Anicha vit dans une oasis reculée du Maroc. Elle passe le plus clair de son temps à dévorer des livres. Seulement, en se coupant ainsi des autres et du monde, elle oublie les joies simples de l'existence. Jusqu'au jour où elle rencontre un scarabée bleu, posé sur une pivoine. Après voyages et épreuves, Anicha découvrira son destin.
"Le Scarabée bleu", roman onirique et resplendissant est un voyage à la rencontre de notre enfant intérieur, cette partie en chacun de nous si vulnérable, belle et forte à la fois. Il est paru aux éditions Eyrolles. En voici un extrait.
Par une belle journée de juillet, Anicha était habillée d’une tunique blanche toute simple, les cheveux attachés et recouverts d’un foulard rouge qui rappelait la couleur de sa ceinture. Elle avait grimpé sur le toit-terrasse de sa maison. Au calme, elle se préparait mentalement: elle avait bientôt rendez-vous avec la ville, son agitation, ses odeurs et son tourbillon…
Vers la fin de la matinée, elle redescendit faire une pause dans sa maison. Mais soudain, une douleur intense la saisit au ventre. À tel point que les crampes lui donnaient l’impression d’être coupée en deux. Elles s’amplifiaient de minute en minute. Personne n’était à proximité pour voler à son secours. Ses parents étaient déjà partis travailler dans les champs. Telle une femme qui allait accoucher, Anicha transpirait, se crispait, le visage déformé par la souffrance. Elle réussit malgré tout à atteindre sa chambre. Les livres empilés servaient de séparation avec le salon. Elle se traîna jusqu’à son lit, fait de gros coussins confortables à même le sol. En même temps qu’elle se pliait de douleur, son regard se posa sur une fleur d’un rose éclatant, disposée dans un vase de terre cuite qu’elle ne connaissait pas.
Elle n’avait jamais vu une telle espèce. Il s’agissait d’une pivoine. Puis, bizarrement, le mal disparut aussi vite qu’il était venu, ce qui lui permit de reprendre ses esprits. Elle était loin d’imaginer qu’à partir de ce jour, sa vie allait basculer de façon totalement inattendue. Encore un peu sonnée, elle s’approcha de la fleur, comme subjuguée. En même temps, elle entendit une voix :
— Anicha, il est temps que nous parlions, toi et moi. Es-tu prête à m’écouter?
La voix était envoûtante et chaude. Elle provenait de la fleur. Se pouvait-il qu’une pivoine parle? Anicha se pencha prudemment vers elle et aperçut… un scarabée bleu, posé sur l’un des pétales.
— Oui, oui… C’est bien moi qui te parle. La fleur et moi avons des choses à te dire, et tu sauras, j’en suis sûr, m’écouter.
— Permettez-moi de reprendre mon souffle un instant, monsieur… Heu… J’avoue ne pas être habituée à converser avec un scarabée !… Et ce, après un mal de ventre indescriptible !
— Eh bien, disons que beaucoup de choses surprenantes peuvent arriver dans la vie. Un conseil: ne te ferme à rien et crois que tout est possible. La preuve… Ha ha…, renchérit le scarabée.
L’insecte, un mâle avec de grandes antennes, mesurait à peine cinq centimètres. Longiligne, il était comme revêtu d’un manteau d’un bleu argenté. En y regardant de plus près, on avait l’impression que le soleil s’y reflétait. En sa compagnie, Anicha ressentit au plus profond d’elle-même un apaisement inédit. Puisqu’elle semblait disposée à participer à ce bavardage bien inhabituel, le scarabée bleu poursuivit la conversation.
— Sais-tu, ma chère Anicha, que tu passes à côté de bien des plaisirs terrestres auxquels tu as pourtant droit, comme tout un chacun ? Pourquoi tant de privations? T’es-tu posé cette question?
— Non, à vrai dire. Je pensais bien faire. J’aime tant lire et apprendre. Au travers des livres, je voyage, je découvre le monde, et mes parents sont fiers de mon travail.
— Allons! Tu t’imposes un rythme infernal alors que personne n’exige cela de toi. N’entends-tu pas les cris de ton corps et de ton âme ?
— Non, je ne vois pas de quoi vous parlez, répondit la jeune fille interloquée.
— Regarde-toi dans un miroir. Ton teint est gris et ton regard ne brille pas. Où est ta flamme de vie ?
— Ma flamme de vie ? Que voulez-vous dire ? Vous me parlez comme si j’étais… malade ?
Anicha devenait en effet de plus en plus pâle. Elle eut soudain un mauvais pressentiment. Ce drôle d’insecte allait-il lui annoncer qu’elle était gravement malade ? Son sang se glaça d’un coup. Elle voyait sa courte vie défiler dans ses pensées, toute cette culture dans sa tête s’envoler avec ses rêves. En un flash, elle réalisa qu’elle n’avait finalement rien vécu de bien réel. Toutes ces années, elle les avait passées sans prêter attention aux autres, sans échanges de rires, de parties de cache-cache ou de baignades dans le ruisseau avec les enfants du village. Tout ce qu’elle avait accompli tenait dans les livres qui parlaient de la vie des autres. Pas de la sienne. Le scarabée s’aperçut de la panique qui figeait le visage de la jeune fille. Il vola alors à son secours, se posant sur sa main.
— Regarde cette pivoine. C’est toi, en fait. Elle représente ce que tu es. Je te l’ai apportée pour qu’elle te guide. Prends soin d’elle comme de toi-même. Si elle perd de son éclat, tu sauras que tu fais fausse route. Si tu as confiance en toi et en la vie, elle resplendira. Si tu la perds, tu t’égareras.
Le scarabée bleu, une invitation aux voyages, d'Emmanuelle Jappert
Editions Eyrolles
Avril 2018
Infos pratiques:
>> Les précédents livres de l'auteur : #Wondersportwomen (Ed. Fauves) est sorti en janvier 2017 et Le cahier Running pour les Nuls (Ed. First) est en librairie depuis avril 2018.Son site internet : www.emmanuellejappert.com