Vous l'avez peut-être découverte dans son TEDx "Un autre monde en d'autres mots". Noémie de Lattre, femme et mère aux multiples talents, nous raconte ses débuts dans la peau d'une artiste engagée, et son évolution en tant qu'éclaireuse du féminin.
FemininBio : comment est apparue votre prise de conscience féministe ?
Noémie de Lattre : Elle est née très tardivement, et par hasard. Avant de devenir la féministe engagée que je suis, je faisais partie de celles qui pensaient que les féministes étaient en guerre contre les hommes. Comme quoi, il est possible pour chacun de changer de vision !
Monter une pièce de théâtre féministe est, au-delà de la performance artistique, un vrai geste politique. Etait-ce simple en 2018 ?
Pas du tout, d'autant que j'ai fait la première de ma pièce à la Nouvelle scène deux semaines avant l'affaire Weinstein. Cela a tout de même eu des conséquences très positives, comme libérer la parole et mettre des mots comme "féminisme" en lumière. Mais quand j'ai annoncé à mon entourage et aux professionnels autour de moi que mon spectacle aurait le mot "féminisme" dans son titre, tout le monde me l'a déconseillé. Ils avaient peur que le titre comme le contenu fassent fuir.
J'ai eu de la chance d'être entourée de personnes qui m'ont fait confiance, notamment Jessie Varin la directrice de ce théâtre, et des metteuses et metteurs en scène qui sont venu.es me prêter main forte. Je n'ai rien lâché. C'était formidable et, dès la première, le spectacle a rencontré énormément de succès. Je suis heureuse d'avoir abordé ce sujet avant que la Terre entière ne s'en empare, pas pour dire que j'étais la première mais parce que cela m'a permis d'apporter une réflexion vraiment personnelle et un regard honnête sur les événements.
Vous évoquez sur Instagram vos conversations avec votre fils. Selon vous, quelles sont les bases pour inculquer à son enfant une éducation féministe et inclusive ?
L'éducation féministe est assez compliquée à transmettre car un enfant va forcément être soumis, partout, à un entourage sexiste. La chose à laquelle je m'astreins vraiment est de toujours faire exister les femmes autant que les hommes dans mon langage, ne jamais employer le masculin comme un neutre.
- Exemple à la question "C'est quoi un pilote ?", je réponds "c'est un monsieur ou une dame qui conduit des avions.
- "Oh regarde il y a un feu" je réponds "oui il va y avoir des pompiers ou des pompières".
Et ce qui est génial c'est que les enfants le comprennent très vite. Par moment d'inattention où je dis par exemple "les voisins sont là", mon fils va me demander "ah bon il n'y a que des garçons ?". Il ne va visualiser que des hommes, et finalement ne retient pas le masculin comme un neutre.
Dans un extrait de votre futur roman, vous parlez avec poésie et délicatesse de la puissance de votre sexe de femme. Quelle a été votre cheminement de pensée pour arriver à une si profonde observation de soi ?
C'est un extrait qui se situe à la fin du roman, il m'a fallu donc 215 pages pour expliquer comment j'en suis arrivée là. Comme beaucoup de femmes, je viens de la sensation que mon sexe de femme est un manque de sexe d'homme, une béance, une faille alors que pas du tout. C'est compliqué à comprendre et à ressentir car on vit dans un monde qui nous indique l'inverse. Rendez-vous cette année je l'espère pour découvrir le parcours de ma pensée, lorsque mon livre paraîtra.
