Cet article est un extrait du livre Shuchuryoku Techniques mentales pour rester concentré sur ses objectifs - La méthode japonaise pour déployer ses ressources intérieures, de Nicolas Chauvat, aux éditions Jouvence, 2021.
Kincho : la méthode pour en finir avec la procrastination
Le silence règne dans l’un des jardins intérieurs du sanctuaire Meijijingu. Plus rien ne bouge, le temps semble s’être arrêté, mais pourtant, la tension est palpable. Sans faire de bruit, un archer saisit une flèche et se met en position. Sa cible se situe en face de lui, à plus d’une vingtaine de mètres. Enveloppée dans l’épaisse brume matinale, elle est à peine visible. Le moment est venu, malgré le manque de visibilité l’archer doit tirer.
Les novices présents à ses côtés le contemplent avec grande attention. Mais par manque d’expérience, ils ne savent pas comment l’observer. Leur regard se pose naturellement sur la flèche ou la cible, alors que ce qui importe vraiment, c’est le regard du maître ainsi que son arc. Pour que son corps ne puisse faire qu’un avec la flèche, il faut que son esprit et son arc soient soumis à une certaine tension.
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Ne soyez pas comme ces élèves qui admirent le maître mais qui ne savent pas comment apprendre de lui. Ne soyez pas de ces gens qui envient le succès des autres en se disant : «Si moi aussi je pouvais avoir une idée géniale, ma vie serait plus facile.» Quelle que soit sa pertinence, une idée est semblable à une flèche. Si elle n’est pas propulsée avec suffisamment de force, alors elle ne pourra jamais transpercer aucune cible.
En japonais, le mot «stress» est désigné par le terme «kincho» (緊張感)* qui renvoie à la sensation de mise sous tension d’un fil.
Le stress ne doit pas être évité, il doit être utilisé. Proverbe japonais
Si vous souhaitez atteindre vos objectifs, la réflexion n’est pas suffisante. Vous devez appliquer une juste tension sur votre esprit pour qu’il puisse propulser vos idées. Pour cela, il vous faut apprendre à faire la différence entre les bonnes tensions et celles qui sont malsaines. Considéré comme l’ennemi numéro un de nos sociétés modernes, le stress est souvent présenté comme une maladie qui amenuise nos capacités. Il est intéressant de constater que plus une personne diabolise le stress, plus elle aura tendance à procrastiner. Il est vrai également que ceux qui le ressentent de manière inadéquate et incontrôlée tombent souvent dans la spirale de la procrastination. En lisant ce chapitre, vous découvrirez deux méthodes inspirées de la culture traditionnelle japonaise et validées par les neurosciences pour apprendre à appliquer une juste tension sur votre esprit afin qu’il puisse propulser vos idées jusqu’à leur réalisation concrète.
*Kincho 緊張感 renvoie à la sensation de mise sous tension d’un fil.
La méthode pour ne plus procrastiner
Les neurosciences offrent une alternative un peu plus réjouissante que la peur de la punition et le plaisir de la récompense. Au-delà de la technique de la carotte et du bâton, l’homme a besoin de quelque chose de plus épanouissant. En Asie, les spiritualités et les sciences modernes ne sont pas en conflit, et de plus en plus, elles aboutissent à la même conclusion. Tout comme les bouddhistes qui ont observé que l’homme vit plus heureux lorsqu’il arrive à se détacher de son ego et se met au service des autres, les scientifiques et certains médecins se sont aperçus qu’il existe un neuromodulateur bénéfique très particulier qui est sécrété lors de rapports affectueux avec les autres, l’ocytocine. L’ocytocine permet de lutter contre la dépression, elle offre à notre cerveau de penser plus efficacement, mais en plus elle agit comme une hormone en se diffusant dans tout le corps. Elle relaxe les vaisseaux sanguins et donc réduit l’hypertension. Elle active certains récepteurs des cellules souches situées dans le muscle cardiaque afin de favoriser leur différenciation en cardiomyocytes et ainsi de régénérer le cœur.
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Dans une de ses conférences TED intitulée How to Make Stress your Friend, Kelly McGonigal, psychologue à l’université de Stanford, a présenté une étude menée sur mille citoyens américains qui illustre les effets positifs de l’ocytocine. Elle explique que selon les résultats de cette étude, les personnes qui avaient passé le plus de temps à aider les autres avaient une mortalité, toute cause confondue, moins importante que les autres.
Pour ma part, je cultive trois habitudes pour maintenir mon niveau d’ocytocine :
- Chaque soir, avant de m’endormir, je fais très rapidement une liste des choses qui vont bien dans ma vie: j’ai pu faire des études, voyager dans de nombreux pays, j’ai des personnes qui se préoccupent de mon bien-être, j’ai un travail, un endroit pour habiter, un corps qui fonctionne correctement, etc. Ensuite je visualise le visage des personnes qui contribuent à ces choses positives dans mon existence et je leur dis merci.
- Une fois cela fait, j’essaie de faire une liste de petites actions que je pourrai faire le lendemain pour embellir l’existence des personnes que je côtoie. Il faut bien faire attention de ne pas en faire trop au risque de paraître hypocrite ou d’embarrasser la personne que l’on souhaite aider. L’important est d’être sincère, désintéressé et surtout de réellement passer à l’action le lendemain.
- La troisième habitude que j’ai est de visualiser dans un avenir plus lointain l’impact que j’aimerais avoir sur le monde. Attention, des pensées comme «je veux sauver la planète» sont trop abstraites pour être réellement efficaces. Un médecin sauve des vies, un pompier aussi, mais ils n’agissent pas de la même manière. Les artistes, les cuisiniers, les postiers, les professeurs… tous les métiers peuvent participer à améliorer l’existence des autres. Il ne faut pas faire de hiérarchie. Posez-vous surtout la question, comment voulez-vous que votre vie et vos activités évoluent? Quelles techniques souhaiteriez-vous maîtriser ou quels domaines de connaissance souhaiteriez-vous approfondir pour y prendre plus de plaisir tout en participant au bien-être de ceux qui vous entourent?
L'auteur :
Nicolas Chauvat fait de fréquents voyages en Asie, il parle couramment japonais et chinois. Diplômé de Science Po Aix-en Provence, il étudie les spiritualités asiatiques et les grands systèmes de religion et croyances. Passionné de photographie, il organise régulièrement des expositions sur l'Asie. Quelques uns de ses autres livres : Menki : renforcez votre système immunitaire, Genki, les dix règles d'or des japonais, Surmonter les incertitudes,...
Le livre :
Shuchuryoku Techniques mentales pour rester concentré sur ses objectifs La méthode japonaise pour déployer ses ressources intérieures, de Nicolas Chauvat, aux éditions Jouvence, 2021.