Le mil : une céréale ancestrale
Autant vous prévenir, on a vite fait de s’y perdre entre "mil" et "millet". Ce terme générique évoque le nombre 1 000 : comme ces céréales ont en commun d’avoir des petits grains, regroupés en beaux épis ou panicules, on a l’impression de multiplier par 1 000 son capital en les semant, ce qui n’est malheureusement qu’une illusion.
Habitués de longue date au millet, les Européens baptisèrent allègrement "millet" les céréales dénichées au fil des expéditions, d’où la confusion. "Mil" tout court, ou "petit mil", désigne le plus souvent le millet perle ou à chandelle, que nous évoquons ici. Le terme "millet" désigne en français une céréale cultivée depuis longtemps pour les bouillies et, en anglais, aussi bien le mil que l’éleusine.
Il a été domestiqué voilà plus de quatre mille cinq cents ans, probablement au Nord-Est du Mali. Cela faisait déjà un bon millénaire que des éleveurs nomades parcouraient ce qui était à l’époque une zone de collines verdoyantes, où ils ramassaient périodiquement les graines de mil sauvages, à portée de main.
Le mil a également été emporté de l’autre côté de la mer d’Oman, en Inde, et cela depuis des temps très anciens, au moins trois mille ans. Il porte là-bas le nom de bajra et constitue la quatrième céréale consommée. L’Inde produit à elle seule entre 11 et 13 millions de tonnes de mil, alors que toute l’Afrique en récolte 15 à 16 millions – le Nigeria et le Niger étant en tête, tous les deux aux alentours de 4 à 5 millions.
Récolte du mil en Afrique et en Inde
Les paysans récoltent les chandelles de mil à la main, puis les sèchent au soleil, avant de les stocker dans des greniers traditionnels souvent construits en banco, mélange de terre et de paille. Le mil est ensuite décortiqué au pilon, ce qui n’est pas une mince affaire, puis réduit en farine ou en semoule. Il contient 60 à 70 % d’amidon, 6 à 20 % de protéines, 4 à 6 % de lipides, cette dernière teneur étant la plus élevée parmi les céréales. En l’ingérant, on récupère plus d’énergie qu’avec le sorgho, mais gare au rancissement, car la graine se conserve moins longtemps. Ses protéines contiennent aussi plus de lysine et de tryptophane que chez les autres céréales.
En Inde, au Rajasthan, le mil représente l’un des aliments de base dans une région souvent affectée par la sécheresse, en lisière du désert du Thar. L’analyse révèle que les variétés sélectionnées présentent une qualité nutritive supérieure, comme si les paysans avaient intuitivement intégré cette donnée vitale. D’autres recherches ont montré que le mil local surpasse le riz et le blé au point de vue nutritionnel, et qu’un menu associant lentilles ou pois chiches avec du mil, à la place de riz, permet aux végétariens de ne pas connaître de carences.
Le mil : à manger cuit ou cru
On peut cuisiner le mil, décortiqué mais entier, comme du riz, ou bien extraire sa farine pour des bouillies ou des porridges – pardon, du toh et du koko –, des pains plats, des galettes ou des pancakes, appelés marsa au Ghana. La boule de mil peut être accommodée de lait, de sucre, de piment… On peut aussi griller ses graines, un peu comme du pop-corn : elles n’éclatent pas mais prennent un goût délicieux. Les paysans consomment souvent le mil de cette façon, particulièrement au champ avec les premières chandelles récoltées.
Cinq minutes suffisent pour le torréfier. On verse ensuite un peu d’eau, des épices et du sel. Dix minutes de cuisson, puis autant à laisser gonfler hors du feu. Il ne reste plus qu’à l’ajouter à une salade composée ou à une farce. Dans les régions montagneuses du Niger, un repas de berger classique se compose de boulettes de mil avec des dattes et du fromage de chèvre. Il suffit d’ajouter un peu d’eau, même pas besoin de cuisson. Enfin, on peut confectionner une bière maison avec le mil, comme on le fait avec le sorgho.
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Texte extrait du livre "Céréales, la plus grande sage que le monde ait vécue" de Jean-Paul Collabert aux éditions rue de l'échiquier.
Crédit photo : visoflora.com