C'est une nouvelle qui résonne dans l'esprit des femmes depuis plusieurs jours : les règles sous pilules sont "fausses" et "inutiles". Mais pourquoi infliger une telle souffrance au corps si ces hémorragies n'ont aucune importance ni pour le cycle, ni pour le bon fonctionnement de l'appareil génital et reproductif ? La gynécologue Bérengère Arnal nous éclaire.
FemininBio : Une enquête du quotidien 20 Minutessortie le mardi 2 juin nous informe que les règles sous pilules oestroprogestatives sont fausses, et qu'elles n'ont aucune utilité médicale. A quoi servent-elles dans ce cas ?
Dr Bérengère Arnal : Elles n'ont en effet aucune utilité sur un plan contraceptif ou physique. Lorsque la contraception oestro-progestative (COP) a été créée il y a cinquante ans, ces saignements avaient pour but de rassurer les femmes afin qu'elles n'aient pas l'impression de perdre leurs règles. Le sang qui survient la semaine d'arrêt de la COP ou lors de la semaine de prise de sept comprimés neutres faisant suite à trois semaines de prise d'hormones oestro-progestatives est appelé hémorragies de privation. Celles-ci surviennent à l'arrêt de la prise des oestro-progestatifs. Le cycle menstruel est bloqué par la prise de COP.
Mais ces COP n'ont pas évolué depuis ?
Pas tant que cela. Il y a un an ou deux, on a sorti un générique du Minidril, la pilule la plus ancienne sur le marché (1974 soit 46 ans d'existence), qui s'appelle aujourd'hui Optidril. Les femmes sont contentes, car elles pensent prendre une petite pilule toute récente, mais c'est complètement faux. Nous mettons des jeunes filles de 13 ans sous des pilules qui ont 46 ans d'existence, soit presque 3 générations de femmes, et l'on ose dire que ce sont des pilules mini-dosées. Je m'insurge depuis toujours contre ce genre de pratique.
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Alors pourquoi ne pas cesser ce processus d'hémorragie s'il est inutile ?
Si l'on supprime les fausses règles, on prescrit la COP en continu. Mais comme je considère que les oestro-progestatifs augmentent le risque de cancer du sein, je ne peux pas militer pour le fait de donner plus d'hormones aux femmes...
C'est donc dangereux de le supprimer totalement ?
Les oestro-progestatifs augmentent non seulement les risques de cancer du sein mais aussi les risques cardio-vasculaires. Et si l'on vous dit que ce n'est pas démontré, la réponse est simple et logique : quand on découvre chez une femme un cancer du sein, ou lorsqu'elle vient de faire une embolie pulmonaire, un AVC, un infarctus, on lui demande d'arrêter au plus vite la COP. Ce contre-argument prouve clairement que s'il n'y avait pas de danger, on ne dirait pas d'arrêter. Donc oui, plus vous donnez d’hormones, en dosage et en temps, et plus vous augmentez les risques de cancer du sein et d'accidents cardio-vasculaires.
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La meilleure solution reste de privilégier les contraceptions sans hormones, et de se faire poser un stérilet au cuivre, même et surtout chez les nullipares ! Pour ma part, je le fais poser par un chirurgien sous anesthésie locale, avec tout un protocole de plantes et d'homéopathie avant et après la pose.
N'y a t-il pas d'alternatives plus naturelles pour les femmes qui refusent la pose de stérilet ?
Oui, il y a ce que l'on appelle les hormones bio-identiques. Elles sont conseillées dans les traitements hormonaux de la ménopause. Ce sont des hormones de synthèse identiques à celles naturellement sécrétées par les ovaires. Il s'agit, pour les oestrogènes, du 17 bêta-oestradiol et pour la progestérone, de la progestérone micronisée.
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Jusque là les COP contenaient de l'éthinylestradiol comme oestrogène. En matière de COP, deux spécialités oestro-progestatives contiennent du 17 bêta-oestradiol (soit directement ou soit après métabolisation du Valerate d'oestradiol dans l'organisme en 17 béta oestradiol). Il n'existe pas encore de COP avec de la progestérone bio-identifique ; celle-ci existe depuis 50 ans, mais n'a pas d'action contraceptive dans le cadre d'une COP. Il est important de savoir que toutes les hormones stéroïdiennes sont synthétisées au laboratoire à partir de molécules d'origine végétale (phytostérol de soja par exemple).
La COP doit donc être prise en derniers recours ?
Ma certitude après 40 ans de pratique, les jeunes filles et les femmes doivent prendre le moins d'hormones de synthèse possible et le moins longtemps possible au cours de leur vie. Si l'on doit privilégier les pilules contraceptives, il faut qu'elles soient à base d'oestrogènes bio-identiques et d'un progestatif le moins de synthèse possible, c'est-à-dire, le plus proche de la progestérone sécrétée par les ovaires. Il convient de ne prendre une COP que si la femme en a réellement besoin. En l'absence de relation sexuelle, il vaut mieux stopper la COP.
En dernier lieu, en dehors du problème de l'endométriose, il faut savoir qu'il est possible de traiter un grand nombre de pathologies gynécologiques avec des traitements naturels (phythothérapie, homéopathie, nutrithérapie, médecine chinoise...) et que bloquer en première intention les cycles d'une toute jeune fille qui démarre juste l'installation de ses cycles menstruels par une prise de COP pour des douleurs de règles ou un syndrôme menstruel, par exemple, ne me paraît pas dénué de danger pour son avenir. Je conseille en première intention de se tourner vers les pratiques naturelles et de réserver la COP en cas d'échec de ces dernières.
Infos utiles
Docteur Bérengère Arnal est médecin gynécologue-obstétricienne, sophrologue, phytothérapeute et diplômée de psychosomatique en gynécologie-obstétrique. Elle est la Présidente fondatrice (2007) d'Au sein des femmes, association dédiée aux femmes atteintes de cancer du sein. Son site : berengere-arnal.fr