous fournit en nourriture et plus de 50 % de l’oxygène est produit par les phytoplanctons dont la proportion n’arrête pas de se réduire depuis 1950.  Beaucoup de choses menacent l’océan : acidification, pollution due aux plastiques, pollution chimique ou encore radiations liées à la pêche illégale. Il est difficile de faire comprendre aux gens que tout est lié : que nous vivions à Paris, dans l’Himalaya, dans le Colorado ou au Japon, nous dépendons tous de ce système crucial pour la vie sur Terre qu’est l’océan.

Est-il possible de changer les choses de manière pacifique ou l’activisme – vous vous définissez comme un activiste – est-il la seule voie ? Vous considérez vous, vous qui êtes inspiré par le dalaï-lama, Gandhi et Martin Luther King, comme un “guerrier de lumière” ?
Protester ne fonctionne pas vraiment car c’est finalement se soumettre et supplier des forces de ne pas faire quelque chose… Et dans ce cas elles vous ignorent et font ce qu’elles ont envie. Ces protestations font partie intégrante de notre société donc ces forces savent très bien comment les gérer. Par contre, si vous sortez du cadre et faites quelque chose de plus agressif, ce n’est pas acceptable. Nous nous plaçons dans l’entre-deux.

Vous participez, en tant que parrain, à la méditation de 24 heures pour les océans qui a eu lieu à Paris en juin 2016. Quel est l’impact de la méditation sur l’océan ?
Pour moi la méditation c’est contempler où nous nous situons par rapport aux autres espèces et à l’écosystème dans lequel nous vivons. Nous ne sommes pas plus importants que tout ce qui nous entoure. Cela énerve les gens quand je dis que les vers, les arbres et les abeilles sont plus importants que nous. Ils me demandent comment je peux dire des choses pareilles et je leur rétorque : “C’est très facile : ils peuvent exister sans nous mais nous ne pouvons exister sans eux !” Donc méditer c’est me situer dans cette réalité, percevoir le lien ténu entre toutes les espèces et chercher l’humilité du biocentrisme qui s’oppose à l’arrogance et à l’ignorance du point de vue anthropocentré.

Il y aura beaucoup d’enfants présents lors de cet événement… Qu’est-ce que cela évoque pour vous ?
Je ne crois pas qu’on puisse enseigner quoi que ce soit aux enfants. Je pense qu’on devrait leur permettre d’exprimer leurs idées, d’utiliser leur imagination et leur intuition, et on devrait les écouter davantage. Je pense qu’il faut laisser les enfants apprendre par eux-mêmes. Il y a des écoles, comme celle de Pierre Rabhi en Ardèche, qui permettent cela mais la plupart disent aux enfants quoi penser et les obligent à régurgiter ces connaissances.

Vous parlez souvent de la première fois où vous avez croisé le regard d’un cachalot… Avez-vous régulièrement ce genre d’expérience avec les animaux et avez-vous le sentiment qu’ils savent ce que vous faites pour eux ?
Toutes les créatures, végétales et animales, communiquent, ont des émotions et ont conscience d’elles-mêmes. L’être humain a décidé qu’il était le seul à pouvoir le faire et à être intelligent, conception purement nombriliste ! Je pense que les baleines sont très proches de nous et j’apprends beaucoup d'elles et des requins, par l’observation.

Les baleines ont un langage ?
Le langage des baleines à bosse contient plus de deux millions de composants vocaux ; en anglais nous n’avons que 400 000 mots ! Pour moi cela révèle une intelligence incroyable ! Cette espèce n’a pas besoin de technologie pour survivre et comprendre son milieu et ses semblables. La plupart des gens ne considèrent pas cette intelligence. Pour moi l’intelligence est l’aptitude à vivre en harmonie avec son milieu… D’après ce critère nous sommes l’espèce la moins intelligente.

Vous dites que les gens ne se préoccupent pas de l’océan car il semble "invisible"…
Les gens sont déconnectés de ce qui n’est pas sous leurs yeux, qui n’est pas directement dans leur vie. C’est le problème principal ! Par exemple, chaque année 65 milliards d’animaux sont tués dans les abattoirs ce qui contribue énormément aux gaz à effet de serre, bien plus que l’industrie et la voiture… Les gens ne veulent pas le savoir, font en sorte de l’oublier et s’en détachent. C’est un cas d’ignorance volontaire.

Après la COP21, êtes-vous toujours optimiste ?
Je suis toujours optimiste mais je ne fais pas confiance aux gouvernements qui ont toujours entravé les changements positifs au cours de l’histoire… Ce sont toujours les individus qui ont mis en œuvre les changements.

Quels conseils donneriez-vous aux gens pour qu’ils préservent l’océan cet été, sur leur lieu de vacances ?
En nettoyant la plage, tout simplement, car chaque morceau de plastique en moins dans l’eau peut sauver la vie d’un animal !  Il faut aussi faire attention à ce que l’on mange car près de la moitié des poissons consommés sont pêchés illégalement. Il n’y a plus assez de poissons pour nourrir 7 milliards de personnes ! La surpêche est partout. La mer Méditerranée que j’ai connue en 1972 n’est plus, sa faune a grandement diminué.

Recommanderiez-vous de manger moins de poissons ou même d’arrêter complètement ?
Nous faisons la promotion d’un régime alimentaire vegan. Nous sommes dépendants à 100 % des phytoplanctons mais ceux-ci disparaissent parce que les baleines et autres créatures marines qui permettent leur apparition sont de moins en moins nombreuses car nous leur prenons leur nourriture ! Tout est relié.

Gardez-vous espoir ou êtes-vous attristé par ce que nous faisons à notre planète ?
Si nous ne changeons rien, la planète prendra soin d’elle-même. La question est de nous sauver de nous-mêmes, de notre ignorance et de notre arrogance. Nous perdons des espèces chaque année. Choisirons-nous de nous éteindre ou pas ? Nous avons la responsabilité de faire tout notre possible pour les générations futures de toutes les espèces.

Quel sens a tout cela, pourquoi sommes-nous là selon vous ?
Nous avons décidé que toute la création avait été faite pour nous. Une arrogance que je n’ai jamais pu concevoir !  Je rejette les religions qui placent l’être humain sur un piédestal, cela m’a toujours semblé illogique. Les seules croyances qui me parlent sont les cultures chamaniques biocentrées. Nous sommes complets quand nous acceptons que nous ne sommes qu’une partie de tout cela et que nous sommes reliés à toute la planète. Une fois que cela est accepté il est facile d’accepter tout le reste.
Il ne faut pas se focaliser sur les conséquences mais sur l’action juste à poser.

“WE ARE OCEAN, 24 heures de méditation pour l'eau, les baleines et les dauphins” le 12 juin 2016 au Grand Rex à Paris et en streaming sur toute la planète.

Paul Watson : son dernier livre - Urgence ! Si l'océan meurt, nous mourrons, éd. Glénat, 4,99 €.

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