La célèbre actrice Angelina Jolie, compagne du non moins célèbre Brad Pitt a pris la lourde décision de subir une ablation des seins afin de réduire les risques de cancer.
Le Dr Bérengère Arnal, gynécologue phytothérapeute et auteure de nombreux livres sur le sujet, explique qu'il s'agit d'un choix judicieux dans le cas très spécifique de la mutation du gène BRCA1.
Que pensez-vous de la décision d'Angelina Jolie ?
C’est une bonne décision pour la double raison qu’Angelina Jolie présente une mutation du gène BRCA1 et que sa mère est décédée jeune d’un cancer du sein (56 ans).
C’est une décision mûrement réfléchie , par elle en tant que fille face à son deuil, par elle en tant que maman d’enfants qu’elle veut préserver de cette souffrance, par elle en tant que femme belle et épanouie dans sa tête, dans son corps et dans sa sexualité, par elle et lui, Brad Pitt, en tant que couple uni et en tant que parents responsables.
Qu'est ce qu'une mutation du gene BRCA1 ? Comment le dépiste-t-on ?
Les gènes BRCA1 sur le chromosome 117 et BRCA2 sur le chromosome 13 sont des gènes de susceptibilité au cancer du sein.
Les mutations de ces gènes (modification de l’ADN) sont responsables d’une augmentation des cancers du sein et de l’ovaire et concernent une femme sur 500. Ce risque est plus élevé dans les populations très consanguines (femmes juives Ashkénazes ou islandaises). Mais toutes les femmes porteuses d'une mutation génétique BRCA1 ou BRCA2 ne font pas un cancer du sein ou des ovaires.
Un test sanguin est prescrit par l’oncogénéticien après qu’il ait dressé un arbre généalogique des divers cancers familiaux, s’il juge qu’il y a un risque de mutation de ces gènes. Les hommes peuvent eux aussi être porteurs de ces mutations (un cancer du sein sur 100 en France touche l’homme).
Cet examen est pris en charge par la sécurité sociale, les résultats sont communiqués après environ un an.
Un test négatif concernant les gènes BRCA1 et BRCA2 dans un fort contexte familial de cancers du sein et de l’ovaire ne peut exclure la possibilité que d’autres gènes (que nous ne connaissons pas encore) soient mutés et que, dans l’état actuel de nos connaissances, ils ne soient pas détectables pour le moment.
Etait-ce la seule solution pour elle en raison de la présence de ce gène BRCA1 ?
C’est la seule solution qui va faire passer le risque de k du sein de 87% à moins de 5% (autour de 2%). Les chiffres transmis par les oncogénéticiens français sont plutôt autour de 70% concernant le gène BRCA1 avec un chiffre un peu moindre pour BRCA2 (contre 10% dans la population générale).
La prise préventive de tamoxifène (anti-œstrogène, généralement donné pendant cinq ans après un cancer du sein hormonodépendant) n’a pour le moment pas fait ses preuves en présence d’une mutation des gènes BRCA 1 ou 2.
Peut-être envisagera-t-elle dans l’avenir de faire enlever ses ovaires pour se libérer du risque de 50% d’avoir un k de l’ovaire ? Les chiffres transmis par les oncogénéticiens français sont plutôt autour de 40% concernant le gène BRCA1 avec un chiffre un peu moindre pour BRCA2.
Les traitements hormonaux de synthèse (pilule contraceptive, traitements hormonaux de la ménopause) sont dans ce cas totalement contre-indiqués. Il faut faire appel en matière de contraception à des solutions non hormonales et en cas de ménopause à des traitements naturels (phytothérapie, homéopathie).
Est ce vraiment une bonne façon de diminuer significativement les risques de cancer du sein dans son cas ?
Oui c’est une bonne façon de diminuer les risques en cas de mutation du gène. Le risque de cancer du sein n’est pas nul car on conserve la peau des seins. Généralement, les mamelons sont retirés pour diminuer le risque.
Il est possible de faire préventivement un traitement par radiothérapie de la zone mamelonnaire pour autoriser la conservation des mamelons lors de la mammectomie bilatérale sous-cutanée.
Cette conservation des mamelons permet de conserver le pouvoir érogène des seins. Perdre ses mamelons est un douloureux sacrifice.
Cette ablation préventive est-elle possible en France ?
Elle est possible en France mais assez peu pratiquée pour le moment. Il faut rappeler que cette intervention prophylactique n’est autorisée qu’en cas de mutation d’un des deux gènes BRCA1 ou 2 et que c’est l’oncogénéticien qui a ce pouvoir décisionnel.
Les ovariectomies bilatérales prophylactiques sont plus fréquentes et généralement pratiquées entre 45 et 50 ans. Elles peuvent se pratiquer avant si la mère est décédée plus jeune d’un cancer de l’ovaire.
Est il ensuite possible/souhaitable de poser des prothèses mammaires ?
Il faut bien expliquer qu'il s'agit d'une mastectomie sous-cutanée avec conservation des mamelons. On ne lui a pas enlevé les deux seins mais le tissu glandulaire sous la peau qui est conservée. Il est donc licite d'insérer des prothèses mammaires dans ces enveloppes de peau afin de retrouver le galbe antérieur.
Nous pensions que le cancer du sein était finalement peu lié au terrain familial, or dans ce cas la probabilité est énorme. Pourquoi ?
Sur la totalité des cancers du sein qui touche une femme sur huit en France, les cancers du sein d’origine génétique ne représentent que 5 à 8% des cancers du sein, soit 2000 à 3500 femmes par an. En cas d’antécédent familial proche de cancer du sein mais aussi de l’ovaire - mère, tante maternelle, sœur, fille - il y a lieu d’être plus vigilant au niveau du dépistage clinique et radiologique : mammographie et échographie plus précoces sont recommandées.
Bérengère Arnal
- Vice-Présidente Fondatrice de l’Association Médicale pour la Promotion de la Phytothérapie et des femmes atteintes de cancer du sein 1997-2012
- Responsable du D.U. de phytothérapie à la faculté de médecine de l’université de Paris 13 1999-2012
L'association www.auseindesfemmes.com
L'actualité médicale décryptée par le Dr Bérengère Arnal sur son blog.
Les livres du Dr Arnal :
Cancer du sein, prévention et accompagnement par les médecines complémentaires. éd Eyrolles.
Comment enrayer "l'épidémie" des cancers du sein avec le Pr Henri Joyeux. éd. FX de Guibert.